Citations de Melanie Raabe (83)
On se demande tout le long si l’auteur nous a également piégé. Rien de tout cela.
Beaucoup de longueurs cependant.
Je pense à Anna. Pas l’Anna angélique que j’ai inventée ces dernières années dans ma tête et dans mon livre, mais la véritable Anna, celle avec qui je me disputais et me réconciliais, celle que j’aimais.
Je pense à Lenzen, qui est mort et à qui je ne pourrai plus demander pourquoi il y avait des fleurs dans l’appartement d’Anna. S’il les lui avait offertes. Si elle aimait ses fleurs coupées à lui.
Je me dis que l’ancienne Linda, la Linda impulsive, le regarderait maintenant dans les yeux et poserait la main sur son bureau, la paume vers le haut, pour voir s’il la prend dans la sienne. Mais je ne suis plus cette Linda-là. Je suis une femme qui s’est tellement laissé intimider par la vie qu’elle n’est pas sortie de chez elle pendant onze ans. J’ai traversé bien des épreuves. J’ai vieilli et suis peut-être même devenue plus raisonnable. Je suis consciente que Julian a une vie dans laquelle je n’ai pas ma place. Je réalise qu’il serait égoïste d’essayer de m’y introduire.
Un piège est un dispositif servant à attraper ou à tuer.
C’est vrai, Anna était sans scrupule, vaniteuse et égoïste, mais aussi naïve, charmante et innocente. Anna pouvait parfois être incroyablement blessante, mais aussi altruiste et généreuse. Que j’aie parfois détesté Anna ne signifie pas que je ne l’ai pas aimée. C’était ma sœur.
Anna n’était pas parfaite. Ce n’était pas sainte Anna, mais juste Anna.
Le tueur a laissé des fleurs chez Britta ! Quel tueur normal, qui agirait sous le coup de l’émotion ou pour un motif crapuleux, dépose-t-il des fleurs près de sa victime ?
Demain est un autre jour. Ou bien, avec un peu de chance, il n’y aura pas de demain.
Le doute est comme une écharde qu’on n’arrive pas à attraper. C’est affreux, quand quelque chose de ce genre détruit une famille.
Je ne tire pas, mais la simple vue de l’arme a sur Lenzen le même effet que si je l’avais fait. Il est complètement pétrifié, comme mort, et me fixe d’un regard vide. Je resserre les doigts autour de la crosse, l’arme pèse lourd. Je fixe Lenzen, il me fixe. Cille. Comprend. La table à laquelle nous sommes assis vient de faire un virage à cent quatre-vingts degrés.
— Mon Dieu, dit-il, la voix tremblante. C’est… (Il avale sa salive.) C’est un vrai ?
Je ne réponds pas. Je ne réponds plus à aucune question. La situation est désormais critique. Il n’est plus temps de penser à un dénouement propre, élégant, avec des échantillons d’ADN ou des aveux volontaires. Je n’emploie pas le terme « critique » à la légère. Je suis prête à me salir les mains. Plus de pourparlers, plus de petits jeux.
Ma peur est une fontaine profonde dans laquelle je suis tombée. Je flotte dans l’eau à la verticale et cherche le fond du bout des orteils, mais il n’y a rien, rien que l’obscurité.
— Je dirais qu’une de mes forces est ma grande capacité à me mettre à la place de tous mes personnages, dis-je évasivement. Selon moi, toutefois, Sophie est tout sauf brisée. Elle a failli s’effondrer suite à la mort de sa sœur, c’est vrai, mais au bout du compte, elle s’est reprise afin de confondre l’assassin, et elle a fini par y parvenir.
Il est hors de question que je révèle mes points faibles à un meurtrier. Je pourrais mentir, mais je crois qu’il est plus judicieux de jouer les célébrités collet-monté.
J’ai beaucoup de contacts sociaux, et même si tout le monde ne peut pas venir me rendre visite en permanence, il existe de nos jours suffisamment de possibilités pour rester en rapport avec les gens sans avoir de contacts personnels constants.
Le monde devient soudain tout petit et, un jour, on finit par avoir l’impression que sa propre tête est le monde, et qu’il n’y a rien au-delà. Tout ce qu’on voit par la fenêtre, tout ce qu’on entend, la pluie battante, les chevreuils à la lisière du bois, les orages de chaleur au-dessus du lac, tout cela semble terriblement éloigné.
Le corps d’une femme de la taille de ma sœur contient à peu près 5 litres de sang. Quand la perte de sang atteint 30 %, le corps passe en état de choc. La circulation ralentit afin de faire diminuer la vitesse à laquelle le sang jaillit de la blessure et de réduire les besoins du corps en énergie et en oxygène.
Ma sœur s’appelait Anna.
— Vous ne faites donc pas partie de ces auteurs qui doivent lutter à chaque phrase ?
Quand nous étions petites, j’étais jalouse de son prénom qu’on pouvait lire dans les deux sens ; elle en était très fière.
Écrire, pour moi, c’est comme prendre une douche ou me brosser les dents. Oui, on pourrait presque dire que cela fait partie de mon hygiène quotidienne. Si je n’écris pas, j’ai l’impression que tous les pores de ma peau se bouchent.
Le monde est plein d’histoires. Il suffit de garder les yeux ouverts. Et puis, je suis évidemment très reconnaissante aux moyens de communication et aux médias modernes, qui me permettent de faire entrer le monde dans ma maison.
L’écriture est pour moi une manière de m’octroyer de petites fuites. J’avais tout bêtement envie d’essayer quelque chose de nouveau. Je comprends, bien sûr, qu’une personne appréciant mes livres précédents puisse être étonnée par cette nouvelle direction, mais j’avais vraiment besoin de ce changement de décor littéraire.
Britta Peters, vingt-quatre ans, graphiste dans une start-up, célibataire, en bonne santé. Tuée de sept coups de couteau. Pas de motif sexuel. L’arme du crime, sans doute un couteau de cuisine : disparue. Tout cela sentait à plein nez la dispute avec quelqu’un qu’elle connaissait, un subit accès de fureur, un acte irréfléchi sous le coup d’une colère brusque et peut-être évaporée aussi vite. Le partenaire. Quand une chose pareille se produisait, c’était toujours le partenaire. Le grand inconnu n’existait que dans les films. Et pourtant, la sœur de la victime était convaincue de l’avoir vu. Et elle jurait, tout comme d’ailleurs le reste de l’entourage de Britta Peters, que celle-ci était célibataire et que, après une rupture douloureuse, elle n’avait pas la tête à faire des rencontres et ne pensait qu’à son travail.