Calme imposé aux enfants, qui ont tout le jardin pour courir et crier, silence d’avant le téléphone et la radio, silence d’avant toute cette machinerie électrique qui a depuis envahi l’espace. Et dehors, le merveilleux bruissement des arbres, les appels des oiseaux, sans tondeuses ni pétarades d’automobiles.
Malgré mon désir de croire, je n’ai retrouvé aucun de ceux que j’aimais, partis avant ou après moi, même dans la promiscuité de la chapelle, os dormants et pourrissants côte à côte, ce qui faisait notre personne, envolé, et c’est peut-être une consolation, après tout, que de se découvrir si légers : ce sont les vivants qui imaginent le poids des morts, leur permanence, leurs exigences même, mais si nous pouvions leur dire que plus rien n’a d’importance et qu’ils doivent vivre sans béquilles, sans attelle, sans le joug du devoir, ils se redresseraient et vivraient enfin, respirant, jouissants, comme nous ne l’avons pas fait, toujours inquiétés par le passé et bercés par une fallacieuse promesse d’immortalité.
La chapelle que j’ai fait construire est toujours là, perchée sur son talus, avec ses pierres grises et bleues, son petit clocher ouvert où est suspendue une cloche que je n’entends plus. Il y a eu encore des mariages et des baptêmes, l’enterrement d’Étienne, le fils de Max et de Jeanne, celui de mon fils Joson et de ma bru Théodora, tous les deux réunis, comme Max et moi, sous les murs de la chapelle, mais en fait, séparés, flottant eux aussi dans les nuées, devenus oiseaux peut-être, ou nuages ou vent. Unis dans l’oubli plutôt que dans la foi, entre la légende et le mythe, la croyance qu’on veut nous inculquer, depuis l’enfance, en la vie éternelle et l’immortalité de l’amour.
Max et moi, sous les murs de la chapelle, mais en fait, séparés, flottant dans les nuées, devenus oiseaux peut-être ou nuages ou vent. Unis dans l'oubli plutôt que dans la foi, entre la légende et le mythe, la croyance que l'on veut nous inculquer, depuis l'enfance, en la vie éternelle et l'immortalité de l'amour.
Malgré mon désir de croire, je n'ai retrouvé aucun de ceux que j'aimais....
(p.17)
Mais les enfants doivent apprendre à pardonner à leur père, à leur mère, et avancer dans la vie sans peur.
Et moi, jeune femme innocente plus qu’ignorante, brune comme ma mère, avec les yeux bleus de mon père, d’une élégance discrète, j’étais flattée de devenir la comtesse et la souveraine de château posé dans sa cuvette verte comme une vieille princesse endormie qui attend d’être réveillée.
Les rites mêmes ne demeurent pas et les saints ne nous protègent plus depuis longtemps, car nous avons perdu la foi. Moi-même, dans mon éternel flottement, en quoi puis-je croire à présent, sinon au chant des oiseaux et au passage des nuages ?