Citations de Marcel Pagnol (1540)
Pendant que je savourais mon café au lait, elle prépara ma musette : pain, beurre, saucisson, pâté, deux côtelettes crues, quatre bananes, une assiette, une fourchette, un verre, et du sel dans un nœud de roseau, bouché par un gland de kermès.
Mais quand j'avais les yeux fermés, dans la nuit de ma petite chambre, la chère colline venait à moi, et je m'endormais sous un olivier, dans le parfum des lavandes perdues...
Il se leva, et ouvrit la porte toute grande : nous distinguâmes la silhouette d'un ours énorme, qui débouclait les courroies du porte-bagages : l'oncle fit son entrée dans un pardessus de fourrure à longs poils, que complétait un cache-nez à quatre tours, et il posa un gros paquet sur la table en disant : « Joyeux Noël ! »
Alors je ne posai plus de questions. J'étais heureux parce que je savais qu'il m'avait menti : oui, il était venu m'attendre, dans la grisaille de la Noël, sous cette fine pluie froide dont les gouttes brillantes restaient accrochées à ses longs cils. Il était descendu des Bellons, mon petit frère des collines... Il était là depuis des heures, il y serait resté jusqu'àl'épaisseur de la nuit, avec l'espoir de voir paraître, au tournant de la route luisante, le capuchon pointu de son ami.
Ma mère, avec une toque, un col et un manchon de fourrure (en lapin, bien entendu), ressemblait aux belles patineuses canadiennes qui glissaient sur le calendrier des Postes, et comme le froid lui donnait des couleurs, elle était plus jolie que jamais.
Il se mit à clouer le couvercle de la caisse ; je vis bien qu'il clouait le cercueil des vacances, et que rien n'y changerait rien.
On nous installa ensuite devant le feu, et je racontai notre odyssée. Le point culminant fut l'attaque du grand-duc, que je ne pouvais évidemment pas laisser immobile contre le rocher : il s'élança donc sur nous, les yeux en feu, les serres en avant, et tournoya autour de nos têtes. Tandis que je battais des ailes, Lili poussa les cris aigus du monstre. La tante Rose écoutait la bouche ouverte, ma mère secouait la tête, Paul protégeait ses yeux avec ses deux mains. Notre succès fut si complet que j'eus peur moi-même, et que bien souvent dans mes rêves — même quelques années plus tard — cette bête agressive est revenue me crever les yeux.
— Oui, dit-il, oui, j'ai peur. Toi, tu ne te rends pas compte d'une chose. L'hibou, nous l'avons vu le jour : c'est pour ça qu'il n'a pas bougé... Mais la nuit, ça, c'est son affaire : pendant que tu dormiras, ils viendront te crever les yeux... Un grosibou, la nuit, c'est pire qu'un aigle !
L'oncle Jules, pourtant, la dépassa dans l'ignominie, car il dit : « Eh bien, moi, ce qui m'a manqué, ce sont des cabinets confortables, sans fourmis, sans araignées, sans scorpions, et munis d'une chasse d'eau. » Voilà donc à quoi il pensait, ce grand buveur de vin, avec ses grosses fesses : parmi le thym, le romarin et les lavandes, au chant des grillons et des cigales, sous le ciel d'un bleu vif où naviguaient les provençales, il n'avait pensé qu'à ça ! Et il l'avouait !
Le matin, vers six heures, nous emmenâmes Paul, encore mal éveillé, mais assez joyeux de l'aventure, et il marcha bravement entre nous. En arrivant au Petit-Œil, nous trouvâmes, pris au premier piège, un pinson. Paul le dégagea aussitôt, le regarda un instant, et fondit en larmes, en criant d'une voix étranglée : « Il est mort ! il est mort !
— Mais bien sûr, dit Lili. Les pièges, ça les tue !
— Je ne veux pas, je ne veux pas ! Il faut le démourir !...
Jamais, non, jamais nous ne revîmes une bartavelle. Pourtant, sans en parler, nous les cherchions partout, et surtout dans le ravin sacré de la sublime chasse... Nous en approchions en rampant, à plat ventre sous les kermès et les argéras, ce qui nous permit souvent de surprendre des perdrix, des lièvres, et même un blaireau, que l'oncle Jules foudroya presque à bout portant ; mais les perdrix royales s'étaient envolées dans une légende, où elles sont restées depuis : sans aucun doute par peur de Joseph, dont l'auréole en fut agrandie.
Tu peux rire, mais c'est la vérité. J'avais peur de toi. J'avais peur de t'aimer.
- Vous parlez de moi avec Toine?
- Souvent. D'ailleurs, il faut que je me surveille, sans ça je parlerais de toi sans cesse avec tout le monde.
Quand on est un garçon de bonne famille, on fait des cadeaux à sa maîtresse, et on n'essaie pas de les lui reprendre.
Tu vois, comme l'instruction est une belle chose!
il n est pas necessaire de le dire aux enfants.
L'aube était fraîche. Quelques planètes apeurées clignotaient, toutes pâles. Sur les barres du Plan de l'Aigle, le bord de la nuit amincie était bordé de brumes blanches, et dans la pinède du Petit-Œil, une chouette mélancolique faisait ses adieux aux étoiles.
L'accent de la sincérité ne trompe pas!
Les gouttes de pluie coulaient lentement sur la vitre; sur ma figure, lentement coulaient mes larmes.