Depuis les attentats de Paris, Bruxelles etc. on peut se poser la question : est-ce que la situation est nouvelle ? Ou la même, aggravée ?
En principe, une excellente question, mais la réponse est, malheureusement, une autre paire de manches.
Je dois avouer que ce petit opus de 54 pages m'a fort déçu. Il contient certainement quelques idées intéressantes, mais souffre, à mon humble avis, vraiment de trop d'exercices cérébraux sophistiqués qui n'apportent guère d'éléments tangibles pour combattre efficacement les excès de ces 2 phénomènes. Un peu l'art pour l'art : jongler avec des notions et des termes, en les confrontant à leurs opposés, sans beaucoup de regard pour leur portée dans la réalité que nous voyons et vivons.
Je ne vois, en effet, pas très bien en quoi des considérations du genre : "capitalisme et djihadisme sont l'un et l'autre une variante du puritanisme..." ou "...la passion ascétique (le djihadisme) est manifeste, la passion narcissique (le capitalisme) moins", sont susceptibles de nous aider dans notre propre réflexion ?
Autre exemple, à la page 27 : "...la passion narcissique serait par le fait 'progressiste', quand le puritanisme qui l'anime et la nourrit est réactif ou régressif aussi, comme l'est celui qui anime et nourrit la passion ascétique " ? Là, je marque un grand point d'interrogation sur l'utilité de telles élucubrations. Cela me fait penser un peu à la chanson de Dalida "Paroles et paroles et paroles", dans un tout autre contexte... évidemment.
Je me demande comment un Descartes ou un Kant auraient réagi face à de telles finesses ?
J'aurais préféré une approche un peu moins abstraite, donc davantage concrète. Le financement de mosquées par l'Arabie saoudite et certains émirats du Golfe persique par exemple. Car il s'agit, bien entendu, de beaucoup plus que de la construction de bâtiments à vocation religieuse, d'un point de vue esthétique plus ou moins réussis, c'est avant tout l'infiltration d'ulémas, imams, muftis et cadis radicaux. Un moyen pour ces États de se débarrasser de leurs éléments dangereux en finançant gentiment leur départ en Occident. Une politique que surtout l'Arabie saoudite pratique déjà depuis des lustres. Al Quaida et Oussama ben Laden en sont les exponents les plus extrêmes, mais l'influence d'illustres inconnus wahhabites et salafistes chez nous, particulièrement sur les jeunes, ne devrait pas être minimalisée.
Comment réagir contre ces menaces dans nos sociétés occidentales, où la liberté de croyance et de religion sont garanties par nos constitutions (ce qui n'est pas le cas dans la plupart de ces pays) ? Et sans tomber dans les pièges d'une réaction exagérée ou excessive, du type populisme pénal ?
À ces questions essentielles cet ouvrage ne propose pas de réponses. Pas plus, d'ailleurs, qu'au capitalisme à outrance de certaines multinationales et banques internationales qui se permettent un peu n'importe quoi, comme les "Panama Papers", 2ème version, vient de démontrer.
Décidément Michel Surya, le grand spécialiste pourtant méritant de l'oeuvre de Georges Bataille, ne sera jamais mon guide spirituel. Son "L'éternel retour" est un des rares livres que j'ai lus ces temps-ci et duquel je n'ai pas éprouvé l'envie de présenter une chronique, ne voulant pas être trop négatif. Apparemment je ne suis pas un cas isolé, car ses 19 oeuvres sur Babelio n'ont récolté en tout et pour tout que 5 critiques.
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«Cancrelats»: c'est ainsi que, pendant des décennies, les Hutus nommèrent les Tutsis, rendant possible le génocide rwandais, puisque pour les assassins il ne s'agissait que d'éliminer des insectes, et ce en toute impunité bien avant la catastrophe de 1994. Etudiant les métamorphoses «où l'homme ancien est devenu son propre reste, son propre rebut», le livre de Michel Surya est donc «d'actualité», si l'on veut bien entendre par ce mot une situation historique et philosophique qui implique toute la modernité, situation dont la littérature à partir de Kafka a rendu compte, en annonçant le pire, hélas advenu et à venir encore.
«Humanimalités» : c'est le terme proposé ici pour qualifier ce processus d'hybridation, de passage de l'homme à la bête, de descente de l'humain à l'animal. Tandis que pendant des siècles c'était l'élévation vers Dieu, un phénomène de purification donc, qui semblait porter l'homme, voici qu'après la disparition de la transcendance un mouvement inverse a été engagé, celui de la dégradation et de l'avilissement, de la métamorphose en plus bas que soi, toujours plus bas. Qu'il s'agisse du Gregor Samsa de la métamorphose changé en cafard – mais en cafard qui pense encore en humain, ce qui en fait un être hybride –, des personnages des romans de Bruno Schulz devenus mouche, chien ou souris, des rats de Hofmannsthal dont l'écrivain raconte l'agonie dans une cave en s'identifiant à eux, la littérature moderne est hantée par ce que Deleuze a appelé un jour le «devenir-animal». Surya en étudie les figures les plus prégnantes, et analyse l'effort de pensée dont elles sont traversées, la pensée se métamorphosant elle-même au contact de ces êtres dégradés.
Bataille avait été attiré par le «caractère de fracas sacré de la violence archaïque» que représentait l'animal, Rilke par sa simplicité et son innocence, comparables à celle de l'enfant, l'animal ayant su préserver la «vision de l'Ouvert». Or chez Kafka la bête abêtit l'homme, elle en fait un monstre. Dieu n'étant plus là pour établir une séparation entre l'homme et la bête, la confusion s'impose, ou bien, face à la monstruosité que représente cet abêtissement, une nouvelle ligne de séparation entre les hommes eux-mêmes, ce que souligne avec force Surya, et ce qui nous transporte dans le vingtième siècle, et dans «le nôtre» : si ces hybridations «ont réellement ce caractère conscient de prémonition qu'on leur reconnaît, c'est en cela. Elles disent, d'une part, qu'il est loisible à l'homme de ne plus se sentir distinct des bêtes qu'on extermine ; de l'autre, qu'il lui est loisible de ravaler des hommes au rang de bêtes pour les exterminer». On pense aussi à la terrible scène de l'abattoir dans Berlin Alexanderplatz d'Alfred Döblin (curieusement omise ici) où semblent annoncés d'autres abattages massifs. Plus l'homme se rapprochera de l'animal, plus il se voudra en même temps héritier de la puissance divine sur les animaux et les autres hommes qui y ressembleront, écrit Surya en s'appuyant sur les analyses célèbres d'Adorno et d'Horkheimer dans la Dialectique de la raison.
Que dire alors d'une «France d'en haut » se réclamant d'une «France d'en bas », répondant à un «homme d'en bas», selon l'expression ici mentionnée de Macherey à propos des Misérables de Victor Hugo ? Que ce schéma et ces formules ne sont évidemment possibles que dans une société à 20% (voire plus) lepéniste. La dégradation est collective, sociale, intellectuelle, industrielle. Nous avons entendu cette France qui souffre, est-il répété par un ministre fier de comprendre les attentes des pauvres gens. de ce peuple abattu, toujours mineur, humilié. (C'est le discours ambiant, la réalité est tout autre, selon une étude récente sur les électeurs de le Pen à Marseille qui ne sont justement pas dans les milieux les plus pauvres.) Rien à voir ? Pas sûr, lorsqu'on sait que le fascisme se fonde sur l'abaissement volontaire et collectif de l'homme. Fermons la parenthèse.
Nous nous sommes permis cette digression à partir d'un livre qui est riche en détours divers, et dont l'auteur ne se fait visiblement pas d'illusions sur ce que signifient ces «humanimalisations» sur un plan politique. Il y est question de la solitude de Blanchot et de l'idiotie de Bataille (son «non-savoir»). Mais aussi de la rage de l'écrivain et de l'utilité de la littérature. Surya règle son compte à la littérature contemporaine – qu'il en soit remercié : «Aujourd'hui, la littérature est aussi loin que possible de la rage de mettre le possible en pièces. Il semble même que la littérature n'ait pas d'autre rage ni d'autre désir que de s'accorder au possible. A la littérature aujourd'hui, le possible suffit.» Ce qui est possible, demandez-le à la France d'en haut, elle le sait, elle répondra à votre souffrance.
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Hétéronomie consubstantielle
On ne peut nier qu’en de nombreuses époques, l’expression de la pensée critique sous ses différentes formes, fut ressentie par les représentants de la domination comme menaçante et représentant un danger potentiel pour leur assise même. Toujours et sans relâche semblaient renaitre des hommes ne pouvant d’aucune manière se satisfaire de la servitude et s’appliquant à la rendre plus insupportable en en retirant le voile par lequel la domination cherchait à la dissimuler. Mais, plus récemment, est née une nouvelle figure de « l’intellectuel » car :
« Il fallait qu'on en finisse avec une intellectualité qui se représentait sans vergogne comme autonome, extravagante, transgressive, rebelle, heureuse, insurgée, marginale, imaginative, etc. Il fallait en fait qu'on en finisse avec le tort qu'avait eu la pensée de se vouloir aussi intellectuelle - c'est-à-dire, politique (le succès du sociologisme n'a pas d'autre sens : celui d'une dépolitisation de fait de la pensée). »
Et par une merveilleuse corrélation, cette nouvelle figure de l’intellectuel, en une parfaite synthèse avec la représentation médiatique substantielle à son être, renonça à toute prétention critique autre que purement superficielle, se posant en simple commentateur désabusé de ce qu’il ne faudrait plus songer à modifier d’aucune manière.
« Les intellectuels qu'on voit régulièrement collaborer avec les médias sont partie prenante de cette détention et de ce partage. Ils sont des intellectuels de pouvoir, comme il y eut, avant eux, des intellectuels de parti. C'est à dire, des intellectuels hétéronomes. »
Pourtant, et c’est sans doute le seul aspect de cette question prêtant encore à rire, certains d’entre eux font régulièrement mines de s’étonner de cette perte de confiance qui désormais partout les accompagne et qui fait qu’il n’existe plus aucun espace publique où ils ne soient objets de moquerie.
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Mais quel livre (deux textes) ! Court, souvent impénétrable, impossible à caractériser, ni comme genre littéraire ni même comme mode d'expression : témoignage, cri, macération ?... Michel Surya n'a pas été un enfant aimé, c'est clair. L'absence d'amour retourne le texte comme la peau d'un animal écorché. C'est un cri sourd, silencieux, organique et qui cependant passe par la voix, la puissance de la phrase : "L'enfant est long avant de savoir comment cacher le corps qu'il a." Dans quel état est-il né ? "On ne t'a pas approché longtemps, parce que tu aurais pué." Le mort-né ne meurt pas, il n'est même pas né. Pas de pulsion de mort, mais le trou noir de la non-vie, du non-amour. Pourquoi rester en vie ? "Il suffit que tu éprouves de nouveau combien on a peu voulu que tu sois, vivant, pour tu ne croies pas que tu retireras rien à ceux qui t'auront aimé, mourant." Finalement, une émancipation, mais qui n'est que douleur.
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Paul Guiramand est un peintre figuratif français, né en 1926 à Saint Quentin et décédé en 2007, formé à l’école des Beaux Arts de Paris, lauréat du Prix de Rome en 1952.
J’aime beaucoup son travail, une peinture raffinée, aérienne, poétique et sensorielle, qui éclabousse de couleurs ; sa manière ainsi que ses thèmes (femmes, fleurs, chevaux,….) me fait beaucoup penser à André Brasilier que j’apprécie beaucoup également.
Par contre, ce livre ne présente aucune biographie de l’artiste, quant aux textes, tantôt en français, tantôt en anglais, leur pompe obscurantiste et fumeuse m’horripile passablement.
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C’est un beau livre d’où j’ai pu connaître les événements des gilets jaunes en France,j’ai beaucoups appris de cet auteur magnifique comme je suis hors de France et que je n’ai pu y assister au déroulement
de ces manifestations qui ayant symbôliser leur acclamation,ces faits retrouvés à travers ce manuel.
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