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Critiques de Marente de Moor (23)
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La Vierge néerlandaise

La Vierge néerlandaise est la personnification de la liberté dans l’iconologie batave remontant au XVIe siècle. On la représente habituellement, comme sur les timbres postaux il y a cent ans, en compagnie d’un lion couronné portant épée et faisceau de flèches, emblématique des États Généraux des Provinces Unies des Pays-Bas. C’est donc tout un pays que désigne le titre de ce roman, en même temps qu’une jeune fille de dix-huit ans, Janna, à l’orée d’un apprentissage qui va brutalement la faire passer à l’âge adulte.





Fascinée par la championne germanique Helene Mayer, Janna la Hollandaise se passionne pour l’escrime. Pour lui permettre de parfaire son art, son père, un médecin idéaliste et rêveur exerçant à Maastricht, l’envoie un été chez un ami à lui, l’aristocrate germanique Egon von Bötticher dont il a sauvé la vie lors de la Première Guerre Mondiale. L’homme vit avec ses cicatrices, tant physiques que morales, dans son domaine du Raeren tout proche de la frontière avec les Pays-Bas. En cette année 1936 où le national-socialisme hitlérien accélère la bascule de l’Allemagne vers un ordre nouveau, lui s’accroche bec et ongles aux valeurs et au code d’honneur prussiens, enterrés avec la chute de l’Empire allemand en 1918 et tout entiers incarnés dans sa passion pour le cheval et pour les combats à l’épée, au sabre ou au fleuret. Il est en l’occurrence le dernier à organiser chez lui la traditionnelle Mensur, ce combat d’escrime à armes réelles interdit par les nazis en 1933.





Chez Janna, aussitôt sous le charme du maître et de sa prestance de hussard en même temps qu’intriguée par sa relation manifestement compliquée avec son père, la curiosité dépasse très vite le simple champ du perfectionnement sportif. Entre première expérience amoureuse, investigation du douloureux passé de von Bötticher au travers de vieilles lettres qu’elle lui dérobe en fouillant son bureau, et ambiance électrique au Raeren où, malgré son isolement campagnard, finissent par se télescoper les courants contradictoires d’une société allemande déstabilisée par l’effondrement de ses repères depuis 1918 et profondément animée d’un esprit général de revanche, ce sont autant de pans de son innocence qui volent à jamais en éclats.





Dans cette histoire très janusienne d’Entre-Deux-Guerres, tout n’est que dualité et passages : entre enfance et âge adulte ; entre deux pays, l’un qui resta neutre pendant la Grande Guerre, l’autre qui n’en finit pas de ruminer l’humiliation, renforcée par la crise économique, d’un Traité de Versailles pris comme un diktat ; entre Guerre et Paix comme l’ouvrage de Tolstoï emporté par Janna dans ses bagages. Les autres élèves présents au Raeren sont deux adolescents jumeaux dont la relation fusionnelle se craquelle pour la première fois sous l’effet de la rivalité amoureuse, les amenant chacun au conflit avec leur double, pour ainsi dire avec eux-mêmes, exactement à l’image de cette première leçon de combat reçue par Janna face au miroir. Tout cela pour, dans une réflexion nourrie par l’ouvrage d’un Maître hollandais du XVIIe siècle, le plus complet jamais publié sur la question, insister sur les automatismes empathiques nécessaires au bon escrimeur : « Quand tu comprends qu’en fait l’ennemi n’est pas différent de toi, tu peux, avec un simple petit calcul, prévoir la portée de ses mouvements. »





C’est ainsi que le roman, dans un cheminement certes un peu décousu qui pourra parfois déconcerter le lecteur pris d’une sensation de confusion, s’avère une métaphore aux multiples facettes, l’escrime servant un message de dépassionnalisation des conflits par l’observation et la compréhension mutuelle : « Un bon escrimeur garde la tête froide ; débarrassé de l’esprit de vengeance, il considère son adversaire à distance. Il est ainsi le spectateur de son propre combat, il n’est pas commandé par ses affects mais par une vérité absolue. » « Si votre art de combattre se base sur l’observation des intentions de l’adversaire, vous remarquerez que vous vous rapprochez de lui, car vous êtes dans la même situation. Il est dans votre intérêt à tous deux de travailler de concert. » Et le sage Girard Thibault d’espérer en 1630 : « J’essaie constamment d’en convaincre l’Électeur, dans l’espoir vaniteux que je pourrais éviter une nouvelle guerre. N’est-il pas toujours plus raisonnable d’observer avant que de verser inutilement le sang ? »





S’appuyant sur la très ancienne déontologie de ce sport de combat qu’est l’escrime, Marente de Moor nous invite au rêve, le temps d’une lecture : quel monde de paix si l’on y résolvait les conflits à la mode des fleurettistes…


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La Vierge néerlandaise

La couverture du roman est une photo d'Helene Mayer, escrimeuse allemande aux JO de Berlin 1936, qui scandalisa l'opinion comme le rappelle Philippe Assoulen dans « Les champions juifs dans l'histoire » :

« Au moment de la remise des médailles, le spectacle est incroyable. Devant plus de cent mille personnes, trois femmes s'apprêtent à recevoir leurs médailles. Trois femmes juives.



Ces femmes vont recevoir la plus belle des récompenses devant une foule, pour une grande part, hostile aux Juifs. Tout le monde oublie le temps d'un instant l'identité des trois championnes. La foule reconnaissante du spectacle applaudit avec ferveur. Les trois femmes debout sur le podium face à Hitler. le bourreau face à ses futures victimes. La chasse n'est pas encore lancée et Hitler apprécie son gibier. Dans sa tribune il regarde sereinement. Il est difficile d'y décerner une quelconque haine.

Et pourtant…



Elek vient de recevoir sa médaille d'or. C'est au tour de Mayer de recevoir la sienne. La foule applaudit encore plus encore. L'Allemagne a failli gagner. Mayer observe, touchée par l'émotion, puis dirige son regard vers Hitler. Quelques secondes qui paraissent une éternité tant l'échange paraît chargé de sens. En l'espace d'un instant, on a l'impression qu'un dialogue s'est instauré entre le Führer et la jeune femme. Et là, une chose surprenante, extravagante, honteuse, se produit. Mayer pour montrer son attachement regarde fièrement vers Hitler, puis la foule, et effectue le salut hitlérien. Sans hésitation et avec fermeté, le bras est allongé et la paume de la main ouverte.



Hitler avait gagné. »



Phénomène d'emprise dont Marente de Moor illustre l'ascendance et la violence en prêtant sa plume à une adolescente tombant sous la dépendance de son professeur à l'époque où les nazis achèvent leur main mise.



Septembre 1936, après les JO de Berlin, Janna, la vierge néerlandaise, 18 ans, rêve de succéder à Hélène Mayer. Son père lui propose de suivre l'enseignement du maitre d'armes Egon von Bötticher, un hobereau allemand qu'il a connu durant la première guerre mondiale et qui vit près d'Aix la Chapelle, à 40 kilomètres de Maastricht. Après un échange de lettres et une photo à moitié passée de son père Jacq avec Egon, Janna, découvre le domaine de Raeren et son propriétaire, une gueule cassée, « Il était beau, sa cicatrice était laide », « ses yeux se sont portés vers ma poitrine », « ça se terminerait inévitablement comme dans un film », « c'est ainsi que je me l'étais toujours imaginé. Ainsi exactement. » Quasiment sans une phrase, Egon domestique Janna, la tient en laisse et en fait l'objet de ses désirs. Fin de la première partie !



Janna observe rapidement qu'elle n'est pas seule invitée au Raeren. Julia, qui fut fiancée d'Egon avant guerre, accompagne très souvent ses deux jumeaux Siegbert et Friedrich, qui suivent les cours d'escrimes. Aussi beaux que vaniteux, les adolescents n'ont d'yeux que l'un pour l'autre jusqu'à ce que l'un découvre Janna.



Par ailleurs Egon reçoit régulièrement chez lui un groupe de jeunes adeptes du Mensur, un rite gothique au cours duquel les bretteurs s'infligent des estafilades dont les cicatrices affichent le courage sur le visage. Fille de médecin, Janna panse les plaies. Beaucoup de nazis parmi ce groupe de bâfreurs imbibés d'alcools qu'Egon tente de ramener à raison « « Herr Hitler n'a jamais participé à un duel. Bismarck en a combattu 22, rien de moins ».



Egon aime la chasse et apprécie les plats préparés par Lena, la cuisinière. La romancière prend un malin plaisir à montrer Heinz, l'époux de Lena, achever la truie, puis Lena et Janna saler pour empêcher la coagulation avant de tripoter les abats. le lecteur renifle le sang ; le végétarien interrompt sa lecture écoeuré avant la fin de la seconde partie.



La boucherie se poursuit dans la troisième partie où l'on voit Janna et Julia se battre en duel, Julia confesser le nom du père des jumeaux, puis un bain de sang final. Janna éponge les traces pour égarer la Gestapo puis demande à son père de l'extrader. Jacq réalise alors la folie de celui qu'il a soigné vingt ans auparavant mais jamais guéri de ses traumatismes.



J'ai apprécié les évocations historiques décrivant la neutralité néerlandaise, le dévouement de ses médecins, la montée du nazisme, le déclin d'une aristocratie anachronique. J'ai moins aimé les (trop) nombreux chapitres sur l'escrime qui sont malgré tout instructifs. J'ai souri en lisant Janna « portée jusqu'au point culminant du plaisir », « j'ai d'abord senti son ventre puis, incidemment son membre. Je n'aurais jamais cru que c'était si dur », « je pensais à Loubna, la jument qui obéissait elle aussi à cet homme et savait, cependant, l'attendrir ».



Je n'ai pas compris les courriers écrits par Egon et Jacq, mais il est vrai que lire des lettres incomplètes ou être perpétuellement interrompu durant leur lecture complique la tache. J'ai été déconcerté par l'écriture (ou par la traduction) de certains paragraphes, par exemple « Il avait fait un bond quand les deux coups de marteau du visiteur de gare avaient commandé le desserrement des freins ». Ce visiteur de gare serait il le fruit d'une traduction « informatique » ?



Mais comment peut on décerner le Prix de littérature de l'Union européenne à un roman qui tente de réhabiliter Hélène Mayer, qui justifie le viol de la correspondance, qui glorifie le duel et propage des propos racistes et anti sémites ?
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La Vierge néerlandaise

La vierge néerlandaise de Marente de Moor traduit par Arlette Ounanian est mon premier livre lu dans la bibliothèque néerlandaise des belles éditions Les Argonautes et c'est un coup de coeur absolu.



Il se dégage de ce roman un charme foudroyant obsolescent qui m'a complétement captivée tout au long de ma lecture. Sur fond d'histoire et de drames, j'ai appris quelques règles d'escrime et surtout l'existence d'Hélène Mayer à laquelle je me suis intéressée.



Dans un huis-clos dramatique, j'ai été touchée par ses personnages pris dans les sangles de l'Histoire mais follement épris de l'instant même le plus évanescent.



En 1936, Janna âgée de 18 ans quitte Maastricht pour Aix la Chapelle afin de parfaire son apprentissage de l'escrime auprès de l'illustre grand maître, le baron allemand Egon von Bötticher.

Jacq, le père de Janna et Egon se sont connus pendant la première guerre mondiale au cours de laquelle Egon grièvement blessé et défiguré a été soigné par Jacq, médecin au front mais ils ne se sont plus revus depuis 20 ans.



Comme j'aime autant les personnages que le décor et les lieux, j'ai été immédiatement séduite par la demeure de Raeren à la fois austère et majestueuse, vieille gardienne solitaire du code chevaleresque à l'image de son hôte le baron Egon.



L'auteure Marente de Moor en seulement deux saisons, l'été et l'automne, les couleurs du roman, nous fait entrer dans un monde sensoriel, palpable et vivant qui se confronte aux secrets scellés des vieilles lettres dans les tiroirs d'une chambre fermée à clef.



La demeure comme ses habitants, Janna, Egon et le couple de domestiques Heinz et Léni vivent les derniers moments d'une époque sertis dans l'odeur de la cire, le parfum de la clématite enjambant le portail, le bruit des casseroles dans la cuisine enfumée.



L'écriture de l'auteure et narratrice tout en poésie et finesse, saisit l'instant voluptueux avant qu'il ne devienne souvenir, abandon. Destruction.

J'ai aimé le romantisme exacerbé de Janna, tout autant que sa droiture dans les jeux de la passion et de l'escrime.



Les bouleversements de l'histoire s'immiscent graduellement et presque sournoisement dans la demeure de Raeren servis par une galerie de personnages extérieurs inquiétants et réalistes.



Je me souviendrai longtemps de Janna, la jeune fille au fleuret, et d'Egon, le dernier baron de la cavalerie.



Ce roman d'une désuétude douceur irremplaçable m'a enveloppé de son charme magnétique qui traverse le temps par la magie de l'écriture de Marente de Moor.



J'ai hâte de lire la prochaine traduction aux éditions les Argonautes.





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Foon



L’écrivaine Marente de Moor des Pays-Bas est connue en France grâce au succès de son roman "La Vierge néerlandaise" de 2010 avec lequel elle a gagné le prix de littérature de l’Union européenne et qui a été inspiré par la vie de la championne d’escrime allemande, Helene Mayer (1910-1953), qui a été la seule juive de son pays à participer aux jeux olympiques de Berlin de 1936, marqués par le nazisme, et morte d’un cancer du sein à l’âge de 42 ans.



Dans son pays et en Flandre l’auteure, née à La Haye en 1972, compte parmi le top absolu de la littérature en langue néerlandaise et aucun de ses livres ne m’a déçu, bien au contraire, j’ai fort aimé son tout premier roman de 2008 "Le contrevenant" (De overtreder) et son recueil de nouvelles de Saint-Pétersbourg, paru en 1999.



Après avoir obtenu son diplôme en langue et littérature slave, Marente de Moor a vécu huit ans en Russie, où elle a travaillé comme journaliste pour un quotidien de son pays et comme rapporteur de crimes à la télévision de Saint-Pétersbourg.



Son roman "Foon" de 2018 trouve son origine dans son expérience de séjour dans la Russie au moment de la chute du régime communiste.

Il n’a donc rien à voir avec le film français au même titre réalisé en 2005 par les Quiches. Une parodie en somme de "Grease" en franglais.



Foon chez l’auteure signifie le bruit de fond de la vie. Ce que l’on croit entendre quand en réalité rien de concret ou précis ne se passe.



C’est ce qui arrive à Nadja et à son mari, Lev Valiérévitch Bolotov, qui vivent dans un hameau paumé et abandonné à quelques 445 kilomètres à l’ouest de Moscou.



Lev a été un zoologiste réputé, qui a 16 ans de plus que Nadja, et qui souffre actuellement d’une confusion mentale inquiétante.

Quoique non diplômée en zoologie, elle a été fascinée par l’écholocalisation des chauves-souris, mais s’occupe maintenant uniquement des animaux de leur entourage, de l’entretien de leur datcha primitive et à repasser en revue les événements majeurs de leur existence : son grand amour comme adolescente pour Lev, la naissance de leurs enfants Dimka (diminutif de Dimitri) et Vera, leur projet d’établissement d’une réserve de jeunes ours abandonnés...



Très souvent ce sont justement des petits bruits qui déclenchent ses souvenirs d’antan.



J’ai trouvé ce livre fascinant par la description minutieuse de la situation dans la campagne russe au moment de la chute de l’URSS et la crise économique qui y a provoqué le désastre et l’exode.

Ainsi, dans les parages du bled où vit notre couple était situé une usine de fabrication de batteries qui a dû fermer ses portes entraînant le départ de la population locale vers les grandes villes.



Pas étonnant donc que "Foon" a reçu 2 grands prix littéraires aux Pays-Bas : le prix Jan Wolkers et le prix F. Bordewijk.



Il est vrai aussi que Marente de Moor dispose d’une solide connaissance psychologique et manie une langue exceptionnellement riche.



J’espère qu’une version française de "Foon" connaîtra le même succès qu’a connu sa vierge néerlandaise en France.



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La Vierge néerlandaise

Ce n'est pas un hasard si Janna, la jeune vierge néerlandaise, a emporté dans ses bagages le roman "Guerre et paix". Car au cours de cet été 1936, dans l'entre-deux guerre, la menace d'une terrible violence pèse sur l'ensemble du roman et se dissémine sournoisement dans chacune des relations qui nous sont rapportées.



Depuis qu’elle a vu la championne d’escrime Hélène Mayer aux Jeux olympiques de 1928 à Amsterdam, Janna rêve de devenir son égale et convainc son père de la laisser pratiquer ce sport.

"C'est alors que j'ai tout expliqué à mon père, le pacifiste, dont le métier était de guérir les blessures. Qu'un fleuret n'est pas fait pour tuer. Qu'il s'agit d'une arme d'entraînement, d'une invention sportive. Qu'il n'a jamais été conçu pour prévenir les coups mortels et ne peut en aucun cas arracher un membre, que seul le tronc peut être touché, qu'il doit son nom à la mouche placée à son extrémité, qui ressemblait autrefois à une petite fleur. C'est la première fois que mon père a pris mon avis au sérieux. Avec cette arme, mon cher fleuret, je suis devenue adulte. "



Ce qui ressemble à une banale admiration adolescente porte toutefois, pour le lecteur averti, la marque d'un scandale en lien avec le nazisme. C'est justement, lors des JO de Berlin en 1936, que la jeune fleuretiste juive a accepté de porter les couleurs de l'Allemagne nazie, qui l'avait pourtant exclue auparavant, et qu'elle s'est présentée sur le podium en arborant la swastika et en effectuant le salut nazi. Si l'on ne connaît toujours pas les raisons de son comportement, le modèle choisi arbore une ambiguïté non négligeable.



Pour parfaire son apprentissage, le père de Janna l'envoie chez Egon von Bötticher, un aristocrate qui excelle dans cet art. Pendant la première guerre, le chirurgien a sauvé la vie de cet allemand et les deux hommes ont des relations complexes et difficiles. Pourtant, il lui confie sa fille unique sans hésitation.



Alors qu'Hitler est au pouvoir depuis trois ans, Von Bötticher continue à vivre en aristocrate dans son domaine , à défendre les valeurs de l'Allemagne impériale et à organiser des combats d'épée interdits par le régime.

Son attitude distante, voire méprisante envers la jeune fille n'empêche pas celle-ci d'être séduite alors même qu'elle voit successivement en lui un vieillard défiguré et un homme séduisant d'âge mûr.



L'autrice ne nous permet pas de comprendre les motivations de Janna, ni même celles des autres personnages que ce soit Egon ou les deux jumeaux adolescents qui vivent aussi sur le domaine. Elle refuse toute psychologie et privilégie une atmosphère qui mêle le  suranné et l'equivoque avec le réalisme le plus cru.

Ainsi ses recherches dans le passé de son amant, les lettres exhumees, les vieilles photos n'ont pas beaucoup de sens pour le lecteur et entretiennent davantage la confusion.



Isolé dans sa tour d'ivoire, Egon ne peut cependant ignorer les violences qui s'annoncent. Quant à Janna, elle semble indifférente aux enjeux politiques, uniquement préoccupée par la personnalité de son professeur et amant.

Les propos tenus par son jardinier révèlent clairement l'emprise de l'idéologie nazie sur les classes populaires, persuadées qu'Hitler allait donner du travail à tous et éliminer "les mauvais poulains".

Heinz illustre parfaitement le brouillage des enjeux politiques par les discours populistes qui prétendent travailler pour les plus fragiles. "Oui il y aura une autre guerre, mais il ne pourra pas y jouer les héros. C'est au tour du peuple maintenant. Hitler dit que les généraux se conduisent comme de nobles chevaliers alors que lui, il a besoin de révolutionnaires. Von Bötticher ne l'écoute pas. C'est ce qui arrive quand on passe la journée à ne rien faire de ses dix doigts. La richesse, ça rend sourd. "



De même, alors qu'il veut préserver les traditions de la Mensur et qu'il entretient la nostalgie d'un combat du corps à corps, Egon est confronté à la violence collective de l'arbitre et des étudiants qui n'ont que faire des préceptes chevaleresques de l'aristocratie.

S'il n'adopte pas l'idéologie nazie avec la ferveur de ses compatriotes, il reste malgré tout du côté des plus belliqueux et l'autrice fait de cette virilité le cœur de sa séduction.

"Ton père n'a jamais compris que mon esprit ne pouvait trouver la paix que dans la guerre".



Si j'ai apprécié l'atmosphère créée par le roman et le talent de l'autrice pour mettre une réalité historique en perspective , je suis plus sceptique sur sa façon d'aborder les choix de ses personnages qui restent pour moi bien confus.







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La Vierge néerlandaise

Depuis qu’elle a vu la championne d’escrime Helene Mayer aux Jeux olympiques de 1928 à Amsterdam, Janna ne rêve que fleurets et combats, au grand dam de son père.



Ce veuf, médecin rêveur, féru de nombres premiers, déconnecté des réalités, finit par céder et confie son unique enfant à un vieil ami, Egon von Bötticher. Pendant la première guerre, le chirurgien a sauvé la vie de cet aristocrate allemand.



Vingt ans plus tard, l’Allemagne se relève des sanctions, Hitler est au pouvoir depuis trois ans mais, dans sa demeure de Raeren, von Bötticher continue à lever son verre à l’empereur et à organiser des Mensur, ces combats à armes réelles qui sont désormais interdits.



La Vierge néerlandaise est le premier livre publié par Les Argonautes ( voir notre article sur cette toute nouvelle maison d'édition parue il y a quelques heures).



Il est l'oeuvre d'une romanciere reconnue en Hollande, Marente de Moor.

« La Vierge néerlandaise », brillant roman de Marente de Moor, nous plonge dans l'entre deux guerres dans une région hollandaise proche de l'Allemagne au moment de l'arrivée au pouvoir des nazis.



Il suit l’écroulement de l’ancien monde aristocratique allemand sous les coups de boutoir du pouvoir nazi



Un roman intelligent donnant à voir la Seconde guerre mondiale sous un autre angle et dépeignant le portrait d'une femme ambitieuse livrée à un homme insaisissable.



Un récit d'une maîtrise absolue!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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La Vierge néerlandaise

Quelle atmosphère dans ce roman! Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu quelque chose d'aussi troublant, à la fois onirique et comme ralenti, dans ce huis-clos campagnard où le monde extérieur parvient de manière assourdie, presque cotonneuse. Marene de Moor a une puissance d'imagination qui nous emporte très loin du réel, ce qui est déjà en soi vraiment plaisant. Dans le même temps, ce réel est évoqué avec la précision d'une lame: qu'elle parle d'escrime, de corps, de botanique, de nourriture, de vaches ou de chevaux, tout fait mouche, tout est sidérant de justesse.



Et puis il y a cette tension érotique entre Jana et son maître d'armes qui nous tient en haleine ! L'escrime, "l'art de ne pas être touché", la nourrit de manière très efficace. Cet ensorcellement sensuel où les amants s'expriment fleuret au poing m'a fait penser au "Bonheur dans le crime" de Barbey d'Aurevilly. On y retrouve le même romantisme noir, la même sensualité qui défie les lois d'une société décadente. Sauf qu'ici, c'est une très jeune fille palpitante et innocente qui est placée dans l'aventure et que c'est une femme qui écrit - ce qui rend le récit beaucoup plus touchant, à mon sens.



Les autres aspects, ésotérique, historique, m'ont moins attirée car je les trouve un peu emberlificotés sur la fin mais peu importe, le charme magnétique de ce roman a agi puissamment sur moi.

A lire absolument!

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La Vierge néerlandaise

C’est l’été 1936. Janna, jeune néerlandaise de dix-huit ans, va faire un séjour à quarante kilomètres de chez elle, en Allemagne, chez un ancien ami de son père. Egon von Bötticher va l’aider à se perfectionner en escrime, sport qui passionne la jeune fille. Dès son arrivée, elle ne sent pas très à l’aise dans la grande propriété. Von Bötticher se montre peu accueillant, seule Léni, la femme du couple de domestiques la met, de manière sibylline, au courant des habitudes de la maison. Les entraînements d’escrime commencent, et arrivent aussi deux garçons un peu plus jeunes que Janna, des jumeaux.



Le roman commence par une lettre du père de Janna à son ami d’autrefois, et donne l’impression de contenir beaucoup entre les lignes, ce qui rend le roman assez intriguant, d’emblée. La narratrice est Janna, ce qui offre un décalage curieux avec le titre, on peut supposer qu’elle ne se nomme pas ainsi elle-même. Mais par la suite arrivera une explication de ce titre à double sens. L’écriture est remarquable dès les premiers chapitres qui mettent en place le décor et les personnages. Parlons-en, des personnages : autour de Janna, pas plus mal dans sa peau que tout autre jeune fille de son âge, ils ont chacun leur singularité et provoquent souvent des situations qui la mettent mal à l’aise. Le contexte du nazisme rend les circonstances encore plus équivoques, ainsi que l’organisation par le maître d’escrime de combats avec armes non mouchetées. Janna tombe sous le charme de cet homme aussi âgé que son père, mais reste lucide, toutefois. Cette jeune fille compose un personnage particulièrement intéressant.

La localisation entre Pays-Bas et Allemagne, ainsi que l’époque troublée, rendent ce roman initiatique atypique et prenant d’un bout à l’autre.

Les thèmes de l’amitié, de l’amour, de la folie, de la gémellité, s’y croisent de manière habile et l’écriture reste de bout en bout à la hauteur de cette histoire particulière. J’ai l’impression que les auteurs néerlandais, pour ce que j’en ai déjà lu, aiment bien cultiver l’ambiguïté, un certain trouble, et si vous aimez cela, vous goûterez sans nul doute ce roman.

C’est l’une des premières parutions de la nouvelle maison d’édition des Argonautes, et c’est un roman qui a obtenu de nombreux prix à sa sortie en 2010.
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La Vierge néerlandaise

Pour leur toute première publication, les jeunes éditions de littérature européenne Les Argonautes se sont offerts le second roman de l'autrice néerlandaise Marente de Moor, initialement paru en 2010 et notamment lauréat du Prix de littérature de l'Union Européenne.



Pendant l'été 1936, la jeune Janna est envoyée par son père de Maastricht aux Pays-Bas à Aix-la-Chapelle en Allemagne pour se perfectionner au fleuret chez Egon von Bötticher, maître d'armes reconnu et installé en pleine campagne avec son homme à tout faire, sa cuisinière et une petite ménagerie.



Alors qu'elle s'entraîne sans relâche, Janna est troublée par le maître et son émoi tournera bientôt à l'obsession sensuelle. Pour comprendre le lien qui unit Von Bötticher à son père médecin, et comment les deux hommes en sont venus à nouer une amitié pendant la guerre de 14-18 tout en étant de deux pays séparés, elle va devoir s'intéresser à leur correspondance personnelle, quitte à transgresser tous les interdits.



Seulement voilà, l'Allemagne connaît cet été là de grands remous sociétaux depuis l'arrivée au pouvoir de ce Führer qui promet de restaurer la grandeur du pays et rassemble derrière-lui tous ceux qui rêvent de faire basculer l'ordre ancien, quitte à s'en prendre à ses symboles.



Roman audacieux tournant autour de l'escrime et baigné dans cette ambiance si particulière de l'entre-deux-guerres et de la montée du nazisme, La Vierge néerlandaise dépeint le portrait d'une jeune femme libre et déterminée livrée à un homme talentueux mais insaisissable. Une première publication qui place la barre haut et invite à surveiller avec enthousiasme les prochains parutions des Argonautes.



📖 La Vierge néerlandaise de Marente de Moor paraîtra le 6 janvier 2023 aux éditions Les Argonautes dans une traduction d'Arlette Ounanian. 320 pages, 22,90€.



🔗 Service de presse numérique fourni par l'éditeur.
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La Vierge néerlandaise

Parmi les littératures européennes mises en avant par la maison d'édition Les Argonautes, la littérature néerlandaise fait partie de celles que je connais le moins bien (je n'ai lu qu'Anne Frank je crois). C’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis précipitée sur leur première publication.

Au cœur de ce roman, il y a des frontières, entre Pays-Bas, Allemagne et Belgique. Il y a un moment historique aussi : 1936, et la montée en puissance du nazisme. Et il y a une jeune fille enfin: Janna, une jeune néerlandaise de 18 ans, passionnée de fleuret. Son père la confie à l'un de ses amis allemands, Egon von Bötticher, grand maître d'escrime, afin qu'elle se perfectionne.

Egon est un vétéran de la Première Guerre Mondiale, il est adepte des combats de Mensur (combats d'escrime avec des armes réelles) qu'il organise dans sa belle propriété, devenus illégaux depuis l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Son charisme brut, son attitude mystérieuse vont rapidement fasciner la jeune fille. Au-delà de l'intérêt qu'elle porte à Egon et à ce qu'il lui enseigne, elle découvre au fil de son séjour la relation troublante qui relie son père à son maître d'armes. De secrets en révélation, ce sont les cicatrices de l'ancien combattant qui se révèlent bientôt à elle, et une passion nouvelle.

Par ailleurs, au fil des pages et des personnages qui se succèdent dans la propriété, Janna assiste à l'entrée fracassante et inquiétante de l'idéologie du national-socialisme qui vient bousculer un ordre ancien incarné par von Bötticher.

Si je n'ai pas toujours été convaincue par l'histoire d'émancipation de Janna, j'ai en revanche beaucoup aimé en apprendre davantage sur les Pays-Bas et la Belgique pendant la guerre 14-18. L'autrice réussit surtout à restituer l'atmosphère de 1936, pesante et pleine de menaces, celle d'un monde sur le point de basculer dans le chaos.



Une maison d'édition à suivre !
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La Vierge néerlandaise

Ce livre est de grâce et de gravité. L'immensité d'une littérature sans rivalité, tant son pouvoir est grandiose.

Janna est une jeune fille de dix-huit ans qui vit à Maastricht avec son père. Ce dernier envoie sa fille en Allemagne en Rhénanie-du-Nord à Aix-la-Chapelle afin de se perfectionner dans sa passion d'escrimeuse.

Janna est missionnée d'un pli de son père, afin de le remettre en main propre à Egon von Bötticher, maître d'armes.

Ces deux hommes se connaissent bien, trop même. Entre eux, le tumulte de la première guerre mondiale. Le père de Janna était médecin durant la guerre. Il a soigné Egon. La cicatrice sur la joue de ce dernier est sa signature.

On ressent au travers de la missive, un double langage. Les non-dits résurgence, les effluves des tranchées ensanglantées. Les regards baissés, un blessé qui s'abandonne en confiance, dans les capacités d'un chirurgien. Réparer le visible, abolir les souffrances, soulager l'enfant redevenu.

Egon, épée en main foudroie ce passé qui le dévore subrepticement. Son visage est le reflet des tourments vifs encore, et de ses troubles du comportement.

Deux hommes qui se retrouveront au préalable en janvier 1915.

« L'image idyllique que je me faisais de mon maître avant de le rencontrer s'est vite effondrée. Elle s'était formée à partir de notre album de famille. Deux hommes, l'un l'air sévère, l'autre agité. C'est moi, avait dit mon père en pointant le doigt vers l'homme sévère. Et l'autre, dont on ne distinguait que la vieille capote déboutonnée et le chapeau en fourrure, lui, c'est ton maître. »

Von Bötticher est malgré ses démons intérieurs, un homme avec des convictions et au libre-arbitre avéré. Il organise dans la grande salle immense et glacée de son domaine, des combats de Mensur, pourtant interdits par le régime totalitaire. On ressent comme un pied de nez à l'adversité. Un contre-pouvoir dans l'antre même de Raeren. Janna prend ses marques dans cet espace à la masculinité très forte. Elle s'entraîne souvent seule. Avec son maître d'armes et professeur, d'une façon très perfectionniste comme si l'enjeu même d'un combat réel était de mise. Un face à face qui va la troubler et décupler ses qualités de combattante. Elle progresse, se jette corps et âme dans l'arène. Elle glane aussi dans cette vaste demeure éloignée de tout, le mystère qui magnétise cet antre. Il y a un secret. Janna n'est pas ici par hasard. Elle est le bouc-émissaire, mais de qui ? Janna est attirée par Egon. Elle pressent une part d'ombre à apprendre de lui. Ce qui le lie à son père. le corps enivré de désir, elle marche sur un fil ténu, sans aucune provocation, naturelle et spontanée, divinement féminine. L'initiation à l'amour peut-être, ou bien l'inaugural commencement de son aura de femme révélée.

Le récit à tiroirs est bouleversant et prenant. L'atmosphère, le magnétisme, cette capacité hors norme de produire un kaléidoscope, mouvementé et sentimental, historique et profondément humain.

Janna est troublée et déterminée dans sa gestuelle d'escrimeuse. Une guerrière-née, avide d'exutoire. Elle cherche dans chacune de ses postures d'escrimeuse à recoller les morceaux d'un puzzle dont son père tient en main la pièce maîtresse.

Ce roman est comme un film au ralenti. On aime les ombres qui se profilent et qui annoncent la teneur de ce grand livre. D'une maîtrise inouïe, on est de suite en plongée dans l'idiosyncrasie de l'entre deux-guerres, dans le réel d'une femme-enfant qui découvre l'émoi des maturités masculines. L'escrime est un rituel, une formidable passation des pouvoirs. L'identité d'un homme qui cherche la réponse à l'énigme de sa blessure. Lui, Egon qui a offert toute sa connaissance de maître d'armes pour les scènes de crime dans « Les Trois Mousquetaires ». Cet homme aux multiples facettes, dont le père de Janna le trouble encore dans cet infini des rappels pavloviens. Que vaut une cicatrice contre une blessure de l'âme insondable ?

« Ton père n'a jamais compris que mon esprit ne pouvait trouver la paix que dans la guerre. Il s'est penché pour cueillir une fleur sur la terre durcie. »

« Qu'est-ce- que c'est, un chez-soi ? »

Ce livre brillant, dévorant de perfection et de maîtrise, est tout en mouvement et pétri de sentiments. On aime les séquences, les arrêts sur image, les signaux de Marente de Moor autrice de renom. Sensuel et magnétique, une page d'Histoire, encore vive et méfiante. Cette jeune fille en métamorphose, rebelle dans sa splendeur et encore innocente. Elle, jetée peut-être en pâture, dans une histoire de grandes personnes qui ne peuvent assumer ce qui fût de ce temps de guerre. Magistral. « La Vierge néerlandaise » est traduit du néerlandais par Arlette Ounanian. Publié par les majeures Éditions Les Argonautes.



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La Vierge néerlandaise

Toujours friande de découvertes, j'ai été tentée par ce roman, fruit du travail d'une jeune maison d'édition Les Argonautes. Il s'agit en plus d'une traduction d'une Autrice néerlandaise. J'étais donc très curieuse.

Janna a 17 ans et est passionnée d'escrime. Son père l'envoie, en guise d'initiation, chez un ancien ami, Egon, adepte du combat d'épées, la Mensur.

Janna arrive donc au Raeren, domaine vatse, mystérieux, insaisissable, à l'image du maître de maison et ses occupants.

L'initiation de l'héroïne ne s'arrêtera pas au domaine de l'escrime et l'art, les sentiments, la découverte de soi, l'évolution politique avec la montée du nazisme, seront des fils rouges tout au long de la lecture.

Je suis sortie de ma zone de confort avec ce roman. J'ai ressenti des interrogations ou des questionnements liés à l'évolution de Jana qui ne m'a pas toujours convaincue. Cependant, j'ai apprécié cette lecture que j'ai trouvée très belle.

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La Vierge néerlandaise

L’ été 1936, Janna est une jeune fille de dix-huit ans passionnée de fleuret, comme la célèbre Hélène Mayer que vous voyez en couverture. Vivacité et détermination caractérisent Janna : elle n’hésite pas à se rendre en Allemagne, de l’autre côté de la frontière néerlandaise pour suivre des cours de fleuret chez un Grand Maître impressionnant et sévère, Von Bötticher, avec qui son père a entretenu une correspondance mystérieuse.

Egon Von Bötticher vit sur un austère domaine rhénan au milieu d’une nature foisonnante, aime les chevaux, les combats à l’arme blanche et vit selon le code d’honneur des hussards. Janna s’éprend de lui, vit intensément son premier amour pour cet homme qui appartient déjà à un monde finissant.

En lisière de son domaine du Raeren d’autres règles émergent, l’idéologie nazie affermit son emprise malfaisante sur la société en instaurant entre autres le KdF (la force par la joie), en propageant ses doctrines raciales et en interdisant progressivement les combats d’honneur. Le code d’honneur si cher à l’ancienne noblesse prussienne coexiste bien mal avec l’assujettissement obligé à la personne du Führer. La Mensur, (duel à l’arme blanche entre jeunes gens, sorte de rite de passage des pays germaniques vers la masculinité) qui permet de montrer son absence de peur sera interdite pour ces raisons.

Ce roman parcourt les lignes de ruptures et de rapprochement : entre la jeune fille et le sombre hussard, entre les Néerlandais neutres et les Allemands combattifs, entre les jumeaux Siegbert et Friedrich qui se recherchent et s’affrontent.

Il en émane un charme particulier dû à cette figure féminine qui accepte la vie et les conséquences de ses choix avec légèreté et sensualité. Marente de Moor crée avec brio une atmosphère de roman gothique en décrivant ce manoir glacial et sépulcral où Janna tente de percer le mystère d’Egon en subtilisant sa correspondance et s’immisçant dans son passé.

Cette première publication de la Maison d’édition les Argonautes est un voyage érudit et captivant dans un temps et un espace proches, cette ouverture vers nos voisins européens, cette « exploration de notre continent » est tout simplement délicieuse.

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La Vierge néerlandaise

Janna, en 1928, découvre l’escrime en même temps que Hélène Mayer, jeune juive allemande médaille d’or, que le IIIème Reich invitera à rejoindre l’équipe allemande aux jeux de Berlin afin de donner une caution aux CIO.

Cette année-là, en 1936, son père, médecin néerlandais, l’envoie parfaire son entraînement auprès d’un maître d’armes allemand qu’il a soigné pendant la première guerre. Von Bötticher n’est qu’à 40 km, tout près d’Aix-la-Chapelle, pourtant les deux hommes n’ont pas gardé contact. Janna comprend vite qu’un contentieux les oppose, et se sent partagée entre la loyauté à sa famille, son attirance irrépressible pour son professeur, et son envie de ressembler à son modèle, Hélène Mayer, libre et indépendante.

Sur fond de montée du nazisme, dans une atmosphère rythmée par les leçons d’escrime en compagnie de deux jumeaux infantiles et mystérieux, Janna effectue un voyage sans retour dans le monde adulte, la découverte de la virilité autoritaire, mais aussi dans une sensualité qui englobe ses propres sensations sexuelles comme gustatives et esthétiques. L’effondrement d’un monde accompagne celui de son innocence, pour laisser place à une réalité âpre et sans espoir.

Le style poétique et sensuel de Marente de Moor fait merveille pour nous donner à voir, sentir, palper chaque facette de l’ambiance et des sentiments de Janna. Malgré la dureté parfois escamotée de certaines situations, je suis sous le charme de ce premier ouvrage des toutes nouvelles éditions Les Argonautes !
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La Vierge néerlandaise

Ayant lu ici les avis très positifs et après l'avoir vu mis en évidence dans notre librairie, je me suis laissée tenter. Bien! Lu, terminé, mais avis très mitigé, bien éloigné des éloges exprimés.

Je reconnais certainement le talent de Mme De Moor: certains passages font preuve d'une fine sensibilité pour exprimer émotions et ressentis.

Mais l'écriture de ce roman m'a parue très inégale: des phrases qui n'avaient ni queue ni tête (mais peut-être est-ce dû à une mauvaise traduction), des enchaînements confus, des personnages peu fouillés,...

Je m'attendais à un état des lieux interpellant sur l'Allemagne face à la montée du nazisme et je l'espérais. Mais je suis restée sur ma faim. L'autrice m'a paru se disperser dans trop de sujets différents: l'Allemagne revancharde après la première guerre mondiale, la montée du nazisme, la lutte des classes, l'initiation sexuelle, le féminisme, les séquelles post-traumatiques, l'escrime, l'amitié ratée, la soumission au maître,... sans qu'aucun de ces thèmes ne soit vraiment développé. Dommage.

Mais ceci n'est qu'un petit ressenti personnel. Je ne me prétends nullement critique littéraire.
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La Vierge néerlandaise

Partage de lecture 📚

Un soir de novembre, j'ai bravé la tempête du moment pour me rendre à une rencontre littéraire organisée par la @librairie_la_suite à Versailles, librairie dont j'aime passer la porte sans avoir une idée de lecture en

Ce soir-là, l'invitée était Marente de Moor, autrice néerlandaise inconnue pour moi. Elle était venue, accompagnée de son éditrice Katharina Loix van Hooff, présenter son roman La Vierge néerlandaise.

À la fois curieuse et intriguée par les sujets évoqués par le roman, je suis naturellement repartie avec 😉

L'histoire prend place en 1936. Janna, néerlandaise âgée de 18 ans, est passionnée d'escrime et admiratrice d'Hélène Mayer, escrimeuse juive et participante aux JO de Berlin. Elle est confiée par son père, médecin, à un ami lui-même escrimeur (Egon), vivant à quelques kms de chez elle, de l'autre côté de la frontière, en Allemagne, dans le but d'améliorer sa pratique.

Au cours de son séjour, Janna s'éprend rapidement d'Egon, cet homme meurtri qui a l'âge de son père, qui l'initiera au plaisir charnel. Mais ce n'est pas, pour moi, le principal sujet du roman.

Janna cherchera à percer le "secret" de la relation entre son père et Egon, relation datant de la première guerre mondiale et qui semble les avoir l'un et l'autre blessée. C'est lorsqu'elle trouvera des lettres "non envoyées" d'Egon à son père qu'elle comprendra peu à peu ce qui les lie. Tout au long de sa quête, Janna découvrira ce monde au bord de l'explosion, se confrontera à la montée du nazisme, à la neutralité néerlandaises face à l'esprit combatif allemand.

L'autrice nous plonge dans une atmosphère gothique au sein d'un manoir glacial, atmosphère contrebalancée par la sensualité de la relation de Janna avec Egon.

Même si j'ai du, par moment, faire preuve de persévérance face à la multitude de personnages et de vocabulaire de l'escrime pour poursuivre ma lecture, l'autrice a su me donner envie d'aller jusqu'au bout de l'histoire, peut-être par respect pour sa jeune héroïne qui fait preuve d'ambition et de caractère face à un homme insaisissable capable d'organiser des combats de Mensur (avec armes réelles) pourtant interdits.

Jolie découverte 😍
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La Vierge néerlandaise

Escrime de la folie, ballet des douloureux dédoublements et gémellités qui servent d'image à ce combat, contre soi-même avant tout, que sont le noble art. L'histoire d'une jeune fille, naïve lectrice de Tolstoï, qui s'initie à l'escrime, aux conceptions aristocratiques, pour ne pas dire schizophrénique, de son maître, un ancien ami de son père, une victime de guerre qui se refuse à voir ses plaies suturées. Manière de nous donner à voir l'Histoire en marche, son opposition entre une rigueur prussienne, assez dingue pour voir de la noblesse dans la guerre, et celle d'un nazisme, nous sommes en 1936, belliqueux qui cristallise toutes les rancunes. La vierge néerlandaise parvient ainsi à se pencher sur l'Histoire de la première guerre mondiale en Hollande, ses répercussions. Marente de Moor livre ici un solide roman historique.
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La Vierge néerlandaise

L'histoire s'enracine dans l'entre-deux-guerres, avec Janna, jeune fille de dix-huit ans issue d' une famille néerlandaise, qui souhaite devenir escrimeuse, à l'image de son modèle Hélène Mayer, championne allemande dans la catégorie. Elle est ainsi envoyée chez un ancien ami de son père, Egon von Bötticher, un Allemand, qui a combattu pendant la guerre et qui en est revenu gravement blessé et défiguré. Elle part ainsi faire son initiation sportive chez cet étrange et taciturne individu, dans un pays où les svastikas pullulent sur les brassards des soldats et l’antisémitisme s'affiche franchement sur les murs, les uniformes, les figures et dans les discours. Si notre vision des années vingt et trente est franco-française, on se déplace, ici, de part et d'autre d'une frontière germano-néerlandaise, de pays dont les relations nous sont peu familières : on se rappelle ainsi que les Pays-Bas ont été neutres pendant les deux guerres mondiales (avant néanmoins d'être envahis par l'Allemagne en 1940), ce qui rend ainsi la Suisse moins solitaire dans l'attitude qu'elle s'est choisie. 



Janna est une escrimeuse avertie et c'est la première fois qu'elle sort de son cocon familial, et national, et va se confronter à un univers bien sombre, abrité par la grande demeure en Rhénanie du maître escrimeur, où elle demeure dans une mansarde, entre oiseaux et toiles d'araignées. À côté de Egon von Bötticher, maître des lieux, il y a Heinz et Lenni, ce couple de domestiques qui s'occupent de ce domaine de Raeren, et des frères jumeaux escrimeurs, également, Friedrich et Siegbert, ainsi que leur mère. Janna comprend bien vite le caractère obtus de l'homme, et tente de comprendre le conflit qui l'oppose à son père. Roman d'initiation pour cette jeune fille qui s'en va perfectionner son art avec un professeur qui la dirige d'une main de fer, d'une façon autrement plus autoritaire que son ancien professeur, le gentillet jeune homme toujours prompt à applaudir et à féliciter. Et qui s'engouffre dans une passion amoureuse à travers le désir charnel de l'homme qui a la charge de l'entraîner chaque jour. Attirée par la force physique et mentale qui se dégage de l'homme, dont le visage balafré garde jalousement sa part de mystère, l'attraction qu'elle éprouve est davantage que physique, d'une curiosité née avant même qu'elle ne le rencontre.



D'une rencontre effectuée sur une photo, rêvée et fantasmée à la Emma Bovary, même si le livre choisi pour relayer ses rêveries ne relève pas de la romance pure, mais de Guerre et Paix de Dostoïevski, la réalité s'arrange pour ramener Janna à la réalité : car de guerre, et de paix nettement moins, il n'y a que ça dans cette fiction à l'aube d'une nouvelle guerre aussi mondiale que dévastatrice, au lendemain d'une première guerre dont les plaies et les traumatismes sont encore béants. Il faut dire que la première vision de la demeure à laquelle est confrontée la jeune fille, c'est l'image d'un couvercle de cercueil, et ce premier sentiment morbide qui s'en dégage dès cet instant comme tout au long du séjour dans cette maison labyrinthique. Quand bien même l'escrime est un sport ou le fleuron, l'auteure nous l'apprend, ne vise pas à achever son adversaire en lui perforant cœur ou poumon, il reste un sport de combat et cette idée d'affrontement, par le biais du sport ou de la guerre, reste présente dans tout le livre. Il en est même le fil conducteur : Von Bötticher, le soldat blessé et défiguré, donc réformé, a entrepris de former les épéistes de demain, Janna comme les jumeaux, dont certains seront les soldats de cette guerre qui s'annonce à travers des signes annonciateurs sinistres et qui ne manquent pas d'accentuer cette sinistrose qui pèse de plus en plus sur le domaine. Dont l'ultime combat entre les frères jumeaux.



Janna passant de Maastricht à Aix-la-Chapelle, d'un ami à l'autre, est à la figure une figure médiatrice, entre deux hommes qui ont perdu contact, car leur conception de la vie est basiquement différente, l'un assume ses blessures, l'autre tente de les effacer à tout prix. Elle porte cette dimension mythique, à l'image de son modèle Hélène Mayer, fleuretiste juive allemande, qui a porté l'art à son meilleur niveau, dont la posture orne la première de couverture du roman, à l'image d'une déesse guerrière. Sans oublier ces jumeaux, qui m'ont interpellée dès leur apparition, déposés au domaine pour exercer leur art eux aussi, à la fois complices et ennemis, Friedrich et Siegbert, figures et prénoms très wagnériens, comme moult autres détails du texte - dont cette double paternité des jumeaux, entre père adultérin et père officiel, qui font écho à la propre vie du chef d'orchestre - qui sonnent comme l'ombre du romantisme allemand. Des jumeaux incestueux, Siegmund et Sieglinde des opéras de Wagner, ou Alexandre Hélios et Cléopâtre Séléné, les jumeaux de Cléopâtre et de Marc-Antoine.



L'auteure a eu recours à la mythologie nordique, par le prisme de l’interprétation de Richard Wagner, pour réinterpréter et actualiser des mythes anciens et dépasser les figures Wagnériennes qui seront exploitées à séant par le troisième Reich : à travers notamment la figure du fratricide, qui annoncer la tragédie à venir, et celle de La Vierge néerlandaise, l’avènement d'une nouvelle sorte de vierge guerrière. L'auteur a construit une histoire d'une complexité dont je pense ne pas être totalement être venue à bout, il y a des références que j'ai certainement manquées, mais cette fin entachée de sang laisse présager l'intensité de la catastrophe que les hommes à brassard vont amener sur le monde, et Janna l'une de ces Walkyrie vierge et guerrière qui finit par devenir simple mortelle.




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La Vierge néerlandaise

J'ai beaucoup aimé ce roman. C'est un vrai roman d'atmosphère, avec plusieurs ambiances : le monde de l'aristocratie allemande qui s'en va avec la montée du nazisme et du national-socialisme, le monde feutré de l'escrime, l'horreur des traumatismes de la première Guerre mondiale et une initiation sexuelle douteuse. Mis à part ce dernier point, les autres sont bien traités, surtout la montée du nazisme. C'est une vraie plongée dans le temps, vers 1936, entre deux mondes : l'un qui se termine et un autre qui émerge, avec toutes ses menaces. Par ailleurs, ce roman est très bien écrit et il en émane un charme désuet. De quoi être séduit(e)..



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La Vierge néerlandaise

Un roman dans lequel je n'ai pas reçu à m'intéresser ni à entrer dans l'histoire.

Néanmoins, l'histoire est fort intéressante et à du sens mais peut être un peu trop simpliste ; on devine la fin de l'histoire avant d'en lire une bonne partie. Ce livre pourrait être tiré de la réalité.

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