Mark Forsyth

La vérité est que, pour nous tous, le Noël parfait est celui de notre enfance, qui jamais ne reviendra. Il manquera toujours quelque chose à cette fête annuelle : preuve en est, la chaise vide à table du réveillon où quelqu'un avait coutume de s'asseoir… Moi aussi, je finirai par manquer à l'appel et vous aussi, chers lecteurs, ainsi que tous ceux avec lesquels nous nous sommes attablés cette année, jeunes et vieux. Et la fête continuera.

Il y a des choses que nous savons savoir.
D'autres que nous savons ne pas savoir. C'est à dire que nous savons ne pas savoir pour le moment.
Mais il y a aussi des choses que nous ne savons pas ne pas savoir. Des choses que nous ne savons pas que nous ne savons pas.

Cher lecteur, il me vient brusquement à l'esprit que vous pourriez croire que j'invente tout ceci au fil de la plume. Alors laissez-moi vous citer un petit extrait. Si vous arrivez à lire ce qui suit sans avoir besoin d'un remontant et d'un bon lit, vous valez mieux que moi : (...).

C’est ce moment de découverte, dans le fond de la librairie, quand votre main s’empare de ce drôle de petit volume, avec une drôle de petite couverture, et que vous vous dites : ‘Oui. Voilà ma prochaine lecture.’

L'ivresse et un nœud de contradictions parce qu'elle dit oui à tout. Elle peut-être l'instigatrice de la violence tout autant que de la paix. Elle nous fait chanter, et elle nous fait dormir. Pour les Grecs, elle donnait l'occasion d'éprouver la maîtrise de soi, pour les Vikings, elle était la source de la poésie - la bonne comme la mauvaise. Elle réjouit les rois et cause leur perte. Elle console les pauvres et produit leur misère. Pour les gouvernements, elle provoque des émeutes mais génère aussi des revenus. Elle est preuve de virilité et ruine de celle-ci, elle est outil de séduction et joyeuse matrone. L'ivresse est un fléau, un tueur et un cadeau des dieux. Elle est indispensable aux moines, elle est le sang du Christ. L'ivresse permet de faire l'expérience de dieu et l'ivresse est dieu. Voilà pourquoi nous n'y renoncerons jamais.

Les humains ne sont jamais satisfaits, et cela fait aussi leur gloire. Nous sommes toujours en quête de nouveaux océans à traverser, non parce que nous le jugeons nécessaire, mais parce que nous nous ennuyons. Nous aimons parler de vérité ultime, mais serions déçus d'en trouver une, parce qu'il n'y en aurait plus d'autres à dénicher. Nous aspirons un dieu que nous ne pouvons décrire, car la seule description qui nous vient à l'esprit à nous autres, humains, est celle d'un magicien particulièrement habile, et nous savons que dieu est plus que ça. Dieu ne saurait être ennuyeux. Les humains ne s'ennuient jamais lorsqu'ils sont ivres. Comme nous l'avons déjà vu, c'est encore William James qui l'a formulé le mieux : "La sobriété diminue, discrimine et dit non ; l'ivresse agrandit, unit et dit oui.

Or, même lorsque nous aurons troqué nos évidences annuelles pour des vérités éternelles, Noël persistera, parce que nous en avons besoin, parce qu'au-dessus de tout ce papier cadeau, nous faisons quelque chose d'important, quelle que soit la manière dont nous choisissons de le faire.

Malgré cela, on considère presque tous que l'Avent est le début de la saison de Noël, mais une fois encore, on se trompe. Selon le calendrier de l'Eglise, la période de Noël commence au crépuscule de la veille de Noël et dure pendant douze jours jusqu'à la fête de l'Epiphanie, qui célèbre l'arrivée des rois mages. Mais on peut aussi dire qu'elle se prolonge jusqu'au 2 février. Cela dépend du prêtre à qui vous demandez son avis et de l'intensité de son penchant pour l'encens.

Le papier d'emballage était une création française et, quand on y pense, il ne sert à rien, à part faire joli (j'ai précisé qu'il était français).

Il n'avait pas grand-chose sur quoi se baser mais, heureuse circonstance, il était complètement fou, ce qui est toujours d'une aide précieuse pour résoudre les problèmes obscurs.

Un arbre de Noël digne de ce nom devrait avoir un serpent au milieu de ses branches ; s'il n'en est rien, ce n'est pas un arbre de Noël digne de ce nom. Vous me trouvez peut-être bizarre, cher lecteur, mais c'est vous qui avez un arbre mort dans votre maison sans même savoir pourquoi.

Il fut un temps où Noël n'existait pas. Puis Jésus naquit à Bethléem et, après cela, Noël continua de ne pas exister - pendant des siècles.

Et le livre vous attend encore, le livre parfait, celui qui répondra à toutes les questions que vous ne savez pas poser. Il est sur l'étagère du haut, dans le coin, juste à portée de votre main avide. Ce qu'on ne sait pas ne pas savoir, qui attend comme un continent inconnu, juste au fond de la librairie.

Seigneur, délivre-nous de ce que nous savions déjà vouloir. Donne-nous de nouveaux désirs, et plus bizarres ils seront, mieux ce sera.

C'est la formule de base de tout roman. Au début, ils ne voulaient l'un de l'autre pour rien au monde, mais dans n'importe quelle ville de la Terre entière, ils devaient se rentrer dedans accidentellement.

Je viens de tenter ma chance [en ouvrant un livre au hasard] et je suis tombé sur la phrase : "Je suis un crétin sans intérêt et sans cervelle."
Ça me fait de la peine de le dire, mais la bibliomancie, ça fonctionne.

On éprouve toujours une étrange sensation quand on tombe par hasard sur une phrase. D'une manière ou d'une autre, elle prend un sens. C'est irrationnel, bien entendu, mais les êtres humains sont des créatures irrationnelles.

(...) à quoi bon satisfaire un désir que vous avez déjà ?

(...) la Bonne Librairie. Ça consiste en une pièce (ou deux) où tout ce qu'on ne sait pas ne pas savoir au monde s'étale sur des tables ou s'entasse dans des rayons. C'est une pièce (ou deux) où vous pouvez trouver ce que vous n'aviez jamais su vouloir, où vos désirs peuvent perpétuellement s'accroître.

Je n'aurais jamais su que tout cela existait. Assis derrière mon ordinateur, je n'aurais pas su le rechercher. Il me fallait aller dehors. Laisser entrer l'élément chance.