Les faits bruts que mes deux candidats me révélaient étaient éloquents. Les deux, traqués chacun à sa façon, avaient fui de cachette en cachette, d'un pays à l'autre. Ils avaient persévéré dans la recherche du seul but qu'ils pensaient compatible avec la dignité humaine.
J'allais bientôt me rendre compte que la plupart de ces exilés vivaient dans une zone d'ombre et d'illégalité. Indésirables et à peine tolérés dans les républiques libérales où leur fuite les avait conduits, ils étaient sans cesse sujets au caprice de quelque bureaucrate responsable des étrangers, ou bien se trouvaient dépendants du tour que pouvaient prendre les événements.
La nouvelle se répandit comme une trainée de poudre. Fry eut à peine le temps de se rendre au consulat américain que déjà les réfugiés s'infiltraient dans l'Hôtel Splendide puis se déversaient à flots pour le voir. Il renonça aussitôt à son projet initial d'acheter une bicyclette pour faire le tour de France à la découverte des planques des membres de l'intelligentsia européenne : ils étaient là dans le couloir, en train de toquer à sa porte.