Mathieu Laine : 26 romans pour mieux lire notre époque
Dès qu'on croit la liberté acquise, quand on s'endort dans son confort en finissant par l'oublier, la mépriser et parfois même la piétiner, elle finit agressée.
Quoi de mieux par ailleurs que l'Éducation sentimentale de Flaubert pour percer nos désirs révolutionnaires, La Colline inspirée de Barrès pour décrypter le réveil pétainiste, La Plaisanterie de Kundera pour toucher du doigt les dangers collectivistes, Lucien Leuwen de Stendhal pour saisir les limites de la démocratie, L'Argent de Péguy pour ne pas s'y soumettre, 1984 de Orwell pour détecter nos nouveaux Big Brothers, Big Mothers et autres Big Fathers, Complot contre l'Amérique de Roth pour lire les soubresauts trumpistes?
Tous ces livres auraient pu figurer ici.
Ce combat, celui de Golding, de Melville et de Joyce, doit devenir le nôtre, celui de ceux qui, en ces temps de recul contraint des libertés comme a pu l'être, faisant figure d'exception, une pandémie mondiale, ont davantage rêvé d'arracher leur masque que leurs œillères...
Car si Gary nous présentait un idéologue hypocrite, Golding un populiste manipulateur, Melville un illuminé, et Dostoievski un vrai tyran, ces personnages ne prospèrent que si nous acceptons de n'être qu'une compagnie des borgnes face à leur ascension. Ce refus actif de la servitude volontaire, c'est la tâche à laquelle nous invitent les dangers culminants de l'époque.
Parce que les grands romanciers sont des alchimistes à nul autre pareils. Parce qu'ils changent le plomb du quotidien, du trivial, de la petite et de la grande histoire en cet or si précieux, assailli, de toutes parts, que sont l'esprit critique, le recul et l'attention à l’autre.
Pour réussir une démarche transformatrice, il faut comprendre en profondeur ce qui fait notre spécificité en séquençant notre ADN à nul autre pareil. Toute autre approche orthogonale à la nature française, toute greffe plus ou moins brutale de modèles politiques extérieurs imposés par le haut sans tenir compte du temps long, de la transcendance qui s’impose à nos frêles mouvements, seraient vaines. Ce serait forcer un rond à épouser la forme d’un carré. La France est et demeurera, sans doute longtemps – certains diront éternellement – un Etat avant tout. L’Histoire enseigne, on l’analysera, que notre pays a même été un Etat avant d’être une Nation

Aucun, semblent soupirer les observateurs de notre temps. Déprimés, abattus, la plupart de nos essayistes, de nos intellectuels, mais aussi de nos entourages semblaient, jusqu’à il y a peu, condamner la France à un immobilisme éternel. Le destin de la France serait de ne pas se réinventer, et de « décrocher », par le poids d’un étrange déterminisme, jusqu’à mourir à petit feu.
Nous refusons ce fatalisme. Partout où sont des femmes et des hommes, il peut y avoir de l’action, de l’espoir, du progrès. Surtout – ne boudons pas nos qualités – quand les atouts sont ceux d’un pays tel que le nôtre, riche d’un héritage intellectuel, humaniste, économique reconnu dans le monde entier. Pour comprendre comment agir au mieux, nous avons choisi de remonter le temps. D’enquêter, sur plus de mille ans d’histoire française, pour mettre en lumière par quels mécanismes notre pays a pris l’habitude d’avancer, de se construire, de réagir aux événements.
« L’envie est au fond du cœur humain comme une vipère dans son trou. »
Honoré de Balzac.
[...] ce nouveau venu avait quelque chose de plus que lui : il savait écouter la musique, pire, il y prenait du plaisir.
« Les hommes ont tellement pris l’habitude d’obéir
à d’autres hommes, que la liberté est, pour la plupart
d’entre eux, le droit de n’être soumis
qu’à des maîtres choisis par eux-mêmes. »
Condorcet.
« Elément indispensable de la richesse des nations, l’industrie doit être étendue dans son action tout en étant limitée dans ses effets oppressifs. »