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Citations de Marlen Haushofer (339)


(p.98) Depuis quelques jours, il m'est apparu clairement que j'espère que quelqu'un lira ce récit. Je ne sais pas pourquoi je le souhaite, ça ne fera en effet aucune différence. Mais mon coeur bat plus vite quand je me représente que des yeux humains tourneront ces pages. Il est plus probable que ce seront les souris qui dévoreront cette histoire. Il y a tant de souris dans la forêt.
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Il était une heure quand j’arrivai au sentier qui traverse les pins nains et je m’assis sur une pierre pour me reposer. La forêt s’étendait en fumant sous le soleil de midi et de chauds effluves montaient des pins jusqu’à moi. C’est seulement alors que je pus voir que les rhododendrons étaient en fleur. Ils s’étiraient le long de la pente en un long ruban rouge. Tout était maintenant plus tranquille que pendant la nuit au clair de lune ; la forêt gisait, immobile, dans le sommeil, sous le soleil jaune. Un oiseau de proie tournait dans l’azur. Lynx dormait, les oreilles tressautantes, et le grand silence s’abattit sur moi comme une cloche. J’aurais aimé rester toujours là, dans la chaleur et la lumière, le chien à mes pieds et l’oiseau tournoyant au-dessus de ma tête. Il y avait longtemps que mes pensées avaient cessé, comme si mes soucis et mes souvenirs n’avaient plus rien de commun avec moi. Lorsque je dus me remettre en route, je m’exécutai avec beaucoup de regret et en marchant je redevins cette créature qui seule n’avait pas sa place ici, une créature humaine aux pensées confuses qui brisait les rameaux sous ses lourdes chaussures et se livrait à la sanglante occupation de chasser.
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Aujourd’hui cinq novembre je commence mon récit. Je noterai tout, aussi exactement que possible. Pourtant je ne sais même pas si aujourd’hui est bien le cinq novembre. Au cours de l’hiver dernier quelques jours m’ont échappé. Je ne pourrais pas dire non plus quel jour de la semaine c’est. Mais je pense que cela n’a pas beaucoup d’importance. Je n’ai à ma disposition que quelques rares indications, car il ne m’était jamais venu à l’esprit d’écrire ce récit et il est à craindre que dans mon souvenir bien des choses ne se présentent autrement que je les ai vécues.
Ce défaut est sans doute inséparable de tout récit. Je n’écris pas pour le seul plaisir d’écrire. M’obliger à écrire me semble le seul moyen de ne pas perdre la raison. Je n’ai personne ici qui puisse réfléchir à ma place ou prendre soin de moi. Je suis seule et je dois essayer de survivre aux longs et sombres mois d’hiver. Il est peu probable que ces lignes soient un jour découvertes. Pour l’instant je ne sais pas si je le souhaite. Je le saurai peut-être quand j’aurai fini d’écrire ce récit.
J’ai entrepris cette tâche pour m’empêcher de fixer yeux grands ouverts le crépuscule et d’avoir peur. Car j’ai peur. La peur de tous côtés monte vers moi et il ne faut pas attendre qu’elle m’atteigne et me terrasse. J’écrirai jusqu’à ce que la nuit tombe et jusqu’à ce que ce travail dont je n’ai pas l’habitude me rende somnolente, la tête vide. Ce n’est pas le matin que je crains, mais les longs après-midi ténébreux.

(Incipit)
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Lorsque j’étrillais Bella, je lui disais parfois l’importance qu’elle avait pour nous tous. Elle me regardait tendrement de ses yeux humides et essayait de me lécher le visage. Elle ne pouvait pas savoir à quel point elle était précieuse et indispensable. Elle était là, luisante, chaude et tranquille, notre grande et douce mère nourricière. Pour la remercier, je ne pouvais que la soigner du mieux que je pouvais, j’espère avoir fait pour Bella tout ce qu’un homme peut faire pour sa vache unique. Elle aimait que je lui parle. Peut-être aurait-elle aimé la voix de n’importe quel homme. Elle aurait pu facilement me piétiner ou me donner un coup de corne, mais elle me léchait la figure et enfonçait ses naseaux dans le creux de ma main. J’espère qu’elle mourra avant moi, car en hiver, toute seule, elle périrait misérablement.
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Les jours de pluie ou de vent, la chatte devient mélancolique et je tente de l’égayer. J’y réussis parfois, mais la plupart du temps nous sombrons toutes les deux dans un silence sans espoir. Il arrive qu’un miracle se produise : la chatte se lève, appuie son front contre ma joue et pose ses pattes de devant sur ma poitrine. Ou bien elle saisit l’articulation de mon doigt entre ses dents et s’amuse à me mordiller doucement. Ceci ne se produit pas très souvent, car elle est très avare de telles marques d’affection. Certains chants la jettent dans l’extase et elle passe voluptueusement ses griffes sur le papier qui bruisse. Son nez devient humide et ses yeux se couvrent d’un voile à l’éclat changeant.
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Cet été-là j’oubliai complètement que Lynx était un chien et pas un homme. Je le savais, mais cette différence n’avait pour moi plus aucun sens. Lynx aussi avait changé. Depuis que je m’occupais tellement de lui, il était devenu plus calme et ne semblait plus craindre que je m’évanouisse dans l’air dès qu’il s’éloignait quelques minutes. Quand il m’arrive d’y repenser, je me dis que l’unique terreur de sa vie de chien était d’être laissé seul. J’avais moi aussi appris sur lui une foule de choses et je comprenais presque tous ses mouvements et presque tous ses appels. Il avait fini par régner entre nous une tranquille compréhension silencieuse.
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Quelque chose qui avait été conçu avec soin et amour s'était développé et avait fini en catastrophe
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Quand j'échouais, c'était par ma propre faute et je ne pouvais en rendre responsable que moi seule
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Autrefois, bien avant qu'il soit question de mur, j'ai parfois souhaité être morte pour enfin être libérée du poids qui pèse sur moi
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Aujourd’hui cinq novembre je commence mon récit.
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Je n'ai jamais aimé le jour des morts. (...) Malgré le sens élevé qu'on a voulu donner à cette fête, la peur ancestrale des vivants pour les morts n'a jamais pu être extirpée. On fleurissait les tombes des morts pour avoir le droit de les oublier. Déjà, enfant, je souffrais de voir les morts si mal traités. Chacun aurait dû comprendre que ce serait bientôt sa propre bouche morte que l'on bourrerait de fleurs en papier, de bougies et de prières apeurées.
A présent, les morts pouvaient enfin reposer en paix sans être dérangés par (...) ceux qui s'étaient montrés coupables envers eux, ils reposaient en paix, recouverts par les herbes et les orties, transpercés d'humidité, dans le bruissement éternel du vent.
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C'était comme si les prairies de l'alpage flottaient sur les nuages, un bateau vert, brillant et humide voguant sur l'écume blanche d'un océan agité. Puis les vagues s'apaisaient lentement et les cimes fraîches et mouillées des pins en émergeaient.
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Quand mes pensées s'embrouillent, c'est comme si la forêt avait commencé à allonger en moi ses racines pour penser avec mon cerveau ses vieilles et éternelles pensées.
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Et aujourd’hui, après une longue série de veillées de Noël, je me retrouvais seule dans la forêt avec une vache, un chien et un chat, privée de tout ce qui avait été ma vie pendant quarante ans. La neige recouvrait les pins, et le feu pétillait dans le poêle et tout était comme cela aurait dû être dès le début.
Sauf qu’il n’y avait plus d’enfants et plus de miracles. Je n’aurai pas à courir les magasins pour acheter des objets inutiles. Il n’y aura pas d’immense arbre de Noël décoré qui dans la pièce surchauffée se desséchera lentement au lieu de verdir dans la forêt, pas d’anges dorés, et pas de doux lieder.
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Les humains sont les seuls à être condamnés à courir après un sens qui ne peut exister. Je ne sais pas si j’arriverai un jour à prendre mon parti de cette révélation.
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La Mercedes de Hugo est devenue un foyer confortable, chaud et abrité du vent. On devrait placer des voitures dans les forêts, elles font de bons nichoirs.
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Le passé et le futur baignaient la petite île de l’ici et du maintenant.
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Peut-être que les animaux vivent jusqu’à leur mort dans un monde de terreur et de ravissement. Ils ne peuvent pas fuir et doivent jusqu’à la fin supporter la réalité. Leur mort elle-même est sans consolation et sans espérance, une mort véritable.
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La prairie s’endormait lentement. Les étoiles apparaissaient et plus tard la lune se levait et inondait de sa lumière froide le pré. Toute la journée, je languissais après ces heures. C’étaient les seules où j’étais capable de penser sans me faire d’illusions et en pleine lucidité. Je ne cherchais plus un sens capable de me rendre la vie supportable. Une telle exigence me paraissait démesurée.
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Ce n'est pas que je redoute de devenir un animal, cela ne serait pas si terrible, ce qui est terrible c'est qu'un homme ne peut jamais devenir un animal, il passe à côté de l'animalité pour sombrer dans l'abîme.
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