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Critiques de Michel Deguy (13)
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Hériter, et après ?

Réunir une flopée d’intellectuels et développer une notion, c’est le pari de ce livre. Réussi car s’appuyant sur une rencontre nommée Forum Philo ayant eu lieu en 2016 et réunissant ces contributeurs et bien d’autres sans doute... C’est donc bigrement intéressant, profond comme on peut s’y attendre, même si le niveau et l’intérêt que l’on peut porter à certains apports s’avèrent inégaux. Un petit trait d’humour : il manque juste la vision d’un économiste pour circonscrire entièrement le périmètre de l’analyse. Un Piketty ayant de remarquables idées sur la question aurait clôt l’affaire. Mais il est vrai que le focus de cet essai se situe plutôt du côté culturel et civilisationnel.

Du « legs » inquiet de Renouard pour qui la langue est primordiale : « à chaque fois que nous perdons une forme, un temps verbal, nous perdons une nuance dans la façon de dire le monde ; à chaque fois que nous adoptons sans examen un mot de l’anglobish, nous diminuons la capacité d’invention de la langue, qui est notre principal et plus précieux héritage, puisque c’est par lui que nous pensons » à l’engagement culturel de Chantal Del Sol : « Les théories postmodernes de l’individu sans héritage ne valent même pas la peine d’être récusées, tant elles sont hors-sol, et discourent sur un monde qui n’existe pas. La récusation de tout héritage particulier pour gagner la liberté entière (par exemple : nous ne lui apportons aucune croyance, il choisira quand il sera grand) est un leurre manifeste. L’enfant apprend à aimer à travers l’amour imparfait qu’il porte à ses parents, il apprend à croire en adhérant pour commencer aux croyances de ses parents, il apprend à parler à travers la langue dite maternelle, etc. Tout apprentissage se réalise à travers un héritage particulier, donc imparfait, partiel et partial, subjectif. »

en passant par Mona Ozouf et la révolution française qui souligne que « la nation est faite de la longue sédimentation des habitudes communes » ainsi que la très belle interrogation de Anne Cheng sur le cas contemporain de la Chine : « sur l’ère actuelle de la prétendue « post-modernité », force sera de constater que l’opération en cours de réappropriation du passé et d’invention d’une « spécificité chinoise » sert en réalité à entretenir l’amnésie d’un passé récent » , ce tour d’horizon des différents questionnements relatifs à ce que nous sommes, à ce que nous souhaiterions que nos enfants soient, aux systèmes d’organisation pouvant permettre cette dualité du passé/futur émancipatrice est vraiment très bien questionné ici.

La conclusion est laissée à Pierre Rosenvallon qui rappelle fort à propos : « L’Europe a été le continent des totalitarismes. Réfléchir à la démocratie, c’est donc réfléchir à cet héritage problématique, tant à cause du flou de ses définitions que du fait de ses perversions. Cela veut dire une chose fondamentale : personne ne possède l’idée de démocratie. Personne ne peut dire : je sais ce que c’est que la démocratie. ». Pour éviter le piège de la dictature, qui naît bien souvent d’une mauvaise interprétation de l’accomplissement ultime de la démocratie, Pierre Rosenvallon met en garde « Si on veut être un bon « apprenti » en démocratie, il faut donc être extrêmement vigilant et comprendre qu’une critique, même radicale, doit aller de pair avec la reconnaissance du fait que c’est à l’intérieur de ce système qu’il faut travailler et non pas contre lui. »

A bon entendeur salut !

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Cent ans passent comme un jour : Cinquante-..

J'ai trouvé ce recueil ( publié en 1997) dans une boutique de livres d'occasion. le titre est bien sûr une citation d'Aragon, puisqu'il s'agit, Marie Etienne nous l'explique dans la préface, d'écrire autour de lui: " Jouons avec vos mots, faisons les nôtres ". Je pense que cette démarche aurait plu au poète, qui dédiait souvent ses textes à d'autres auteurs. Et c'est aussi un clin d'oeil à ce centenaire écoulé depuis sa naissance, en 1897.



Cinquante-six poètes ont donc participé à cet écho collectif aux mots d'Aragon, qui apparaissent en italiques, mais ne sont pas toujours utilisés, chacun faisant ricocher à sa façon son ressenti aragonien.



Le mien est mitigé : certains textes, notamment ceux de Xavier Bordes , de Martine Broda, de Nedim Gürsel ( un auteur turc que je ne connaissais pas, une biographie est heureusement donnée à la fin), m'ont beaucoup plu. Par contre, pour d'autres, soit je les ai trouvés hermétiques, soit ils m'ont paru bien éloignés du sujet, ou sans intérêt.



C'était prévisible car confier à tant d'auteurs ce " jeu" donne forcément un résultat hétéroclite. On trouve un extrait de pièce de théâtre, de la prose qui ressemble à un journal intime, mais évidemment surtout des poèmes. C'est original, déroutant car manquant d'unité. A tenter, peut-être...



Je conclurai avec ces mots d'Andrée Chedid:



" Des incendies de l'Histoire

de l'absence enténébrée

Emerge la voix d'Aragon

Sacre de l'avenir et de la parole

Evoquant Paris son Paris

Notre ville

Sa poésie"
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Le comité

Écrit au vinaigre, le récit de la traumatisante expérience de ce pauvre Michel Deguy au sein de l'affreux comité littéraire de Gallimard, peuplé, à l'en croire, d'incompétents, de snobs et d'arrivistes, bien incapables de rendre justice à l'incontestable talent et aux compétences innombrables de monsieur Deguy.

En refermant ce pamphlet fielleux, on se prend à admirer la patience des membres dudit comité et à se demander pourquoi ils n'ont pas plus tôt foutu dehors ce triste personnage.
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Figurations

C'est toujours une démarche particulière de revenir vers la poésie de Michel Deguy. Je le retrouve ici au travers d'un de ses premiers recueils qui a été publié en 1969, Figurations.



Complexe, resserrée, arythmique, … chez Michel Deguy, la poésie est comme un lieu où convergent tour à tour la parole, sa polysémie et ses sonorités, un lieu que l'auteur vient inlassablement occuper et (re)penser. Son oeuvre, pas toujours simple d'accès, est sans cesse agitée par les interrogations du temps présent, par les dommages qu'une culture de plus en plus mondialisée fait subir à notre langue, avec une usure lexicale qui se fait de plus en plus apparente.



Dans Figurations, les textes en prose se nourrissent tour à tour de voyages, de souvenirs, d'impressions, d'un savoir aussi mais sans réelle concordance entre eux. À la lecture, le sens se dérobe souvent, quelques lignes laissent parfois entrevoir un rythme, une image, un récit en train de se former mais tout se suspend rapidement.



Michel Deguy s'est toujours voulu en marge d'une vérité médiatique et d'un discours égalisateur. La poésie selon lui ne peut ignorer ce qui est différent, ce qui est autre. La poésie a pour elle cette hospitalité, cette générosité qui construit le commun sur la différence, sur l'improbable.





« […] tâches aveugles qui soumettent la pensée les mots repris comme l'os que le chien tord et reperd acharné ; avec et contre lesquels la pensée s'ébranle et remonte, en finir avec eux serait mieux, cela clôturerait un âge, mais

elle se

remonte elle-même vers son amont à petits tourbillons autour de ces mots-là. Elle voudrait en avoir son coeur net, elle s'étourdit, elle parle, qu'elle ne sait rien d'eux, sur eux, mais par eux, elle attend qu'ils se trahissent, se démasquent et alors sautant dessus elle saura, saisira, se (re)connaîtra, gagnera vers son amont. »





La poésie de Michel Deguy s'éprend sans cesse de liberté, de démesure, de savoir et de conviction. C'est ce qui la rend si étrange mais aussi si essentielle.



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Oui dire

Poète, philosophe, essayiste, traducteur, fondateur de la revue Po&sie, Michel Deguy est à l'instar de Philippe Jaccottet et d'Yves Bonnefoy un des plus grands poètes contemporains de langue française.



Disparu en février dernier, il laisse derrière lui une œuvre foisonnante (son premier recueil date de 1973) et très singulière.

Pour Michel Deguy, ce qui est constitutif de la poésie c'est le lien indispensable entre le penser, le parler et l'écrit. Toute son écriture est une tentative de réhabilitation de ce lien perdu, disloqué par l'époque contemporaine, une réaction à une marginalisation de la parole, de l'imaginaire et du sens. Sa poésie se veut comme une vigilance, une attention portée à la vie, aux choses simples, une méditation faite de lieux, de temps et de liens entremêlés.



Ouï dire est un des recueils les plus significatifs du style de Michel Deguy. Paradoxe, dès les premières pages, la réhabilitation du lien entre le penser, le parler et l'écrit ne semble pas aller de soi. Le poème apparaît ici comme une suite d'images sans lien entre elles, créant comme des dissonances, une expression un peu confuse. Quelque chose éveille cependant la curiosité. Il faut patienter, revenir au texte, l'interroger.

Comme dans le détail d'un tableau sur lequel notre regard se pose pour ensuite regarder toute l'œuvre du peintre, il nous comme faut remonter le long du poème pour le saisir dans tout son espace, dans son intentionnalité.



Ainsi dans les poèmes de Michel Deguy, le lecteur doit venir prendre sa ration de belles choses à savourer, à éprouver, dans une lecture qui ne soit pas (ou plus) passive, réflexive mais plus spontanée, plus instinctive, plus libre.



Toute pensée, toute écriture, toute création possède plusieurs significations, demeure chargée de mystère, n'est jamais définitive, elle est en perpétuel mouvement. De même, les poèmes de Michel Deguy, souvent équivoques, ne sont jamais fermés sur eux-mêmes. Ils sont ouverts à l'imaginaire, à la sensibilité de chacun. C'est ce qui m'a plu de comprendre, de percevoir dans l'écriture de Michel Deguy.



Sa poésie (comme celle de beaucoup d'autres auteurs) invite aussi à se garder des visions un peu trop restrictives que l'on peut avoir de la poésie, du rôle que l'on veut lui assigner, de ce qu'elle doit forcément être pour être reconnue.



" L'arbre éclaire les tempes du ciel

Le cheval engloutit la source

La couleur prend sur les animaux

Laissant l'homme



Ma vie

Le mystère du comme



Puis l'ombre se fait lumière "

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Donnant Donnant : Poèmes 1960-1980

Michel Deguy est un poète des lieux géographiques, il décrit remarquablement " l'âme" des paysages : les chemins, les fermes, les forêts, les animaux, les bruits, les odeurs, les saveurs. Il célèbre un monde paisible, tellurique, virgilien même, empli de beautés sereines.

Le langage quasi classique est épicurien, sensuel. Il aspire à un absolu poétique dans la spontanéité de l'instant.

Une poésie étincelante.
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La Raison poétique

Peut être, est ce parce que j'ai écouté cet auteur en direct dans une émission de radio, et que son livre m'a été offert, que je me suis mise à le lire, pensant que ce n'était pas mon genre de lecture. Je suis tombée des nus, sur ses propos si profonds au sujet de l'oxymore, que j'ai ressenti une forme de ressentiment, de l'inacceptable à l'acceptable, à travers les mots, dont l'idée ne précède pas la pensée.
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Le sens de la visite

j'en suis à la page 218 sur 353

j'abandonne

je n'ai pas de temps à perdre inutilement

je passa au livre suivant

l'auteur nous perd dans son écriture avec des mots complexes et des références hors sujets pour aboutir à des évidences basiques .

je pense qu'il fait partie de la vielle école de la poésie et qu'il n'est pas trop dans la mouvance actuelle.

il se peut que je lise quelques poèmes de lui pour savoir ce qu'il en est.

le tord que j'ai eu c'est d'avoir ouvert ce livre sans connaitre sa poésie juste son nom .
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Le sens de la visite

Un poète philosophe ou l'inverse c'est trop rare pour ne pas être glorifié.En plus chaque phrase est un éblouissement ,même et surtout quand il faut la relire ,le plaisir s'accroît en chacune .C'est raffiné,jamais précieux ;subtil,jamais pédant;pas plus sérieux qu'il n'est nécessaire.Le parfait livre de chevet pour s'endormir l'esprit repu et se réveiller l'oeil ouvert!L'émoi des mots.
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Tombeau de Du Bellay

La dénonciation du structuralisme est jouissive (pp. 117-120), mais pour le reste, Deguy oscille un peu entre la salade de mots et le sens de la formule ("tout objet de l'espoir s'est mué en la fable de son évanouissement" p. 31).
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De l'illisibilité

court et dense - leste et exigeant une lecture attentive - histoire, position s'achevant en mini-pamphlet de la "modernité" de la poésie et de son illisibilité supposée
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Donnant Donnant : Poèmes 1960-1980

J'adore
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Hériter, et après ?

La question de la « transmission » et de l’« héritage » revue par les intervenants du Forum Le Monde-Le Mans de 2016.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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