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Citations de Mariusz Wilk (49)


Dès le début, les missionnaires firent tout pour obliger les Indiens à passer de leur rythme de vie nomade à un rythme de vie sédentaire. En effet, ils comprenaient qu'un homme qui vagabonde à sa guise était plus difficile à convertir à la nouvelle foi qu'un sédentaire. "Brisez le rythme vital, disait Kenneth, et vous briserez l'esprit. Prenez un esprit sans rythme vital, il croira n'importe quoi.(La route bleue de Kenneth White) Aux mêmes endroits que les missions chrétiennes s'installèrent des magasins permanents où l'on trouvait à manger si l'on rentrait bredouille de la chasse, et à boire pour noyer dans l'alcool la culpabilité engendrée par la découverte récente de ses péchés. De l'avis de Ken, ce fut le début de la fin. Il ne restait plus qu'à enfermer les Peaux-Rouges dans des réserves où grâce au travail dévoué et intransigeant des nobles missionnaires, ils pouvaient mourir d'une maniéré édifiante. p 91
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2 octobre
Ce matin, du givre. La nature paraît peinte par la lumière. Le soleil ardent, oblique, filtre à travers les feuillages qui commencent à s'éclaircir en mouchetant d'ombre la route jonchée de feuilles de bouleaux dorées. Tout frémit et chatoie dans mes yeux tandis que je file à vélo vers La Grande-Baie. J'ai l'impression de traverser un tableau de Seurat. p 202
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p 139 La vie est trop courte pour se presser.
Cet épigraphe m'a été glissée par le chaman esquimau sur le ferry. Alex a fait cette comparaison entre le chemin des hommes blancs et les pistes des Inuits : " Le blanc se dirige toujours vers son but par le chemin le plus court. Les Inuits font des détours. Les Blancs vivent dans le temps, les Inuits dans l'espace. Le Blanc a un certain nombre d'années pour voir le plus de choses possibles, et moi, j'ai encore un nombre de miles défini à parcourir, alors plus je vais lentement, plus je vois. Les miles n'y perdent rien." Il m'a dit aussi que je passerais bientôt du nord au sud. Je lui ai demandé pourquoi.
-- Chez nous, chaque âge a son point cardinal m'a-t-il répondu. L'enfance, à laquelle correspond le tuk-tuk, qui signifie "renne" dans notre langue, est tournée vers l'est ; la jeunesse vers le sud ; la maturité va vers l'ouest et la vieillesse fuit vers le nord. Tu vas bientôt commencer un deuxième tour.
Encore aujourd'hui je me demande comment il a pressenti la venue de Martoucha qui n'avait pas même été conçue... (née le 12 août 2009)
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... pour Bouvier, voyager n'était pas un divertissement mais un dur labeur. Il n'a pas cheminé à travers le monde pour découvrir ou pour visiter ou encore pour épater par des exploits du type : "voyage autour du monde en mobylette avec un œuf dur cuit par maman", mais pour faire table rase en lui de tout ce que la maison, l'école et la religion lui avait inculqué, pour échapper aux démons de sa maison familiale -- plus c'était loin, mieux c'était. Ces démons le rattrapaient en chemin: une fois dans le ton professoral des speakers de la radio suisse qu'il avait entendu à Prilep, une fois dans les lettres de sa mère -- celle qui lui était parvenue à Ceylan l'avait mis le plus hors de lui, alors qu'il avançait à bout de forces, sa mère lui disait qu'il serait temps qu'il grandisse et qu'il se trouve un travail honnête... Sur la route, il se dépouillait, la route le purifiait ! Tous les mille kilomètres, une "étiquette" se décollait, une autre pointait dessous et encore une jusqu'à ce qu'il débarque à Tabriz nu comme un ver avant que le désert du Balouchistan ne s'ouvre devant lui.
Avec l'âge, il écrivait de moins en moins, il était fasciné par la frontiére du silence, par l'espace entre les mots. Il méditait plus qu'il n'écrivait. p 255
Citation p 254, tirée de Routes et Déroutes :
Entre le voyage et l'écriture il y a un point commun, pour moi c'est très important. Dans les deux cas, il s'agit d'un exercice de disparition (...) Et du fait que l'existence entière est un exercice de disparition, je trouve que tant le voyage que l'écriture sont de très bonnes écoles.
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Du fait de l'état inquiétant de la nature, j'ai ouvert "La Route" de Cormac McCarthy, bien que je ne sois pas fanatique des romans catastrophe.
(...) j'aurais vite abandonné "La Route" si une réflexion de l'auteur n'avait résonné en moi : si vous êtes un bon père, votre enfant est tout ce qu'il y a entre vous et la mort.
(...) j'ai repris le livre au début et en ai parcouru chaque page en soulignant des phrases du type : "Il ne savait qu'une chose, que l'enfant était son garant" ou " ... Chacun était tout l'univers de l'autre", et quand je suis arrivé au passage où le père assis près de son fils endormi caresse ses pâles cheveux blonds emmêlés et compare la tête de l'enfant à un "calice d'or, bon pour abriter un dieu", je n'ai plus eu aucun doute : c'était bien un roman sur l'amour tardif d'un père pour son enfant.
Cormac McCarthy l'a d'ailleurs confirmé dans une interview menée par Oprah Winfrey au cours de laquelle il racontait son expérience de la paternité à un âge avancé. La paternité a été la principale inspiration de son roman.
p 181-182
(citations de La Route édition de L'Olivier pages 31, 10, 69.)
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Pascal Quignard, dans le Sexe et l'Effroi, écrit : "Les chasseurs primitifs qui se servaient d'un arc tiraient de son unique corde un son mortel (ils avaient donc inventé la musique de la mort) soit le langage adapté à la capture d'une proie". Il ajoute un peu plus loin : "Lire, c'est chercher des yeux à travers les siècles cette flèche unique décochée de l'intérieur, des profondeurs, du commencement, dès le commencement". Je ne cache pas que l'intuition de l'écrivain français a été pour moi l'une des principales incitations à suivre la traces des Saamis. p 22
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L'archipel des Solovki n'est pas très grand, rien n'est à plus d'un jour de marche, comme si l'ensemble avait été conçu pour un homme qui ne veut pas utiliser d'autre moyen de locomotion que ses pieds. C'est comme les gens ; il en vit ici juste assez pour qu'on puisse les connaître tous en l'espace de quelques hivers. C'est un endroit formidable pour contempler la nature, l'histoire, les hommes et les événements. On peut y embrasser d'un regard des phénomènes qui, en Russie, se déroulent sur des territoires immenses et sont, de ce fait, difficiles à percevoir. À Solovki, on voit la Russie en miniature, avec une netteté parfaite...
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On demande pourquoi sur ce mont bleu j'habite ;
Que répondre ? Je ris. Là mon coeur est serein.
L'onde aux fleurs de pêcher au loin se pécipite ;
Ce ciel et cette terre, est-ce le monde humain ?
Li Bo (1)
Dans les toundras de Lovoziéro, il ne pousse pas de pêchers, mais les buissons de framboisiers s'émaillent de fleurs en été ; en automne, la sorbe rougit et les cèpes sortent sur le chemin, la mousse du renne sur les versants ressemble de loin à une écume d'un gris verdâtre. En revanche, les roches sont muettes -- comme chez Li Bo ! -- et la populace ne court pas en ces lieux. Chaque fois que je vais sur les bords du Séïdiavr (le lac des Esprits), outre un sac de couchage et des provisions, je mets dans mon sac à dos un petit livre du poète chinois. Avec lui, le voyage est plus gai et on peut beaucoup apprendre.

(1)"Question et réponse dans la montagne", trad. P. Jacob, in Li Bai, Florilège, Paris, Gallimard, 1985, p.139.
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Sur une branche est perché un corbeau qui tient dans son bec un fromage. Un renard est sous l'arbre.
--- Eh, corbeau ! Tu voteras pour Poutine ?
Le corbeau ne dit mot.
La voix du renard se durcit :
--- Toi, là-haut ! Je te demande pour la dernière fois si tu voteras pour Poutine ?
--- Oui, coasse le corbeau, et le fromage lui tombe du bec. Le renard s'en saisit et déguerpit.
Le corbeau marmonne dans sa barbe :
--- J'aurais dit "non" que le résultat aurait été le même.
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Du reste, les Européens qui parlent aujourd'hui de la Russie s'écartent rarement des clichés formulés dans la première moitié du XVIe siècle. Aussi n'est-il pas inutile de lire les traités anciens pour voir la manière dont se sont formés les stéréotypes concernant la Russie en Europe, tel celui de la Russie vue comme une prison, par exemple. Campensis écrivait en 1522 :
"Tout ce pays, outre son immensité, est si hermétiquement clos et gardé que non seulement les esclaves mais aussi les hommes libres ne peuvent ni en sortir ni y entrer sans une hramota, un sauf-conduit du tsar."
On parlait déjà à l'époque de la déportation de peuples entiers sur un caprice du tsar, de l'incroyable ivrognerie des Russes, de leur paresse, de leur sournoiserie et de leur suspicion, sans oublier les mœurs légères de leurs épouses (chacune étant susceptible d'être possédée contre une modeste rémunération), la saleté, la boue... "Aucun autre peuple ne jouit d'une aussi mauvaise réputation que les Russes", observait-on. Car aucun autre peuple ne ressemblait autant à des Européens sans en être.
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21 juin
Au loin, à l'horizon, le ciel et la terre se rejoignent en silence. Dans une telle quiétude, on entend chaque mot.
Par la fenêtre, je regarde le trait violacé de l'horizon de l'autre côté de la Grande Baie. Évagre le Pontique écrit que le silence est un art qui consiste à attendre, à veiller et à tendre l'oreille à ce qui se passe autour de nous. Le silence est la voie qui mène vers notre propre intérieur, qui apprend à s'arrêter et à atteindre l'essentiel. Le silence est le liant qui unit notre attitude à nos actes, c'est la plénitude et non pas le vide. Le silence est la conscience de la présence.
C'est peut-être la raison pour laquelle je peux seulement écrire lorsque j'ai l'horizon devant les yeux.
p 62-63
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Epigraphe :
Comme l’eau, le monde coule à travers toi et pour un temps te pénètre de ses couleurs. Ensuite il se retire et te laisse encore seul avec ce vide que tu portes en toi. Nicolas Bouvier
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GLOUBINKA : le fin fond du pays, la Russie profonde. Le train n'y arrive pas, les avions n'y atterrissent pas, les correspondants de presse, russes ou étrangers, n'y vont pas. Si l'on considère l'immensité du territoire de la Russie, on peut dire que la gloubinka couvre quatre-vingt-cinq pour cent du pays. La méconnaissance de ce qui s'y passe a donné lieu à de nombreuses erreurs dans les pronostics politiques des soviétologues de Harvard ou de Varsovie, qu'on aurait pu croire très bien informés sur la Russie. Et même les Russes de Moscou n'ont aucune idée de la manière dont vivent leurs frères de Choïna, Maïda ou Taïvenga.
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D'après Rozanov, il a existé de tout temps deux Russie : la Russie des apparences (dans l'original, vidimost', à la fois le visible et l'apparence) – soit l'Empire, qui s'est moulé sur des formes extérieures et dont l'histoire a été écrite par des événements pourvus d'un début et d'une fin ; et la Sainte Russie, soit la Matiouchka, la "Petite Mère", aux lois incompréhensibles, aux formes floues, aux tendances incertaines – la Rous, la Russie kiévienne, au sang ardent et à la foi sans tache. Sur l'Empire on peut lire Karamzine, nous dit l'auteur de "Feuilles Tombées" ; quant à la Sainte Russie, on peut en entendre parler dans les skit, les ermitages des vieux-croyants. On parle haut et fort de l'Empire à Moscou et à Saint-Pétersbourg ; on parle de la Matiouchka dans les profondeurs du pays, dans un murmure.
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il répétait... qu'un ami de perdu c'était du temps de gagné.
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"Ne pourrions-nous admettre que le but de la vie consiste tout simplement
à voir ? "John Gray
.....dans les croyances primitives du Nord, les yeux étaient le germe de ce que les religions ultérieures il est convenu d'appeler l'âme. En eux s'allumait la force de l'esprit. Regarder était synonyme d'être.
Pour les animistes, chaque pierre, arbre, montagne ou rivière est doté d'une âme. Rien d'étonnant à ce que toute la nature nous regarde en silence. Combien de fois, roulant ma bosse sur les sentiers du Nord, ai-je eu l'impression d'être observé, comme si quelqu'un me regardait sans cesse, m'épiant d'un fourré, scrutant depuis les montagnes, regardant du fond d'un lac. Cette impression est encore renforcée par le silence exceptionnel de la nature du Nord, par son mutisme.
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Dès le début du SLON ("Direction des camps du nord à destination spéciale"), un cachot au régime très sévère a été créé sur le mont. Au mont Sékirny, on ne connaissait pas les peines de longue durée. Les cadavres étaient enterrés sur les versants du mont, dans les buissons de myrtilles. Il y pousse encore des fruits magnifiques...
... Nous empruntons l'escalier dans lequel on précipitait les zeka attachés à une poutre gelée. Au pied du mont se dresse une croix. Chaque année, au printemps, pour la Radonitsa orthodoxe, le jour des défunts, quand la neige est encore bourbeuse et que les oiseaux commencent à s'égosiller, les moines de Solovki célèbrent ici une panikhida (requiem) pour les victimes du SLON, brûlant de l'encens fait à partir de résine de sapin toute fraîche, qui dégage une fumée âcre ; on en a la tête qui tourne. p 53
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... si seulement on pouvait être un impressionniste avec les mots, ce sont justement les impressionnistes qui ont introduit dans la peinture ce regard neuf qui consiste à traduire, ou plutôt à transposer la lumière en couleur. Or, comment transposer la lumière dans la langue pour rendre ce chatoiement, ce frissonnement sur l'eau, ces méduses scintillantes, cette luisante de la toile d'araignée dans les roseaux, ces réverbérations de la lumière sur les pierres humides, cette brillance des feuilles et ces jeux du soleil dans les bouclettes de Martusza ? Les mots ne chatoient pas, ils sont immobiles. Comment écrire avec des mots la lumière de tes cheveux ? p 166
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Prologue
"Mon affaire, si je peux m'exprimer ainsi, c'est de poursuivre mon chemin, où que je sois." Kenneth White

Savez-vous ce qui distingue le voyageur du vagabond ? Eh bien, c'est que les routes du voyageur mènent toujours à un but, qu'il soit de découvrir les sources de l'Amazone, de livrer un "duel avec la Sibérie" ou de collecter des données sur la tribu Hutu ou sur le sexe thaï, alors que le but du vagabond, c'est la Route en soi. Si le voyageur finit toujours par revenir de ses voyages, le vagabond, lui, poursuit inlassablement son chemin. p 9
(....) Savez-vous ce qui distingue un récit de voyage d'un récit de chemin ? Le premier, d'après White, est une collection de verstes, une forme de tourisme culturel (une pincée d'histoire, un soupçon de cuisine, un brin de ceci, un rien de cela). Le second est du vagabondage au sens premier du terme. Vous écrivez sans jamais savoir où vous allez arriver ! Les récits de chemin n'ont ni début ni fin, ce sont les traces successives d'un seul et même chemin, dont le prologue apparaît parfois comme un épilogue, et l'épilogue comme un prologue.
p 16 17
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L'après-midi, nous avons vu la côte de Konouchine, en terre samoyède. C'est une "zone" interdite, un champ de tirs à destination spéciale. C'est là que retombent les éléments hors d'usage de Plissietsk, on tire là des engins balistiques depuis l'Extrême-orient, pour contrôler la justesse du tir. Toute la toundra est hérissée de débris de fusées ; ils ont parfois des dimensions énormes, on les voit de loin. De la science-fiction. L'an dernier, nous avons été arrêtés à Konouchine par un commando en hélicoptère, dix boït, dix combattants dont une femme, armés jusqu'aux dents... p 195
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