Marie-Haude Mériguet

Faustine, c’est là que ma vie a commencé. J’avais passé mon adolescence dans un état d’attente. Au point que j’en oubliai d’attendre quoi que ce soit. Je glissais dans la vie là où elle me menait, où on me disait d’aller, pour faire plaisir à mes parents, pour ne pas déplaire, et parce que je ne nourrissais aucune idée qui fut meilleure pour moi-même.
L’été 1996 me rendit la vie. J’y découvris l'amour, l'amitié, l’Italie, la mort... Et moi-même.
J’y appris que j’étais capable de choisir ma vie, de choisir mes choix, que j’étais davantage qu’une enfant sage. Je devins, cet été-là, le début d’une femme vivante.

La moitié de l'espace était occupé par un attroupement de jeunes gens qui dansaient près d'une sono poussée à son volume maximum. La musique se heurtait aux murs fatigués qui lui renvoyaient son écho anachronique. Des groupes s'étaient formés à l'écart des danseuses et des danseurs, assis au sol ou appuyés aux fenêtres géantes qui s'ouvraient sur cette terrasse que j'avais déjà admirée, en plein jour, depuis l'autre bord du lac. On riait, on bavardait fort pour couvrir la musique, on se passait des bouteilles d'alcool.

Toute nue, avec des seins, vous les auriez vus, énormes ! De vrais gros melons, même moi, j’avoue, j’ai eu envie de les toucher pour voir. Une peau impeccable, et une chevelure splendide qui lui dégoulinait des épaules.

Nicolette, 19 ans, a programmé son été : lire et ne rien faire de particulier. Sa mère lui annonce qu’elle lui a trouvé un travail de baby-sitter. Nicolette part dans cinq jours en Italie pour s’occuper des deux jeunes garçons de la famille Gaudet. Arrivée là-bas, elle se rendra vite compte que c’est surtout pour Faustine que les parents ont besoin d’elle. Mais qui est véritablement Faustine?

Vivantes raconte l’histoire d’une belle amitié naissante entre deux jeunes filles que tout oppose.
Grâce à l’écriture simple , fluide et efficace de Marie-Haude Mériguet, je me suis laissée surprendre par ce récit. J’ai tourné les pages avec plaisir pour connaître la suite de cette rencontre improbable de ces deux jeunes personnes.
J’ai trouvé Nicolette très attachante, sympathique et patiente alors que Faustine , au début, m’a pas mal agacé. Mais après avoir fait sa connaissance au long des chapitres, j’ai compris sa façon de se comporter, sa douleur et je me suis prise d’affection pour cette jeune femme.

Une très belle lecture qui me permet de découvrir une autrice dont je lirai avec plaisir les autres romans.
Merci à #NetGalleyFrance et à Marie-Haude Mériguet pour l’acceptation de ma demande de lecture.

-La musique a cette magie-là, ajoute-t-elle. Elle me fait décoller. Elle rend la vie très, très vivante.

C’est simple, regarde. Moi, je trouve que dans la vie il n’y a pas trente-six manières de savoir ce qu’on veut. Lorsqu’on ne sait pas, c’est qu’il y a une petite bagarre entre la raison et le cœur. La raison est claire et logique. Très franchement elle a belle allure et c’est ce qui fait qu’on l’écoute. La raison fait ce qu’il faut… Alors que le cœur… dit-elle. Le cœur sait. Il ne te dit pas ce qu’il faut que tu penses, ni ce que tu dois faire pour bien faire. D’ailleurs, le cœur ne fonctionne pas du tout en termes de « bien faire, faire ce qu’il faut » et tout ce charabia, Nicoletta. Ton cœur possède un savoir profond, il a la vérité. Et la vérité, c’est beaucoup plus fort que la raison.

Ça s'était trouvé à merveille, ce devait être "un signe des étoiles". lci, elle rit. C'était une blague, évidemment, car ma mère était une pure cartésienne et les seuls signes en lesquels elle croyait étaient ceux des écritures mathématiques.

Dormir en pleine journée, c'était oublier de vivre...

Chaque année, le dernier samedi de juillet, elle recevait tout le beau monde de Maldena, de San Lorenzo, et de Fai di Paganella, les villes voisines. On venait même depuis Trente et les rives nord du Lac de Garde pour la Serata Bianca de Mariangela Gaudet.

"Tu as raison, Mariangela, lança-t-il en fixant sur elle un visage sans expression. Je prendrai soin de prévenir notre fille de veiller à ce que ça ne bouleverse pas tes projets de vacances, la prochaine fois qu'elle veut mourir."

Avec cette boussole, tu te souviendras toujours de deux choses très importantes. La première : ce petit objet qui tient dans le creux de ta main, c’est le voyage, c’est aller où tu veux en sachant quelle direction prendre. Tu as donc, littéralement, le monde entre les mains. Elle planta dans mes yeux son regard infiniment gris. « La deuxième chose, reprit-elle, c’est que cette boussole pointera toujours sur toi. Tu verras, il n’y a rien à faire. Voilà: ta boussole, c’est toi. Tu es ton propre Nord. Tu es ton propre cap. Suis toujours ton désir à toi, et tu ne t’égareras jamais. Bon, en gros c’était ça, mais j’ai un peu enjolivé, je le dis mieux que la tante Rosina, qui n’avait pas mon sens de la poésie. » Faustine bomba le torse, fière de son effet, et elle ajouta que ça lui rappelait ce que je lui avais confié à propos de mon envie de partir. «C’est comme si ton grand voyage commençait là » dit-elle.

Mais j’avais une détermination catégorique, elle ne me laissait plus faire d’efforts pour plaire à qui que ce soit d’autre qu’à moi-même.

Voilà: ta boussole, c’est toi. Tu es ton propre Nord. Tu es ton propre cap. Suis toujours ton désir à toi, et tu ne t’égareras jamais.

La Sociologie, c’est plutôt pour tes parents, non ? Moi je te parle d’un truc que tu aimerais pour toi, et dont le goût te viendrait de toi seulement. Une passion à toi, quelle qu’elle soit, même si elle ne fait pas plaisir aux autres.

C’était brusque et c’était génial. J’avais peur et j’avais envie de sauter en riant. Je ne savais plus que faire de ma carcasse en short et maillot de bain qui dans cinq jours partait en Italie.

Elle avait l’impression de devoir son silence à deux choses : elle se taisait parce qu’elle l’aimait. Elle se taisait parce qu’elle le détestait. Ça grouillait au fond de son ventre. Mais, arrivées au niveau de la gorge, les émotions s’emmêlaient en une énorme boule qui bloquait tout. Jusqu’à sa respiration, irrégulière, difficile.

J’étais là pour rassurer. J’étais l’argument.

Les journées étaient agréables, denses, couronnées par ces dîners joyeux à l’issue desquels je montais me coucher, euphorique et fatiguée. J’apprenais des mots qu’aucun professeur d’italien n’avait jugé bon de m’enseigner…

Je sentais en moi une femme adulte retenue par l’enfance que j’avais encore trop peur de quitter pour savoir m’en aller et découvrir d’autres pays.

Surtout que je ne suis pas du tout du genre à fouiller. Jusque-là, je n’étais même pas spécialement jalouse. C’est fou la vie.
Sur le moment, je me suis dit : « il ne faut jamais fouiller dans le téléphone de son mari. Franchement, ça ne sert à rien. Ne regarde pas, Jeanne. Ne regarde surtout, surtout pas, c’est idiot. »