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Citations de Margaret Drabble (42)


Elle répondit sans réfléchir : « Oh, je ne dors plus avec Oliver. » Au moment même où elle parlait, elle se demanda comment elle avait pu faire une telle erreur et comment elle pourrait la rattraper. Heureusement, la moussaka arriva à cet instant, ce qui évita d’avoir à poursuivre sur ce sujet. Mais une fois qu’il fut évité, elle regretta qu’il soit abandonné. Elle pensa dire la vérité – qu’elle n’avait plus couché avec personne depuis qu’elle avait couché avec lui, que depuis trois ans elle dormait seule, et qu’elle se préparait à dormir seule jusqu’à la fin de sa vie. Mais elle n’était pas absolument certaine qu’il avait envie de l’entendre, et elle savait que cette phrase, une fois qu’elle l’aurait exprimée, ne pourrait plus jamais être retirée, si bien qu’elle se tut.

Il examina sa moussaka : « Ça m’a l’air bon. » Il prit une bouchée, puis posa sa fourchette. « Ah, quelle expérience proustienne ! Je n’y crois pas. Je ne peux pas croire que je suis assis ici avec toi. Ce plat a le même goût que toi. Il me fait penser à toi. Tu es si belle, si ravissante, ma chérie. Je t’aimais tellement. Tu me crois quand je dis que je t’aimais vraiment ?
— Je n’ai couché avec personne depuis la dernière fois que j’ai couché avec toi.
— Oh, ma chérie. »
Elle se sentit défaillir, s’éloigner dans un soupir, aspirée dans un tourbillon fatidique comme Paolo et Francesca plongeant en enfer, impuissants, dans la chute inexorable des véritables amants entrelacés. C’était comme si trois années de solitude n’avaient été qu’une simple pause, une longue respiration avant que la nature de leur lien – damnation et destinée – soit enfin révélée. Elle se tourna vers lui : « Mon chéri, je t’aime. Qu’y puis-je ? Je t’aime. » Lui, dans le même souffle, murmura : « Je t’aime, je t’aime tout le temps, j’ai envie de toi. » Et ils s’embrassèrent, leur visage déjà si proche qu’ils n’eurent pratiquement pas à bouger.

Comme de nombreux romantiques, ils avaient l’habitude de conspirer avec le destin en se remémorant les noms des restaurants où ils étaient allés et les rues qu’ils avaient empruntées quand ils étaient amants. « Ceux qui oublient, oublient, lui déclara-t-il plus tard, ceux qui n’oublient pas se retrouvent. »
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La poésie de Linton naturellement était académique, intelligente, structurée, délicate, en demi teintes, sensible, pleine d'ambiguïtés verbales et de vertus traditionnelles: la vague des poètes beat, des poètes de Liverpool, des poètes de bistrot, des poètes populaires avait d'abord suscité en lui un amusement, puis de l'hostilité, puis un mépris teinté de crainte.
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Et quand elle rentrerait à Cambridge, elle s'inscrirait peut-être à ce cours sur l'art et l'architecture de la Renaissance italienne. Elle n'y connaissait pas grand-chose en iconographie, mais elle voyait bien que cela avait de l'intérêt. Un peu comme tout, d'ailleurs. Tout avait de l'intérêt.

"La veuve joyeuse"
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Elle ne s'intéressait pas à son corps. Ce n'était pas un sujet que l'on pouvait envisager avec plaisir; si pour l'instant, de façon très éphémère, elle était jolie, elle s'attendait chaque jour à voir sa beauté se flétrir et ne voulait s'appesantir ni sur le plaisir ni sur la peur. C'était une femme raisonnable.

"Une journée dans la vie d'une femme souriante"
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Certaines personnes ne peuvent monter dans un train sans s'imaginer qu'elles sont sur le point de pénétrer dans le grand inconnu, comme si la notion de mouvement était indissociable de celle de découverte, comme si chaque déplacement du corps était aussi un déplacement de l'âme.

"Un voyage à Cythère"
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Depuis un âge d’une précocité inopportune, Fran était attirée par la mort héroïque, les dernières paroles célèbres, l’adieu tragique. Ses parents avaient sur leurs étagères un exemplaire du Dictionnaire des proverbes et dictons de Brewer, livre que, adolescente, elle compulsait de façon morbide pendant des heures, et l’une de ses sections préférées était "Dernières paroles", avec son mélange raffiné de piété, de complaisance, d’apocryphe, de provocation et de chute dans le ridicule. Les artistes avaient bien réussi : Beethoven aurait dit : "Au Ciel, j’entendrai" ; le peintre érotique Etty avait déclaré: "Merveilleuse ! Merveilleuse, cette mort !" et Keats s’était éteint avec courage, en réconfortant généreusement son pauvre ami Severn.
Ceux qui se trouvaient sur le point d’être exécutés avaient évidemment eu le temps de préparer une dernière pensée raffinée ; parmi elles, c’était la phrase romantique de Walter Raleigh que Fran préférait : "Peu importe dans quelle position repose la tête, pourvu que le coeur soit droit."
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Fran adore la télévision régionale. On découvre tout un tas de choses étranges en regardant la télé régionale d'un bout à l'autre du pays. Elle est contente d'avoir encore l'énergie et la volonté de parcourir l'Angleterre en voiture afin d'inspecter les résidences et foyers d'hébergement pour seniors. C'est une femme qui a de la chance, de la chance dans son travail. Parfois, dans ses instants les plus nobles, elle se dit qu'elle est amoureuse de l'Angleterre, de la longueur et de la largeur de l'Angleterre. L'Angleterre est à présent son dernier amour. Elle veut la voir voir entièrement avant de mourir. Elle ne pourra pas le faire, mais elle le fera de son mieux.
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Elles rebroussent chemin le long du sentier, le sentier sinueux qui les ramène à leur point de départ. Le soleil continue à descendre. Un renard les observe, tapi au coin d'une clairière. Il reste là , immobile un instant,puis s'enfuit pour se réfugier dans un taillis de noisetiers.
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Elle se divertit aussi à regarder le paysage par la portière et à se souvenir avec plaisir de ses déplacements antérieurs au fur et à mesure qu'ils se mêlaient aux haies printanières et aux sécheries à houblon du Kent, à la mer grisâtre, aux mouettes tournoyantes, au bar enfumé, aux stewards anarchiques et aux groupes d'étudiants toujours éméchés de la Sealink, aux chênes et au gui de la France du Nord, aux couchettes âprement convoitées du centre de la France, à la vision des nocturnes neiges alpestres, à la glorieuse émergence du matin du Sud se répandant en cascades de lumière . Ils étaient là, oui ils étaient là , fidèles au rendez-vous , les vignobles et les bœufs, les pentes à pic , et puis la plaine .
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De paradoxe en paradoxe nous allons de l'avant, voyageurs en partance de nous-mêmes...
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Margaret Drabble
Quand rien n'est certain, tout est possible.
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[…] la vieillesse elle-même est un thème d’héroïsme. Elle requiert du courage.
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Elle regarde les vastes eaux de crue, au-dehors. Une lune soûle, penchée, visible aux trois-quarts, une lune gibbeuse et décroissante au-dessus d’eux. Les branches supérieures des saules à moitié immergés sont de l’argent tremblant et fantomatique au clair de lune. Et, voguant dans les champs noyés, se trouve un cygne, un blanc cygne héraldique, fier, dans sa beauté sans âme, sans signification, sans effort. Son col se courbe, sa tête se tourne lentement de part et d’autre, il vogue de manière arrogante, dédaigneuse, emblématique, et scrute le scintillant royaume de la nuit.
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[...]elle est amoureuse de l'Angleterre, de la longueur et de la largeur de l'Angleterre. L'Angleterre est à présent son dernier amour. Elle veut la voir entièrement avant de mourir. Elle ne pourra pas le faire, mais elle fera de son mieux.
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Que signifie t-il pour eux, ce mardi matin ? Est-ce juste une façon de passer le temps en société ? Ou certains d'entre eux éprouvent-ils, comme elle, la force et le pouvoir qui survivent dans les poèmes, les pièces et les romans qu'ils lisent, une force, un pouvoir et une consolation qu'eux-mêmes, dans le fait et dans l'acte de lire, libèrent et désemprisonnent, des forces qui transcendent totalement cette salle institutionnelle, les gobelets en plastique, la fontaine à eau et le distributeur de café qui tombe si souvent en panne ? [...] elle vit dans et pour les mots, pour les mots des autres.
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Un après-midi près de Notre-Dame
J'ai vue un homme qui a su passer
Le long du trottoir bondé, il portait
Un pot de café, ce dans une main,
Et dans l'autre main tenait un gâteau.

Je l'ai vu passer à travers la foule
Comme un être protégé, sur ses lèvres
Un sourire disait qu'il avançait
Vers une petite chambre privée
Et où il prendrait son repas tout seul.

Là, quand je pense ne pouvoir poursuivre,
Ce que je me rappelle, c'est cet homme,
Et ses petits réconforts dans les mains,
Qui passait le long d'une rue bondée
Vers une chambre entièrement à lui.

«Poursuivre», poème de Robert Nye
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Bennett disserte à propos de l'hypothèse selon laquelle le volcan encore très actif de Cumbre Vieja sur la côte ouest de La Palma, pourrait entrer en éruption et propulser dans l'Atlantique un morceau énorme de masse terrestre des Canaries, provoquant ainsi vers l'Ouest un raz-de-marée considérable, de vingt mètres de haut, «aussi haut que la colonne Nelson», qui se déplacerait à la vitesse d'un «avion à réaction». La chute d'une plaque de roche faisant «deux fois la taille de l'île de Man» créerait un tsunami qui détruirait tout d'abord Tenerife, puis anéantirait deux tiers de la population de Casablanca et de Rabat, inonderait le Sud de l'Angleterre et, avant de décroître, engloutirait New York et la majeure partie de la côte est...Il ne s'apaisera pas avant de rencontrer la terre ferme, et cette rencontre, c'est la mort.
[...] C'est une perspective dont la nature extrême est satisfaisante, et un désastre que l'on ne pourrait pas mettre sur le compte de l'action humaine. La crête volcanique est instable, c'est comme ça et pas autrement. Elle n'a pas été rendue branlante par les réfrigérateurs, les bombes de laque pour les cheveux, le TNT, les gaz d'échappement, le SIDA, ni la surpopulation de la planète. L’île n'a pas jamais eu une population dense et les humains ont peu d'effet sur elle. [...] Un volcan est innocent et pur.
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La vieillesse dévie vers l'inapproprié.
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Parfois, Fran se dit qu'elle comprend l'impulsion qui fait désirer à quelqu'un de vingt-trois ans de tuer bon nombre de vieillards inutiles.
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Ses inspections des modèles changeants d'établissements spécialisés et de foyers pour seniors lui ont fait prendre conscience des retards et des moyens infiniment intelligents, complexes et inhumains que nous créons afin d'éviter et de nier la mort, d'éviter d'accomplir notre destinée et d'arriver à destination. Et, dans de si nombreux cas, le résultat a été que nous y arrivons non pas de bonne humeur, au moment où nous faisons nos derniers adieux et accueillons la vie après la mort, mais inconscients, incontinents, déments, soumis à des traitements au point de sombrer dans l'amnésie, l'aphasie, l'indignité. De vieux imbéciles, qui n'ont pas eu le courage de prendre ce dernier whisky et de mettre le feu à leur literie avec une dernière cigarette.
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