Ainsi, écrire qu'on voudrait écrire, c'est déjà écrire.
Car je n’aurais bien entendu inventé que des mensonges débordant d’exactitude
Plus tard, lycéen, je prenais soin d'acheter, en quantité toujours plus grande qu'il m'était nécessaire, des agendas, répertoires, registres ou simples carnets, dont la plupart restaient vierges : les vastes projets auxquels je les destinais s'accommodaient déjà fort bien, en ce temps-là, de ne pas dépasser le stade de projets.
Au commencement, une phrase très courte. Une demi-douzaine de mots seulement; des mots simples, les premiers venus, ou presque.
Ainsi, il est une règle non écrite qui veut que les écrivains, et à plus forte raison les non-écrivains, ne publient pas leurs non-oeuvres.
Les premières lignes d'un livre sont les plus importantes. On ne saurait trop les soigner. Critiques et lecteurs professionnels avouent sans honte qu'ils jugent un ouvrage sur ses trois premières phrases. Si elles leur déplaisent, ils arrêtent là leur lecture et entament avec soulagement le livre suivant.
C'est ce cap dangereux que vous venez à l'instant de franchir, lecteur .
J’avais la conviction que ma quête gagnait en sérieux, puisqu’elle allait, cette fois, chercher ses modèles en pleine mythologie : comme Isis réunissant les fragments épars du corps de son frère-époux, je tâchais, moi aussi, de rassembler, syllabe après syllabe, les éléments d’un corpus dissimulé.
Ce faisant, je me souvenais aussi de quelques procédés chers aux vieux poètes de l’Inde comme à ceux de la Rome la plus archaïque.
p. 137 Leur souci était de reproduire, de suggérer, sans jamais se lasser, les sonorités d’un unique nom : celui de la divinité ou du héros qu’ils voulaient honorer. Il arrivait même que le mot qui était le thème, la clé, de tout un texte ne fût pas une seule fois prononcé en clair. Peut-être était-ce ici le cas ? (p. 136-137)
L’alphabet lui-même m’apparaissait dans son abord le plus affable, et non plus affublé de ses éternels falbalas.
Toute l’histoire des hommes est là pour prouver que l’interprétation métaphorique a des ressources infinies, et qu’il n’est pas de texte qu’elle ne puisse sauver.
De fait, il était de ceux pour qui lire n’est ni un plaisir ni un passe-temps, ni un refuge ni un alibi, mais une vocation, la seule pour ainsi dire.
Je voyais bien une solution : il aurait suffi que je m’oriente résolument vers la fiction, que j’ose me jeter dans l’imaginaire, qu’à grands coups de sabre je tranche tous les nœuds, que j’invente les héros qui me déchargent de mes entraves, que je construise enfin, à force de patience ou d’habileté, une figure mythique qui m’aurait rendu supportable à moi-même.