Mélanie Rafin

J’en ai marre d’enchaîner les nanas. La dernière en date a quand même réussi à me tromper avec mon meilleur pote. Je ne peux pas dire que je m’éclate dans cette existence. Lorsque je vois tous mes amis casés et avec des bébés, je commence sérieusement à me dire que ma vie ne fera plus rêver personne quand j’aurai passé les 40 ans.

J’en voulais tellement à Michel. Je ne pensais qu’à me venger de lui et de cette femme qui me l’avait pris. Elle était enceinte. Je crois qu’à l’époque j’ai espéré que l’enfant naisse malade. Je me consumais dans la rage, l’humiliation et la souffrance. Je n’ai tenu compte de cette nouvelle que pour solliciter ton analyse génétique auprès de mon médecin. Les résultats confirmaient que tu étais porteur sain de cette mutation. Je me suis énormément documentée. J’ai interrogé plusieurs spécialistes. Tu ne risquais aucunement de transmettre cette maladie à ta descendance si la mère de tes enfants n’était pas également atteinte. Cette anomalie demeure rare.

C’est fou, le pouvoir de la nuit. Dans le noir, on se croit toujours invincible. Je me suis transformée en Kate Winslet. En me réveillant le matin, Kate s’était sérieusement éloignée. Jean-Claude Duss est arrivé pour me rappeler : " Oublie que t’as aucune chance, vas-y, fonce : on sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher ! ."

J’ai enfin pu me libérer de toute la pression que je subis actuellement. Pendant une heure, je n’ai été qu’une femme séduisante en train de ricaner aux moindres mots d’un beau parleur. Cela m’a fait un bien fou. Je suis restée plus qu’évasive sur ma vie de couple. En même temps, il ne m’a pas demandé grand-chose. Je dirais qu’il s’en tape royalement.

J’avais oublié depuis le temps le sentiment que l’on ressent lorsqu’un homme nous flatte. Il est célibataire et sans enfant. Monsieur est devenu gérant d’une société de réparation de vélos. Il ne s’est absolument pas intéressé à ma vie de maman. Quand j’y pense, je crois d’ailleurs qu’il ne m’a même pas demandé le prénom de mes fils. Mais cela ne m’a pas dérangée. Pour une fois, j’ai pu draguer, jouer et séduire sans me rappeler que de nombreuses obligations m’attendaient, sans contraintes. J’ai aimé le magnétisme de sa voix. Il m’a captivée alors qu’honnêtement, je ne suis pas persuadée que ses paroles m’intéressaient.

Mon petit n’a pas atteint les cinq mois, je vais lui fabriquer un frère ou une sœur avec un nouveau papa et nous vivrons tous en harmonie. Cela dit, au moins, je n’ai pas eu l’impression qu’il n’en avait qu’après mon fessier. Sa réaction paraît cohérente, vu qu’il n’a connu que mes attributs d’adolescente.

Je rêve d’être mère, mais ce ne sera pas avec toi. Je suis désolée. J’admets que ta froideur et ton changement d’attitude après mon refus de faire un bébé m’ont aidée. Je savais que je devais te quitter, mais je souffrais trop. Ton éloignement, ta fuite, tu appelles cela comme tu veux, m’a permis d’y voir clair. Tu ne m’aimais pas assez pour que je te sacrifie mon désir d’être mère.

Quitter une femme ne représente pas une partie de plaisir, mais en présence de sa famille, cela me semble hors de propos. Cette fois, je reconnais sa voiture garée devant la maison. Sa mère m’accueille sans un mot et appelle Virginie. Je me sens très mal à l’aise.

Une femme peut-elle s’attacher à un enfant né d’un viol ? Je ne connais pas la réponse. Elle l’a rejeté et cet enfant, Pierre, a vécu une existence sans amour. Ce mauvais départ dans la vie l’autorisait-il pendant la Seconde Guerre mondiale à se transformer en bourreau ? Une jeunesse malheureuse représente-t-elle une circonstance atténuante à sa plongée dans la délinquance, la collaboration et l’enrichissement aux dépens des juifs ? Je n’ai pas vécu cette époque, mais je me permets d’en douter.

Malgré un passé très lourd, j’ai essayé d’être une bonne mère pour toi. Je t’aime plus que ma propre existence et je crois avoir réussi à te rendre heureux. Tu as 25 ans et je souhaite de tout mon cœur que tu rencontres une charmante épouse qui saura t’apporter du réconfort.

Avant de te quitter, j’ai besoin de t’ouvrir mon cœur. Je t’ai beaucoup menti par le passé pour te protéger de la noirceur de ce monde.

J’espérais y découvrir, caché derrière les beaux volumes, une petite trappe qui m’aurait permis d’atteindre un hypothétique trésor. À aucun moment, je n’ai pensé que ce que je cherchais pouvait être incorporé aux livres. Je me précipite et je monte au pas de course jusqu’à la bibliothèque. Face aux étagères je me refrène. Si cette clé déverrouille bien un livre, il ne se trouve pas dans le bureau, je l’aurais repéré. Ce qui veut dire que mon grand-père l’a probablement mélangé sciemment parmi des ouvrages similaires. Je suis tenté d’imaginer un volume en cuir ancien.

J’ai envie de la revoir et j’ai envie de plus avec elle. Elle a raison, peut-être a-t-elle beaucoup changé et ne m’attirera-t-elle pas ? Je n’arrive pas à l’imaginer. À 14 ans, je l’ai aimée et ce n’était pas uniquement lié à son physique. Ce qui me manque dans les relations que j’ai connues depuis se niche dans la complicité que j’avais avec Céline. Je ne l’ai plus jamais ressentie. Je suis vraiment un imbécile. En voulant à tout prix appréhender sa situation familiale, j’ai gâché notre conversation.

J’aime tes doutes, ils m’ouvrent une petite porte. “Tu te tritures le cerveau et tu ne sais pas ce que tu attends de moi”, je suis tout à fait disposé à t’aider à y voir plus clair.

J’ai rayé Céline de mes pensées : aucune nouvelle depuis treize jours, je lui ai fait peur. De toute façon, cette femme ne fait pas partie de ma vie et mes choix ne peuvent pas en dépendre. J’ai décidé de l’oublier. Je vivais très bien sans elle, je continuerai.

Je rêve de revenir à l’époque de mon adolescence où je ne devais me préoccuper que de mon seul bonheur. J’ai un besoin vital de légèreté. Sur un coup de tête, je décide d’envoyer mon numéro de téléphone à Julien et à Antoine. Après tout, quoi de mieux que des amours de jeunesse pour me permettre d’oublier les responsabilités beaucoup trop lourdes pour ma petite personne que je porte actuellement ?

J’ai besoin d’air et de solitude. Je n’arrive pas à trouver l’échappatoire idéale. Le problème me semble insoluble. J’ai beau tenter de démêler mes réflexions, un unique paramètre m’apparaît : mes enfants ne pourront pas vivre heureux et se construire sereinement si leur maman traîne son malheur. Je dois me ressaisir. Ma responsabilité de femme consiste à cesser de tergiverser et à prendre une décision. Je dois arrêter de chercher la solution parfaite. Elle n’existe pas.

J’ai passé mon existence d’adulte à chercher un rocher sur lequel m’accrocher. J’ai effectué tous mes choix de vie dans l’unique but de trouver l’équilibre et la sécurité qui m’ont tant manqué dans ma jeunesse. Comment réagira Nicolas si je parle de divorce ? Sa progéniture ne l’a jamais beaucoup intéressé. Mais je crains qu’il veuille me convaincre de ne pas le quitter en se servant d’eux. Il sait à quel point j’ai mal vécu les allers-retours dans mon enfance. J’ai toujours dit que je ne leur imposerais jamais les mêmes contraintes.

Finalement, la solution réside peut-être dans la résilience. Je dois retourner avec mon mari telle une bonne épouse parfaite. Je ferai comme la plupart des couples et je le fuirai quand mes bambins auront grandi. Youhou ! Je signe indéniablement pour une vie magique et pleine de surprises. J’ai l’impression de devoir choisir entre la peste et le choléra.

Je ne veux pas que mes enfants subissent la même vie que la mienne lorsque mes parents ont divorcé. À mon sens, le bien-être et le bon plaisir des géniteurs président souvent à l’instauration de la garde partagée ou encore à l’organisation d’un week-end sur deux. Dans ces deux cas, le bonheur des bambins ne se situe absolument pas au centre des préoccupations. Je ne peux pas infliger cela à mes petits. Cette sensation permanente de ne jamais disposer d’un « chez-soi », ou plutôt d’être arraché tous les quinze jours de son nid douillet, ne permet pas à un enfant de se construire sereinement.

Pour me réapproprier ma féminité, comme tu le dis si bien, je rêvais simplement que mon mari me cajole et me séduise. Qu’en penses-tu ? Je ne vois plus dans tes yeux cette admiration que je retrouvais chaque fois que tu me regardais avant. Je n’y lis plus que du mépris, voire du dégoût. J’ai l’impression que nous ressemblons à tes parents, qui restent ensemble par habitude. Je nous imaginais tellement loin de la banalité de notre situation actuelle. Je nous pensais invincibles.

Le fait que mes enfants représentent désormais ma priorité envers et contre tout s’est inscrit encore plus comme une évidence. C’était vital.