J’ai toujours fait preuve d’un manque de discernement affligeant quand il s’agissait de juger du caractère des autres. C’est, paraît-il, la plus charmante de mes vertus.
Et vous, qu'êtes-vous donc ? Artiste réputé et dandy raffiné le jour, mai la nuit tombée... gourgandin, sodomite et assassin !
Je devais admettre que c'était plutôt bien résumé.
Pour ceux d’entre vous qui ne sont pas au courant (mais où étiez-vous, enfin ?), je m’appelle Lucifer Box, artiste peintre, auteur occasionnel de mémoires croustillants et agent (très secret) au service de Sa Majesté. Je vous avoue volontiers (quoiqu’avec une pointe de tristesse) que ma carrière artistique était alors plus ou moins morte et enterrée. La mode, cette chienne sympathique mais inconstante, avait continué son chemin, et les fringants adeptes de la nouvelle école me regardaient d’un œil pour le moins suspicieux. Ringard, obsolète, d’avant-guerre (la Grande, s’entend, bien que je ne lui aie personnellement rien trouvé de majestueux)… Entre les Surréalistes, les Cubistes et les Quoiencoristes, il n’y avait plus guère de demande pour un portraitiste de génie comme moi. Oh, ne faites pas semblant d’être outrés ! La modestie, c’est pour les amateurs.
Une gueuse obèse et maquillée comme le galop d'essai d'un apprenti croque-mort entreprit de me faire de l'œil, mais je m'appliquai à examiner mes ongles jusqu'à ce qu'elle se lasse. Je n'ai guère de goût pour les gros et, chez une putain, je trouve que cela trahit un manque de conscience professionnelle.
À présent que j'avais gagné la confiance de Supple, il s'agissait de trahir celle des autres. Il fallait bien faire passer le temps.
Dans la touffeur de la nuit, je repris le chemin de Downing Street et lançai un joyeux "Bonsoir !" au garde en faction devant le numéro 10 avant d'entrer au numéro 9.
Vous allez sans doute me traiter de crâneur, mais après tout, il faut bien que quelqu'un y habite.
Il était américain, je n'avais donc d'autre choix que de lui tirer dessus.
Un long bain chaud suffit à me requinquer — à tel point que je finis par user de ma main droite pour évacuer un surplus d'énergie, tout en imaginant que c'était la douce Bella qui m'offrait ce plaisir.
Voilà qui était plus louche qu'une cuillère à soupe.
Je ne connais pas une seule belle fille qui n'ait pas un faible pour les marins. Heureusement, toutes les belles filles que je connais savent également apprécier le charme d'un agent secret, car je n'ai pas l'étoffe d'un loup de mer. Quelques jours plus tard, alors que les autres passagers de La Mandragore admiraient la baie de Naples, j'étais prostré dans ma cabine, une serviette humide enroulée autour de la tête, en grande conversation avec la cuvette des toilettes.