Marie Simon

...je les trouve fascinants. Sans rire. Les amis, les invités, les gens ont un avis sur tout, et surtout sur le chagrin des autres. Ils trouvent que ça va passer et que la vie continue.

En offrant une symétrie entre une figure habillée et son double dévêtu, le peintre introduit un thème cher au décolleté : sa complémentarité avec le nu. Il est le symbole d'une symbiose entre le vêtement et sa nudité, et non d'une opposition.

Renoir avoue à son ami Jacques Emile Blanche préférer peindre la femme nue plutôt que vêtue. "Un sein, c'est rond, c'est chaud ! Si dieu n'avait créé la gorge de la femme, je ne sais si j'aurais été peintre."

Une frontière mouvante entre le corps et le vêtement, entre ce qui est voilé et ce qui est dévoilé.

Un autre truc notable, c'est qu'elle apaise ma colère, au lieu de l'augmenter, le plus souvent. Je m'entends crier, et puis je vois la surprise sur son visage, et je la regarde transformer ça. Elle absorbe ma colère, elle lui parle, elle la compense. Ensuite, elle en fait autre chose, elle la sort et me renvoie une image de moi drôle, ou tendre, ou les deux. Encore un tour de magicienne.

Il fait un temps à dessiner des bites et des cœurs sur les vitres du bus.

En cas de doute, il suffit de rappeler les voix, ou de regarder les photos. L'amour heureux est bien là. On n'a pas de photos des disparitions, des silences et des lâchetés, curieusement.

Il reste un point en moi, ce petit point de violence, ce petit trait de rage, qui n'est jamais bien difficile à dégoupiller. Cette petite goutte d'hérédité d'où je viens, d'où ça part. Ce point n'est pas détruit, et je ne sais pas où il va.

Les enfants ne parlent pas, ils ne peuvent pas parler. Les enfants aiment leurs parents, ils sont loyaux. Ils ne veulent pas trahir.

En exil, en solitude, dans le silence aquatique, ce n'est pas le cœur qui choisit de s'attacher à quelqu'un, c'est le manque.

Les enfants ne devraient jamais avoir à se protéger eux-mêmes, ni à attendre qu’on les secoure.

C’est difficile de mettre un enfant au monde quand on n’a pas de jolis souvenirs, quand on ne croit pas qu’il en sera épargné.

Mais tout n’est pas triste et violent, non, il y a de bons moments qui méritent que l’on remonte à la surface. Des vacances, des lectures, de petits plaisirs – une robe à fraises brodée – que son père lui ramène un soir, une cassette que lui envoie son oncle pour son anniversaire, un foulard que lui prête sa mère, des glaces à l’eau mangées en Espagne. Ils sont rares, il ne faut pas s’y habituer, parce que sinon quand une gifle tombe ensuite et on est trop déçue, un autre morceau qui se brise – un jour, il n’y en aura plus. Il faut limiter la casse, et ne pas trop s’écouter. Profiter des figures aimantes, sa grand-mère maternelle, qui lui coud des poupées, lui prépare des soles, et lui gratte le dos la nuit, quand elle a le droit de dormir chez elle. Son arrière-grand-père, qui lui apprend le dessin, lui dit d’ouvrir grand sa mémoire et d’absorber tout ce qu’elle voit, tout ce qu’elle entend, et lui prédit qu’elle écrira des livres, un jour. Il faut en profiter, parce que bientôt elles ne seront plus là ces figures tant aimées. Seule. Il restera sa mère, si effacée jusqu’au départ du père, et qui deviendra furie du jour au lendemain, trop blessée par cette rupture pour pouvoir en revenir tout à fait.

Quand on a sept ans, qu’on est vraiment triste, incomprise, et qu’on a peur d’être encore giflée ou même surprise, le silence c’est le calme, l’apnée, il faut l’envisager comme quelque chose à apprivoiser. Un nid doux de sable sous la mer, avec son silence et son côté caressant. On s’y enfonce, on s’en enveloppe, on s’y immobilise. À un moment, on y est presque à l’abri.

L’enfance, pour elle, c’est le silence. Le silence, c’est comme quand on a la tête sous l’eau. Le silence en vacances, dans la mer chaude du mois d’août, dont elle ne sort que quand la journée finit et que ses lèvres sont violettes. Le silence le soir, dans l’appartement familial, quand elle a crié, ou pleuré, ou que sa mère la tient, tête en avant, sous le pommeau de la douche, et qu’elle n’arrive plus à respirer. « Pour te calmer.

Susciter l’admiration de mon père quant à ma rapidité, et alors je lui expliquerais mon raccourci. Mais ce n’est pas comme ça que ça se passe. Ce qui se passe, je ne peux pas en parler. Je ne pourrai jamais en parler. C’est pire que ce que je connais. Je ne comprends pas pourquoi moi. Je voudrais me pincer mais je ne peux pas bouger. Et en même temps je sais que c’est à moi que ça arrive. Il n’est pas grand, il n’a pas l’air si méchant, il ne dit rien. Il est brusque, il fait un drôle de bruit, il respire fort, il râle. Il ne croise pas mon regard, et moi je ne comprends pas.

J’aime ce moment de liberté, je rends service, je respire, personne ne m’embête ou ne me dit quoi faire. Que je suis nul. Je marche uniquement sur le sable quand il ne présente aucun caillou, c’est un peu plus long, mais ça me donne le droit de faire des vœux chaque fois qu’aucun gravier ni minuscule caillou ne vient se loger sous ma basket. Attention, je ne peux pas faire de pas en diagonale non plus : tous doivent rester parallèles ou perpendiculaires. Je suis très fort à ça, je ne rate jamais.