Citations de Marlen Haushofer (339)
La promenade en traîneau
Aussi loin que remontent ses souvenirs, elle ne connaît que ce désir ardent et mal défini de chaleur et de bonté. Mais n'est-ce pas un peu léger pour pouvoir vivre ? (p. 61)
La promenade en traîneau
Mais cet autre homme, ce Michael, n'a pas, semble-t-il, changé sa façon de vivre. Il n'a l'air ni heureux ni malheureux, il ressemblerait plutôt à un arbre géant dont les souris grignotent les racines, sans bruit, inlassablement, nuit après nuit. (p. 55)
Le Legs
Quand le temps se réchauffa, je voulus, par un jour clair et sans vent, la porter dans le jardin mais elle me fit signe que non.
-Je n'en ai plus besoin, dit-elle. Quand je ferme les yeux, je vois le lilas, la viorne en fleur et les bourgeons des pivoines. Tu sais, Georg, si je meurs, je te fais don de mes yeux afin que tu apprennes enfin à voir. (p. 35)
Le Legs
C'était tout de même un merveilleux été !
Régine pouvait être d'une impétuosité fascinante. Je sentais confusément que mes baisers et mes caresses ne suffisaient pas à calmer sa soif de vivre. (p. 25)
Une agréable soirée
Elle était impressionnée. Pas tout à fait autant qu’elle feignait l’être, mais tout de même ! Elle aimait entendre dans sa voix-comme c’était le cas maintenant-ce ronronnement de matou satisfait . (p. 71)
La Blessure
Son malheur était de ne pouvoir s'enivrer réellement. Même quand ses jambes le lâchaient, ses pensées ne l'abandonnaient jamais tout à fait. Sa femme, elle, n'était pas à plaindre; elle était couchée et dormait. Pourtant...peut-être ne dormait-elle pas, peut-être pleurait-elle un peu. Il lui fournissait assez de raisons pour cela. Néanmoins son sort était enviable car elle l'aimait toujours et souffrait à cause de lui tandis que lui n'aimait personne et souffrait quand même; c'était une douleur en demi-teinte, harcelante, sans objet. (p. 80)
Le Legs
Je fus très mécontent, et honteux aussi, de constater qu'elle-une fille !- était beaucoup plus vive d'esprit que moi et qu'elle comprenait immédiatement l'essentiel des choses. (p. 23)
Les Hommes
Pendant soixante ans, la grand-mère n'avait entendu que des histoires de guerre et de chasse et maintes hâbleries typiquement masculines. Elle détestait la fumée de pipe, l'alcool et les cartes à jouer, en avait fait ses ennemis personnels, et elle était intimement persuadée que, dans l'histoire de l'humanité, les hommes en général s'étaient arrêtés à un degré d'évolution inférieur à celui des femmes. Aussi convenait-il de faire preuve d'une infinie patience à leur égard. (p. 108)
Le legs
Quand l'été fut revenu, je l'autorisai à aller s'asseoir dans le jardin. Je lui offris une grande boîte de crayons de couleur; elle en éprouva un bonheur d'enfant. Elle dessina tout ce qui lui passait devant les yeux. Les joues brûlantes, elle levait les yeux su moi et me montrait ses dernières oeuvres.
-La seule chose que je regrette, se plaignit-elle une fois, c'est que ces couleurs soient beaucoup trop ternes, elles devraient être plus ardentes, plus lumineuses, telles que je vois les choses. (p. 33)
La Nuit
Il n'aimait pas la nuit et savait qu'il fallait empêcher ce doute monstrueux de grandir car il détruirait sinon ce qui restait de sa vie. le père s'écarta prudemment du mur noir et pensa au jour à venir. Il fallait tailler les rosiers. Il aimait les roses et ne voulait pas cesser d'aimer. Epuisé mais souriant, il s'endormit. (p. 100)
La Blessure
Or, qu'y a-t-il de plus insupportable que de vivre avec quelqu'un que l'on a aimé et qui sait tout de vous ? il n'aimait pas que l'on sût des choses sur son compte. Cette fille et lui feraient très bien la paire; uniquement préoccupée d'elle-même, elle ne se soucierait jamais sérieusement de lui. (p. 81)
Le Frère
Etta ne trouvait pas cela particulièrement drôle, mais la pensée qu'un frère et une soeur fussent les parents les plus proches était nouvelle pour elle. Elle réfléchit et trouva que Franz avait raison. Cet étranger était son parent immédiat, et il se souvenait de choses qu'elle avait oubliées mais dont l'image devait se trouver ensevelie en elle. (p. 48)
La promenade en traîneau
Le lit dégage un parfum de linge frais. On peut poser la joue contre le bon lin et fermer les yeux. En ville, jamais le linge ne sent le soleil et l'eau de pluie. On ne trouve ce parfum qu'ici. (p. 61)
La promenade en traîneau
Sa voix trahit sa détresse. Il caresse maladroitement l'épaule d'Hedwig. Elle est émue par ce geste. Jamais elle ne pouvait lui résister quand il se montrait bon et aimable. Son aveu suscite en elle un sentiment de pudeur ; elle a l'impression d'avoir entendu des choses interdites. (p. 63)
Le legs
Le mois de juin passa. Vint le mois de juin. Régine commença à souffrir. Mais elle refusait toutes mes poudres et mes piqûres-Je veux tout éprouver, jusqu'à mon dernier souffle, disait-elle. Comprends-moi ! C'est la dernière chose que je pourrai ressentir et c'est encore de la vie ! (p. 36)
Le Legs
J'ai trente ans et trois jours. J'ai dormi trente ans, je vis depuis trois jours. (...)
Quand on attend l'âge de trente ans pour commencer à vivre, on n'a plus beaucoup de temps de se creuser la tête. J'ai une enfance et une jeunesse à rattraper; on admettra que c'est là une tâche considérable pour un être humain qui ne se sent pas encore bien solide sur ses jambes. (p. 19 )
La promenade en traîneau
-Tu as changé, Hedwig, dit-il en hésitant.
Six années sont un bail quand on vit en ville. Ici, rien ne change. Le temps nous absorbe insensiblement...(p. 57)
Aimer et prendre soin d’un être est une tâche très pénible et beaucoup plus difficile que tuer ou détruire.
Je restais couchée sur le banc et, les yeux fermés, je voyais à l’horizon des montagnes enneigées et des flocons blancs qui descendaient sur mon visage dans un grand silence lumineux. Il n’existait plus ni pensée, ni souvenir, rien que la vaste et silencieuse lumière de la neige. Je savais que de telles images étaient dangereuses pour quelqu’un de solitaire, mais je ne trouvais pas la force de lutter contre elles.
L’individu le plus abject est encore capable de plonger un chien dans le ravissement.