Citations de Marie Bonnafé (21)
Les comptines, bouts rimés, poésies:
Les comptines de notre patrimoine, quand elles s'adressent aux bébés, sont à la fois ces petits jeux chantés et parlés qui tournent autour du corps de l'enfant et l'accompagnent dans la découverte de lui-même, et toutes ces formulettes, léguées par la tradition, bouts rimés, poésies, vire langues qui jouent avec les mots, la langue et les rythmes. (p.196)
Les imagiers:
En nommant, en désignant les choses par leur nom, l'enfant s'approprie le monde. Il en distingue les éléments et, ce faisant, commence à maîtriser le réel. De l'imagier classique, qui présente sur chaque page la représentation d'un mot joint au mot qui la désigne, aux images pleine page qui offrent mille possibilités de récit, tout est possible; entre la parole de l'adulte et celle de l'enfant (ou son geste), l'histoire se construit, s'élabore, toujours différente sur les mêmes images. (p.197)
Lire pour rien:
Donner des livres aux bébés ne signifie en rien proposer une forme d'apprentissage précoce de la lecture.
(...) Seul le plaisir pris par les tout-petits et les adultes avec les premières histoires comme avec les comptines est à rechercher.
(...) Ce premier contact avec l'imaginaire, suscité par la lecture des premiers albums aux bébés, est également un appui essentiel pour leur permettre de mieux évoluer, de mieux se situer dans la communauté où ils vont vivre et grandir.
(p.35)
Les histoires randonnée, les histoires à répétition:
Les histoires randonnée, les contes à ritournelles, à répétition offrent des récits dans lesquels les enfants trouvent à la fois le sentiment de la permanence, le plaisir de l'anticipation, et celui de la nouveauté à travers l'élément introduit à chaque séquence et qui fait progresser l'histoire jusqu'à son dénouement. (p.200)
Les "livres d'images" font décoller le lecteur adulte dans le monde des rêveries et des envolées de la création imaginaire. (p.143)
La découverte du vaste monde:
La conquête de l'autonomie passe par le désir de quitter la maison et l'univers familier et rassurant pour aller voir comment marche le monde. Les voyages, l'univers en marche avec ses machines, ses moyens de locomotion, la nature et ses secrets, les autres, aussi... tant de choses à découvrir! (p.199)
le livre est un support de l'échange entre les enfants et les adultes, et il relie aussi l'individu à la communauté à laquelle il appartient. (p.67)
Les bébés et les images: (...)
Les "livres d'images" font décoller le lecteur adulte dans le monde des rêveries et des envolées de la création imaginaire. C'est dans la mesure où l'illustration possède en elle-même une rigueur plastique qu'elle peut faire percevoir un équilibre particulier entre l'imaginaire et les éléments de la réalité propre à l'artiste, mais qui parle aussi à tous, réveillant en chacun la relation particulière de la réalité au rêve. (p.143)
Un moment d'échange:
Quand on raconte une histoire à un bébé, le plaisir qu'il en tire rejaillit sur la mère. Il possède un pouvoir extraordinaire: tout ce qu'il fait, ses mimiques, ses cris, les mouvements de son corps font réagir son entourage. Au cours des séances d'animation, c'est cet échange qui donne un sens à ce qui se passe entre le conteur, l'enfant et les parents. (p.64)
Cela signifie que l'enfant, à tout âge, comme les adultes, trouvera dans une même lecture, au plus profond de lui-même, le même ancrage d'une satisfaction ou d'un manque, d'une inquiétude ou d'une réassurance. Dans ce partage où l'écoute et le plaisir pris dans les livres sont tellement différents chez le bébé et chez l'adulte lecteur, chacun apporte la diversité de ses propres réactions, mais le point de départ de l'un rejoint celui de l'autre, ainsi existe un bonheur partagé de la lecture. (p.80-81)
Le roman de bébé:
Le développement de l'enfant est un parcours où chaque étape successive donne un nouvel éclairage aux étapes précédentes. En effet, toute acquisition produit une évolution, presque une révolution, s'intégrant à l'évolution de l'enfant (...)
Dès la naissance, les récits accompagnent l'évolution de l'enfant dans ses échanges avec l'adulte, et, à chaque étape du développement, on peut retrouver des éléments forts d'un genre de récit qui correspond au vécu intérieur et à la relation de l'enfant avec son entourage. (p.80)
Les contes:
Les contes traditionnels sont une source essentielle de la littérature pour les premières années. S'ils ne sont pas trop complexes, ces récits magiques enchantent l'enfant avant même qu'ils ne sache parler, et ils exercent ensuite leur charme tout au long de la vie. (p.194-195)
L'angoisse de séparation:
Au cours du deuxième semestre, bébé va faire une découverte extraordinaire: sa mère, qu'il croyait jusque-là entièrement à son service, comme confondue avec lui, existe en dehors des soins dont elle l'entoure. Elle est une personne qui peut se séparer, revenir, se faire attendre, s'intéresser à d'autres, bref avoir sa vie personnelle. (...) Rien ne sera plus jamais comme avant, du temps que l'enfant croyait que tout était à lui. Sitôt a-t-il construit un paradis déjà perdu qu'il rêve d'y retourner.
(...)Les angoisses au moment des séparations, les pleurs du soir, les craintes devant les inconnus sont autant de signaux qui montrent aux adultes les questions inquiètes qu'il se pose. (...) Il commence à jouer en jetant et en récupérant les objets qui l'entourent, il jubile vraiment comme il peut réellement être triste. C'est la description célèbre du "jeu de la bobine" que Freud a observé chez son petit-fils jouant seul en l'absence de sa mère et disant "fort/da", "loin/ici". (p.86-p.87)
Il est pour certains adultes difficiles de comprendre le plaisir pris par les bébés avec des personnes différentes qui racontent une même histoire ou une comptine, un livre repris à l'identique par les uns ou les autres. La répétition d'une histoire connue, sa permanence face à la discontinuité des relations prend une valeur par son caractère prévisible. C'est une expérience plaisante et stable dans une période de grands changements. (p.87)
La passion pour le conte féérique vit durablement en nous. Tristes sont les lecteurs qui ne sont plus du tout enfants... Les contes fascinent aussi beaucoup les adultes, que ce soit sous leur forme habituelle ou qu'ils soient transposés comme argument de ballets, d'opéra ou de toute œuvre littéraire. Qu'un même texte soit source de plaisir esthétique à des âges aussi variés lui confère une valeur toute particulière dans la transmission intergénérationnelle. (p.138)
Les contes ont une signification universelle. C'est celle d'un parcours analogue à la trajectoire personnelle de tout être humain. Marthe Robert l'écrit dans sa belle préface aux "Contes" de Grimm:
"Le conte propose à l'enfant une image de la famille humaine. Le "Royaume" du conte n'est autre que l'univers familial bien clos et délimité. Pour l'essentiel, il décrit le passage de l'enfance à la maturité, passage nécessaire, difficile, gêné par mille obstacles." (p.131)
Elle [Marthe Robert] rappelle, à côté de la constance de ce thème principal, l'importance de la construction elle aussi universelle: "Au fur et à mesure que se recueillaient les contes, on découvrait des analogies très précises elles aussi. Ils se trouvaient tous agencés et combinés de façon identique, à quelques variantes près, qui soulignaient encore une seule variante des thèmes". (p.131) (...)
La structure très forte des contes de fées se révèle tout aussi importante que leurs contenus pour comprendre l'engouement qu'ils engendrent dès la petite enfance, et qui se poursuit tout au long de la vie. (p.132)
le "conte féérique", ou "conte merveilleux", ou encore "conte populaire", constitue un genre littéraire défini par deux traits caractéristiques indissociables. D'abord le récit du conte se situe en son entier dans l'univers du surnaturel. Ensuite la construction du récit est unique en son genre. Il s'établit dans le conte un lien intime entre l'un et l'autre aspect. En effet, on a souvent tendance, quand il s'agit de situer l'importance du conte dans le développement de l'enfant, soit à privilégier les contenus du récit, soit, à l'opposé, sa structure détachée des contenus de la pensée originelle. Enfin, on néglige parfois ce qui est à nos yeux essentiel: le texte nous enchante que lorsque le texte a une valeur littéraire. Dans les autres cas, il nous ennuie. (p.130)
On naît dans les choux, le plus ancien légume cultivé par l'homme, et on compte avec la pomme, symbole originaire, son premier fruit.
Le truchement d'un animal permet toutes les fantaisies imaginatives.