Tout le monde sait bien qu'un lieu n'a aucun intérêt tant qu'un homme blanc n'y a pas mis les pieds, ne s'est lié d'amitié avec les locaux, n'a goûté la cuisine traditionnelle, posé beaucoup de questions impertinentes, prit pléthore de notes dans son carnet Moleskine, et qu'il n'est pas rentré chez lui pour écrire sur le sujet.
Quand les femmes s'engagent dans un mouvement de protestation, il n'y a plus moyen de les arrêter.
En écrivant à l'heure du Printemps arabe, je m'attends à ce que tout le monde soit déçu par une phrase d'introduction qui ne contient aucune référence à une grenade, à une croisade, ni même au grand tabou souvent minimisé: le génocide. Faite maison, comme le commerce des esclaves, aussi cliché que possible, cette première phrase est censée décevoir pour battre en brèche l'importance considérable qu'on accorde aux démarrages en fanfare.
Le communisme est une maladie mortelle qui a infecté l'agriculture. C'est pire que le mildiou.
p. 101 Dans ma vie d’épouse, les moments les plus terribles sont les après-midis. Ils s’étalent et m’emplissent d’effroi. Je dois anticiper son retour. Je dois lui prouver que j’ai été bien occupée. Me voici engluée dans l’affolement, engluée dans un temps dont je ne peux me défaire par ma seule volonté, dont je ne peux rien faire. Les minutes enflent jusqu’à devenir des monstres informes.
A travers leur silence et leur immobilité, les après-midis commencent à susurrer l’idée du suicide. Vas-y maintenant. Ça ne sera pas douloureux. Ce sera terminé avant même que tu t’en rendes compte. Une partie de moi-même s’étonne de découvrir qu’au bout de quelques mois à peine, je doive jongler avec cette idée puis passer le reste de mon temps à la combattre. Quant il s’agit de choisir, j’oscille sur un pendule. Vivre. Mourir. Mourir. Vivre. Vivre. Mourir. Mourir. Mourir. J’ignore si je suis encore vivante. C’est le genre de vie qui ressemble à la mort.
Les gens utilisent la politesse comme un moyen mutuellement accepté de tromper l'autre afin que personne ne perdent la face. Traduction : dans la vraie vie, contrairement à une situation d'examen, aucun inconnu ne vous posera une question à laquelle vous aurez du mal à répondre.
En Inde, une épouse est brûlée toutes les quatre-vingt-dix minutes. Le temps qu'il faut pour préparer un petit dîner. Le temps qu'il faut pour faire la vaisselle. Une lessive. Pour se rendre au travail.
p.77 Reconstituer les évènements ne m’est d’aucun secours ….Je n’ai personne à qui raconter ce qui se passe dans l’intimité de cette maison. En ce moment, je ne suis même pas certaine d’avoir envie de raconter ce que je vis à qui que ce soit.
Comme j'ai pris du plaisir à vous balancer avec une certaine agressivité toutes sortes de procédés metafictionnels, j'en entends certains qui disent : mais qu'est-il arrivé aux règles du roman ?
Elles sèchent sur ma corde à linge,là bas.
Rester silencieuse, c'est censurer toute conversation. Gommer toute individualité. C'est un acte d'autoflagellation car les mots me rendent visite, m'inondent de leur présence, embrassent mes lèvres, refusent de se retirer de ma langue.