Le coeur de Tonje décrit un bond de trampoline dans sa poitrine. Il y a beaucoup de choses qui feraient plaisir à Tonje. Elle aimerait bien avoir un accordéon et des lapins, une tronçonneuse et des skis équipés de spatules et de talons relevés, comme Tante Eir et Tante Idun en ont toutes les deux. Elle aimerait justement que Tante Idun et Peter soient amoureux, et que le Parcours de Santé et les vacances en toute sérénité soient interdits. Elle aimerait une corde au-dessus de l'étang près du pont de l'alpage et un ciel de lit comme Andrea, sa copine de classe. Elle aimerait que les glaciers du Groenland s'arrêtent de fondre pour que maman ait moins de travail. Mais, surtout, plus que tout, Tonje Glimmerdal aimerait avoir une petite soeur.
Papy… Lena me manque horriblement, ai-je fini par dire.
Et puis je me suis mis à pleurer.
Alors papy m’a regardé d’un air sérieux et il m’a dit qu’éprouver le manque de quelqu’un était la sensation de tristesse la plus belle qui existe.
Quand c'est la guerre, tout est inversé : c'est surtout ce qui est interdit qu'il faut faire. (p.92)
- Tu ferais mieux de te rendre utile et d'aller préparer le feu au bord de la mer, espèce de feignasse! hurlait Lena, si fort que même mon pull en tremblait.
Tonje est convaincue que Dieu a passé une excellente journée quand il a créé ses tantes.
"Tiens, aujourd'hui, je vais créer une surprise", a dit Dieu. Sur ce, il a fabriqué une tante.
Il l'a faite toute maigrelette constellée de taches de rousseur. Il a décidé ensuite que, lorsqu'elle ricanerait, non seulement elle se tordrait de rire mais elle se replierait sur elle-même comme un accordéon. Ceci fait, il a introduit en elle beaucoup de bruits. Vraiment beaucoup, songe toujours Tonje, comme ça ne lui était pas encore arrivé de le faire dans une tante. Dieu voulait en effet qu'elle aime tout ce qui est rigolo, tout ce qui va à toute blinde, tout ce qui se brise avec un vacarme assourdissant. Quand il eu terminé, il a reculé d'un pas pour admirer son oeuvre. Il n'avait jamais rien vu de pareil. Il était tellement content de lui qu'il a décidé d'en fabriquer une deuxième.
-- Je t'en foutrais des "plus jamais", moi ! Ah oui, ça c'est sûr, vous ne recommencez jamais deux fois la même chose. Vous inventez chaque fois des nouvelles bêtises. (p.77)
- Ils ont eu un envol superbe, ça on ne peut pas leur enlever : notre petite voisine a atterri la tête la première dans le bonhomme de neige de Krolla, et notre petit Trille s'est écrasé la figure dans la haie. La poule a voltigé dans les airs et la luge a fait "bang !" contre la façade !
Jamais il n’aurait fallu avoir inventé les grandes personnes ! Mais c'est vrai quoi, elles emmènent leurs enfants ici, là, comme ça leur chante, alors que les enfants, eux, ne le veulent pas et n'ont pas leur mot à dire.
"Je la lâche le matin en espérant la voir rentrer le soir", répond systématiquement Sigurd, le papa de Tonje Glimmerdal, aux gens qui passent faire une petite visite à la ferme - puisque, cette question, les habitants du village la posent en permanence.
Le petite furie de Glimmerdal. Voilà comment ils la surnomment.
Voir Gunnvald dans cet état la plonge dans la détresse.
Le pire, ce qui inquiète Tonje plus que tout au monde, c'est que Gunnvald ne joue plus une note. Il n'a pas touché à son violon depuis son retour à la maison. Accroché au mur, l'instrument demeure silencieux, comme mort. Ça ne s'est jamais produit. Même dans les moments les plus tragiques, Gunnvald a toujours joué du violon. Puisque c'est le violon qui l'a toujours consolé lorsque plus rien n'était d'aucun secours.