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Citations de Margaret Drabble (42)


Et quand elle rentrerait à Cambridge, elle s'inscrirait peut-être à ce cours sur l'art et l'architecture de la Renaissance italienne. Elle n'y connaissait pas grand-chose en iconographie, mais elle voyait bien que cela avait de l'intérêt. Un peu comme tout, d'ailleurs. Tout avait de l'intérêt.

"La veuve joyeuse"
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Depuis un âge d’une précocité inopportune, Fran était attirée par la mort héroïque, les dernières paroles célèbres, l’adieu tragique. Ses parents avaient sur leurs étagères un exemplaire du Dictionnaire des proverbes et dictons de Brewer, livre que, adolescente, elle compulsait de façon morbide pendant des heures, et l’une de ses sections préférées était "Dernières paroles", avec son mélange raffiné de piété, de complaisance, d’apocryphe, de provocation et de chute dans le ridicule. Les artistes avaient bien réussi : Beethoven aurait dit : "Au Ciel, j’entendrai" ; le peintre érotique Etty avait déclaré: "Merveilleuse ! Merveilleuse, cette mort !" et Keats s’était éteint avec courage, en réconfortant généreusement son pauvre ami Severn.
Ceux qui se trouvaient sur le point d’être exécutés avaient évidemment eu le temps de préparer une dernière pensée raffinée ; parmi elles, c’était la phrase romantique de Walter Raleigh que Fran préférait : "Peu importe dans quelle position repose la tête, pourvu que le coeur soit droit."
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Elle regarde les vastes eaux de crue, au-dehors. Une lune soûle, penchée, visible aux trois-quarts, une lune gibbeuse et décroissante au-dessus d’eux. Les branches supérieures des saules à moitié immergés sont de l’argent tremblant et fantomatique au clair de lune. Et, voguant dans les champs noyés, se trouve un cygne, un blanc cygne héraldique, fier, dans sa beauté sans âme, sans signification, sans effort. Son col se courbe, sa tête se tourne lentement de part et d’autre, il vogue de manière arrogante, dédaigneuse, emblématique, et scrute le scintillant royaume de la nuit.
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Elle répondit sans réfléchir : « Oh, je ne dors plus avec Oliver. » Au moment même où elle parlait, elle se demanda comment elle avait pu faire une telle erreur et comment elle pourrait la rattraper. Heureusement, la moussaka arriva à cet instant, ce qui évita d’avoir à poursuivre sur ce sujet. Mais une fois qu’il fut évité, elle regretta qu’il soit abandonné. Elle pensa dire la vérité – qu’elle n’avait plus couché avec personne depuis qu’elle avait couché avec lui, que depuis trois ans elle dormait seule, et qu’elle se préparait à dormir seule jusqu’à la fin de sa vie. Mais elle n’était pas absolument certaine qu’il avait envie de l’entendre, et elle savait que cette phrase, une fois qu’elle l’aurait exprimée, ne pourrait plus jamais être retirée, si bien qu’elle se tut.

Il examina sa moussaka : « Ça m’a l’air bon. » Il prit une bouchée, puis posa sa fourchette. « Ah, quelle expérience proustienne ! Je n’y crois pas. Je ne peux pas croire que je suis assis ici avec toi. Ce plat a le même goût que toi. Il me fait penser à toi. Tu es si belle, si ravissante, ma chérie. Je t’aimais tellement. Tu me crois quand je dis que je t’aimais vraiment ?
— Je n’ai couché avec personne depuis la dernière fois que j’ai couché avec toi.
— Oh, ma chérie. »
Elle se sentit défaillir, s’éloigner dans un soupir, aspirée dans un tourbillon fatidique comme Paolo et Francesca plongeant en enfer, impuissants, dans la chute inexorable des véritables amants entrelacés. C’était comme si trois années de solitude n’avaient été qu’une simple pause, une longue respiration avant que la nature de leur lien – damnation et destinée – soit enfin révélée. Elle se tourna vers lui : « Mon chéri, je t’aime. Qu’y puis-je ? Je t’aime. » Lui, dans le même souffle, murmura : « Je t’aime, je t’aime tout le temps, j’ai envie de toi. » Et ils s’embrassèrent, leur visage déjà si proche qu’ils n’eurent pratiquement pas à bouger.

Comme de nombreux romantiques, ils avaient l’habitude de conspirer avec le destin en se remémorant les noms des restaurants où ils étaient allés et les rues qu’ils avaient empruntées quand ils étaient amants. « Ceux qui oublient, oublient, lui déclara-t-il plus tard, ceux qui n’oublient pas se retrouvent. »
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Elle ne s'intéressait pas à son corps. Ce n'était pas un sujet que l'on pouvait envisager avec plaisir; si pour l'instant, de façon très éphémère, elle était jolie, elle s'attendait chaque jour à voir sa beauté se flétrir et ne voulait s'appesantir ni sur le plaisir ni sur la peur. C'était une femme raisonnable.

"Une journée dans la vie d'une femme souriante"
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Anna nous paraissait à tous une petite fille souriante,mignonne, affectueuse, qui avait bon caractère et un émouvant esprit de partage et d'obligeance.A un âge où les petits enfants deviennent pour la plupart farouchement possessifs et cupides, elle était toujours prête à céder ses jouets ou à partager ses bonbons fondants....
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De paradoxe en paradoxe nous allons de l'avant, voyageurs en partance de nous-mêmes...
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Les enfants, dont le visage était éclairé par les bougies posées sur la cheminée et par la faible lueur des illuminations japonaises, étaient assez candides pour regarder en silence les adultes allumer les amorces de papier dans la pièce obscure. Au lieu de contempler le petit spectacle, certains parmi nous regardaient la lumière jouer sur leurs doux visages graves et attentifs. Ils composaient un tableau, un Joseph Wright, un La Tour. Nos enfants étaient ici bons ; nos espoirs pour eux, si élevés. La bonté semblait être leur droit de naissance. Comment aucun d'entre pouvait-il s'égarer ?
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Fran adore la télévision régionale. On découvre tout un tas de choses étranges en regardant la télé régionale d'un bout à l'autre du pays. Elle est contente d'avoir encore l'énergie et la volonté de parcourir l'Angleterre en voiture afin d'inspecter les résidences et foyers d'hébergement pour seniors. C'est une femme qui a de la chance, de la chance dans son travail. Parfois, dans ses instants les plus nobles, elle se dit qu'elle est amoureuse de l'Angleterre, de la longueur et de la largeur de l'Angleterre. L'Angleterre est à présent son dernier amour. Elle veut la voir voir entièrement avant de mourir. Elle ne pourra pas le faire, mais elle le fera de son mieux.
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p.71 Nous pouvons tous nous attendre à vivre plus longtemps, mais l'on a récemment annoncé que la majorité d'entre nous peut s'attendre à passer les six dernières années de sa vie prolongée à souffrir d'une maladie grave, à endurer une forme de douleur et de mauvaise santé. Fran trouve que cette statistique est exaspérante. La longévité a foutu en l'air nos pensions, notre équilibre entre vie professionnelle et vie privée, nos services de santé, nos logements, notre bonheur. Elle a foutu en l'air la vieillesse elle-même.
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Ces deux mois ont été très longs. Elle était beaucoup plus jeune, il y a deux mois. Elle avait traversé la soixantaine et dépassé les soixante-dix ans en marchant régulièrement sur un plateau des années durant, mais, maintenant, elle a brusquement descendu une marche. Voilà ce qui se passe. Elle sait tout là-dessus. Elle a été avertie plusieurs fois de l'existence de cette marche vers le bas, de cet étage inférieur. Ce n'est pas une falaise de la chute, mais c'est une descente vers un nouveau genre de plateau, vers un niveau inférieur. On espère rester sur ce terrain plat encore quelques années, mais on peut ne pas avoir cette chance.
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Elle eut à nouveau une pensée pour ses enfants; elle avait tellement été persuadée qu'elle serait un jour assise dans une pièce comme celle-ci, avec d'autres parents, et qu'elle écouterait quelqu'un faire des discours ennuyeux et stupides et distribuer des prix à ses trois enfants. Elle avait tellement espéré de la vie. Elle s'était attendue à les voir grandir, à voir leurs jambes s'allonger, à connaître leur visage d'adulte, leurs enfants. Il était impossible qu'un accident comme la mort puisse les séparer d'elle. Et pourtant, ce sont des choses qui arrivent, tous les jours.
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Noël n'est pas une bonne période pour beaucoup.Noël est pire, bien sûr, pour les célibataires et les personnes seules, ou du moins c'est ce que tout le monde dit, mais c'est une période franchement mauvaise pour ceux qui ont une famille trop nombreuse et, entre trente et quarante ans, la majorité d'entre nous tombait dans cette catégorie. Il nous arrivait, pour certaines, d'aspirer au célibat et à la solitude pendant que nous tentions de satisfaire aux exigences de parents, d'enfants, d'ex-maris, de frères et sœurs, de tantes, d'oncles, de cousins, de canards boiteux, d'alcooliques excommuniés, de poètes solitaires dépressifs et autre racailles. Aucune d'entre nous n'avait une maison assez grande pour accueillir une tribu, une cuisine assez vaste pour faire le repas de tout un clan ; néanmoins, d'une manière ou d'une autre, nous avions hérité de ces attentes tribales de grands rassemblements. C'étaient des festivals effrénés d'échecs courus d'avance.
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La poésie de Linton naturellement était académique, intelligente, structurée, délicate, en demi teintes, sensible, pleine d'ambiguïtés verbales et de vertus traditionnelles: la vague des poètes beat, des poètes de Liverpool, des poètes de bistrot, des poètes populaires avait d'abord suscité en lui un amusement, puis de l'hostilité, puis un mépris teinté de crainte.
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Certaines personnes ne peuvent monter dans un train sans s'imaginer qu'elles sont sur le point de pénétrer dans le grand inconnu, comme si la notion de mouvement était indissociable de celle de découverte, comme si chaque déplacement du corps était aussi un déplacement de l'âme.

"Un voyage à Cythère"
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Que signifie t-il pour eux, ce mardi matin ? Est-ce juste une façon de passer le temps en société ? Ou certains d'entre eux éprouvent-ils, comme elle, la force et le pouvoir qui survivent dans les poèmes, les pièces et les romans qu'ils lisent, une force, un pouvoir et une consolation qu'eux-mêmes, dans le fait et dans l'acte de lire, libèrent et désemprisonnent, des forces qui transcendent totalement cette salle institutionnelle, les gobelets en plastique, la fontaine à eau et le distributeur de café qui tombe si souvent en panne ? [...] elle vit dans et pour les mots, pour les mots des autres.
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Un après-midi près de Notre-Dame
J'ai vue un homme qui a su passer
Le long du trottoir bondé, il portait
Un pot de café, ce dans une main,
Et dans l'autre main tenait un gâteau.

Je l'ai vu passer à travers la foule
Comme un être protégé, sur ses lèvres
Un sourire disait qu'il avançait
Vers une petite chambre privée
Et où il prendrait son repas tout seul.

Là, quand je pense ne pouvoir poursuivre,
Ce que je me rappelle, c'est cet homme,
Et ses petits réconforts dans les mains,
Qui passait le long d'une rue bondée
Vers une chambre entièrement à lui.

«Poursuivre», poème de Robert Nye
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Ses inspections des modèles changeants d'établissements spécialisés et de foyers pour seniors lui ont fait prendre conscience des retards et des moyens infiniment intelligents, complexes et inhumains que nous créons afin d'éviter et de nier la mort, d'éviter d'accomplir notre destinée et d'arriver à destination. Et, dans de si nombreux cas, le résultat a été que nous y arrivons non pas de bonne humeur, au moment où nous faisons nos derniers adieux et accueillons la vie après la mort, mais inconscients, incontinents, déments, soumis à des traitements au point de sombrer dans l'amnésie, l'aphasie, l'indignité. De vieux imbéciles, qui n'ont pas eu le courage de prendre ce dernier whisky et de mettre le feu à leur literie avec une dernière cigarette.
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p.433 Vous pouvez ne pas inviter des gens à votre soirée d'anniversaire, mais vous ne pouvez pas exclure des membres de la famille de vos obsèques. Les obsèques sont des évènements publics, donc les gens viennent, c'est tout. Ils viennent, c'est tout, bien qu'ils ne sachent peut-être pas toujours trouver le chemin qui mène au champagne.
Ce sont là des pensées mesquines.
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p.332 Teresa médite la découverte récente (pour elle) selon laquelle douleur et futilités peuvent être une diversion bienvenue à l'activité sérieuse, au bout du compte, qui consiste à mourir. La douleur modifie la perception du temps et donne envie d'être ailleurs, de faire son trajet à toute vitesse, alors que les futilités bloquent le centre des préoccupations de manière confortable et sympathique, occupent l'espace qui pourrait autrement être consacré à la prière, à la pensée, à la méditation ou au désespoir.
Les futilités : une couverture confortable, une tasse de soupe, un texto ou deux, un jeu radiophonique, un livre sur les genoux.
Les futilités : la rencontre de trois voies, les arts inférieurs.
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