AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Michel de Montaigne (971)


Elle lui sambla bien avoir la
suffisance d’avoir angeolé ce Prince, & de le tenir à sa dévotion long tamps. Le Duc est un gros
home noir, de ma taille, de gros mambres, le visage & contenance pleine de courtoisie, passant tous
iours, descouvert au travers de la presse de ses jans, qui est belle. Il a le port sein, & d’un homme
de quarante ans. De l’autre coste de la table étoint le Cardinal, & un autre june de dix-huict ans, les
deus freres du Duc. On porte à boire à ce Duc & à sa fame dans un bassin où il y a un verre plein de
vin descouvert, & une bouteille de verre pleine d’eau ; ils prennent le verre de vin & en versent dans
le bassin autant qu’il leur samble ; & puis le ramplissent d’eau eus-mesmes, & rasséent le verre,
dans le bassin que leur tient l’échanson. Il metoit assés d’eau ; elle, quasi pouint. Le vice des
Allemans de se servir de verres grans outre mesure, est icy au rebours de les avoir
extraordinairemant petits. Je ne scay pourquoy cete ville soit surnommée belle par priviliege ; elle
l’est mais sans aucune excellence sur Boulogne, & peu sur Ferrare, & sans compareson au dessous
de Venise. Il faict à la vérité beau de couvrir de ce clochier, l’infinie multitude de Maisons qui
ramplissent les collines tout au tour à bien deus ou trois lieues à la ronde, & cete pleine où elle est
assise qui samble en longur, avoir l’étandue de deus lieues : car il samble qu’elles se touchent, tant
elles sont dru femées. La ville est pavée de pieces de pierre plate sans façon & sans ordre. L’après
disnée eus quatre Jantilshomes, & un guide, prindrent la poste pour aller voir un lieu du Duc qu’on nome Castello. La maison n’a rien qui vaille ; mais il y a diverses pieces de jardinage, le tout assis
sur la pante d’une coline, en maniere que les allées droites sont toutes en pante, douce toutefois &
aisée ; les transverses sont droites & unies. Il s’y voit là plusieurs bresseaux tissus & couvers fort
espès : de tous abres odoriferans, come cedres, ciprès, orangiers, citronniers, & d’oliviers, les
branches si jouintes & entrelassées, qu’il est aisé à voir que le soleil n’y sauroit trouver antrée en sa
plus grande force. Les tailles de cyprès, & de ces autres abres disposés en ordre si voisins l’un de
l’autre, qu’il n’y a place à y laisser que pour trois ou quatre. Il y a un grand gardoir, entre les autres,
au milieu duquel on voit un rochier contrefaict au naturel, & samble qu’il soit tout glacé au-dessus,
par le moïen de cete matiere de quoi le Duc a couvert ses grottes à Pratellino, & audessus du roc
une grande medalle de cuivre, representant un home fort vieil, chenu, assis sur son cul, ses bras
croisés, de la barbe, du front, & poil duquel coule sans cesse de l’eau goutte à goutte de toutes parts,
représentant la sueur & les larmes, & n’a la fontene autre conduit que celui là. Ailleurs ils virent,
par très-plesante expérience, ce que j’ai remerqué cy dessus : car se promenant par le jardin, & en
regardant les singularités ; le jardinier les aïant pour cet effect laissé de compagnie, come ils furent
en certin endroit à contempler certenes figures de mabre, il sourdit sous leurs pieds & entre leurs
jambes, par infinis petits trous, des trets d’eau si menus qu’ils étoint quasi invisibles, &
représentans souverenemant bien le dégout d’une petite pluïe, de quoy ils furent tout arrosés, par le
moïen de quelque ressort souterrin que le jardinier remuoit à plus de deux çans pas de là, avec tel art
que de là en hors, il faisoit hausser & baisser ces élancemens d’eau, come il lui pleisoit, les courbant
& mouvant à la mesure qu’il vouloit : ce mesme jeu est là en plusieurs lieux. Ils virent aussi la
maitresse fontene qui sort par le canal de deus fort grandes effigies de bronse, dont la plus basse
prant l’autre entre les bras, & l’étrint de toute sa force ; l’autre demy pasmée, la teste ranversée
samble randre par force par la bouche cet’eau, & l’élance de tele roideur, que outre la hauteur de ces
figures, qui est pour le moins de vint pieds, le tret de l’eau monte à trante-sept brasses au-delà. Il y a
aussi un cabinet entre les branches d’un abre tous-iours vert, mais bien plus riche que nul autre
qu’ils eussent veu: car il est tout etoffé des branches vifves & vertes de l’abre, & tout-partout ce
cabinet est si fermé de cete verdure qu’il n’y a nulle veuë qu’au travers de quelques ouvertures qu’il
faut praticquer, faisant escarter les branches çà & là ; & au milieu, par un tours qu’on ne peut
deviner, monte un surjon d’eau jusques dans ce cabinet au travers & milieu d’une petite table de
mabre. Là se faict auissi la musicque d’eau, mais ils ne la peurent ouïr ; car il étoit tard à jans qui
avoint à revenir en la ville. Ils y virent aussi le timbre des armes du Duc tout au haut d’un portal,
très-bien formées de quelques branches d’abres nourris & entretenus en leur force naturelle par des
fibres qu’on ne peut guiere bien choisir. Ils y furent en la seison la plus ennemie des jardins, qui les
randit encore plus emerveillés. Il y a aussi là une belle grotte, où il se voit toute sorte d’animaus
represantés au naturel, randant qui par bec, qui par l’aisle, qui par l’ongle ou l’oreille ou le naseau,
l’eau de ces fontenes. J’obliois qu’au palais de ce prince en l’une des sales il se voit la figure d’un
animal à quatre pieds, relevé en bronse sur un pilier représanté au naturel, d’une forme étrange, le
devant tout écaillé, & sur l’eschine je ne sçay quelle forme de mambre, come des cornes. Ils disent
qu’il fut trouve dans une caverne de montaigne de ce païs, & mené vif il y a quelques années. Nous
vimes aussi le palais où est née la Reine mere.
Commenter  J’apprécie          00
FLORENCE, 17 milles. Ville moindre que Ferrare en grandeur, assise dans une plene
entournée de mille montaignettes fort cultivées. La riviere d’Arne passe au travers & se trajette à
tout des pons. Nous ne trouvasmes nuls fossés autour des murailles. Il (Montaigne) fit ce jour là
deus pierres & force sable, sans en avoir eu autre resantimant que d’une legiere dolur au bas du
vantre. Le mesme jour nous y vismes l’escurie du grand Duc, fort grande, voutée, où il n’y avoit pas
beaucoup de chevaus de prix : aussi n’y estoit-il pas ce jour-là. Nous vismes là un mouton de fort etrange forme ; aussi un chameau, des lions, des ours, & un animal de la grandeur d’un fort grand
mâtin de la forme d’un chat, tout martelé de blanc & noir qu’ils noment un tigre. Nous vismes
l’Eglise St. Laurent, où pandent encore les enseignes que nous perdismes sous le Mareschal Strozzi
en la Toscane. Il y a en cete Eglise plusieurs pieces en plate peinture & très beles statues
excellentes, de l’ouvrage de Michel Ange. Nous y vismes le Dôme, qui est une très-grande Eglise,
& le clochier tout revestu de mabre blanc & noir : c’est l’une des beles choses du monde & plus
sumptueuses. M. de Montaigne disoit jusques lors n’avoir jamais veu nation où il y eût si peu de
beles fames que l’Italiene. Les logis, il les trouvoit beaucoup moins commodes qu’en France &
Allemaigne ; car les viandes n’y sont ny en si grande abondance à moitié qu’en Allemaigne, ny si
bien apprétées. On y sert sans larder & en l’un & en l’autre lieu ; mais en Allemaigne elles sont
beaucoup mieu assesonnées, & diversité de sauces & de potages. Les logis en Italie de beaucoup
pires ; nulles salles ; les fenétres grandes & toutes ouvertes, sauf un grand contrevant de bois qui
vous chasse le jour, si vous en voulez chasser le soleil ou le vent : ce qu’il trouvoit bien plus insupportable & irremédiable que la faute des rideaus d’Allemaigne. Ils n’y ont aussi que des petites
cahutes à tout des chetifs pavillons, un, pour le plus, en chaque chambre, à tout une carriole
au-dessous ; & qui haïroit à coucher dur, s’y trouveroit bien ampesché. Egale ou plus grande faute
de linge. Les vins communéemant pires ; & à ceus qui en haïssent une douceur lâche, en cete seson
insupportable. La cherté, à la vérité, un peu moindre. On tient que Florence soit la plus chere ville
d’Italie. J’avoy faict marché avant que mon maistre arrivât à l’hostelerie de l’Ange, à sept reales
pour home & cheval par jour, & quatre reales pour home de pied. Le mesme jour nous vismes un
palais du Duc, où il prant plesir à besouigner lui mesme, à contrefaire des pierres orientales & à
labourer le cristal: car il est Prince souingneur un peu de l’Archemie & des ars méchaniques &
surtout grand Architecte. Landemein M. de Montaigne monta le premier au haut du dome, où il se
voit une boule d’airain doré qui samble d’embas de la grandur d’une bale, & quand on y est, elle se
treuve capable de quarante homes. Il vit là que le mabre de quoy cete Eglise est encroutée, mesme
le noir, comance deja en beaucoup de lieus à se demantir, & se font à la gelée & au soleil, mesmes
le noir ; car cet ouvrage est tout diversifié & labouré, ce qui lui fit creindre que ce mabre ne fût pas
fort naturel. Il y voulsit voir les maisons des Strozzes & des Gondis, où ils ont encore de leurs
parans. Nous vismes aussi le palais du Duc, où Cosimo son pere a faict peindre la prinse de Sienne
& nostre bataille, perdue. Si est-ce qu’en divers lieus de cete ville, & notammant audit palais aus
antiennes murailles, les fleurs-de-lis tiennent le premier rang d’honnur. MM. d’Estissac & de
Montaigne furent au disner du grand Duc : car là on l’appelle ainsi. Sa fame estoit assise au lieu
d’honnur ; le Duc audessous ; au-dessous du Duc, la belle-seur de la Duchesse ; audessous de cete
cy, le frere de la Duchesse, mary de cete-cy. Cete Duchesse est belle à l’opinion Italienne, un visage
agréable & imprieux, le corsage gros, & de tetins à leur souhait.
Commenter  J’apprécie          10
Il faut étendre la joie, mais retrancher autant qu’on peut la tristesse. Qui se fait plaindre sans raison y sera. C’est pour n’être jamais plaint que se plaindre toujours, faisant si souvent le piteux qu’on ne soit pitoyable à personne.
Commenter  J’apprécie          00
L'une partie demeurait oisive quand nous étions ensemble : nous nous confondions. la séparation du lieu rendait la conjonction de nos volonté plus riche. Cette faim insatiable de la présence corporelle accuse un peu la faiblesse en la jouissance des âmes.
Commenter  J’apprécie          00
En la vrai amitié, de laquelle je suis expert, je me donne à mon ami plus que je ne le tire à moi. Je n'aime pas seulement mieux lui faire bien que s'il m'en faisait, mais encore qu'il s'en fasse qu'à moi : il m'en fait lors le plus, quand il s'en fait. Et si l'absence lui est ou plaisante ou utile, elle m'est bien plus douce que sa présence ; et ce n'est pas proprement absence, quand il y a moyen de s'entr'avertir. J'ai tiré autrefois usage de notre éloignement, et commodité. Nous remplissions mieux et étendions la possession de la vie en nous séparant, il vivait, il jouissait, il voyait pour moi, et moi pour lui, autant pleinement que s'il y eût été.
Commenter  J’apprécie          10
«  Éduquer , ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu ».
Commenter  J’apprécie          70
L'heur et le malheur sont à mon avis deux puissances souveraines. C'est un manque de sagesse que de penser que la sagesse humaine puisse remplir le rôle de « la Fortune ». [...]
Je dis plus : [je dis] que notre sagesse elle même et notre réflexion suivent la direction que trace le hasard. Ma volonté et mon raisonnement se meuvent tantôt d'une manière, tantôt d'une autre et il y a beaucoup de ces mouvements qui ne sont pas gouvernés par moi. Ma raison a des impulsions et des agitations quotidiennes et accidentelles.

Vertuntur species animorum, et pectora motus
Nunc alios, alios dum nubila ventus agebat,
Concipiunt.*
[Les dispositions de l'âme changent, et les cœurs éprouvent tantôt une émotion, tantôt une autre comme les nuages que pousse le vent.]

*Virgile, Géorgiques.
Commenter  J’apprécie          172
Nous n'aimons pas la rectification [de nos opinions] ; il faudrait [au contraire] s'y prêter et s'y offrir, notamment quand elle vient sous forme de conversation, non de leçon magistrale. À chaque opposition, on ne regarde pas si elle est juste, mais, à tort ou à raison, comment on s'en débarrassera. Au lieu de lui tendre les bras, nous lui tendons les griffes.
Commenter  J’apprécie          150
Michel de Montaigne
La plus constante marque de la sagesse, c'est une constante réjouissance.
Commenter  J’apprécie          70
J'ai mes lois et ma cour pour juger de moi, et m'y adresse plus qu'ailleurs. Je restreins bien selon autrui mes actions, mais je ne les étends que selon moi. Il n'y a que vous qui sachiez si vous êtes lâche et cruel, ou loyal et dévotieux ; les autres ne vous voient point ; ils vous devinent par conjectures incertaines ; ils voient non tant votre nature que votre art. Par ainsi ne vous tenez pas à leur sentence ; tenez-vous à la vôtre.
Commenter  J’apprécie          10
Michel de Montaigne
Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que le sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche.
Commenter  J’apprécie          30
III-13, p. 1726 de l'édition de poche.
"Il a passé sa vie en oisiveté", disons-nous : "je n'ai rien fait aujourd'hui.
- Quoi ? Avez-vous pas vécu ? C'est non seulement la fondamentale, mais la plus illustre de vos occupations.
- Si on m'eût mis au propre des grands maniements [si on m'avait permis de m'occuper de grandes choses], j'eusse montré ce que je savais faire.
- Avez-vous su méditer et manier [gérer] votre propre vie ? Vous avez fait la plus grande besogne de toutes. (...)Avez-vous su composer vos moeurs : vous avez bien plus fait, que celui qui a composé des livres. Avez-vous su prendre du repos, vous avez plus fait, que celui qui a pris des empires et des villes. Le glorieux chef-d'oeuvre de l'homme, c'est vivre à propos.
Commenter  J’apprécie          100
(74%) Il n’a jamais pu s’astreindre à lire un titre, un contrat; chez lui, la moindre chose le préoccupe

Depuis dix-huit ans que j’administre mes biens, je n’ai pas su prendre sur moi d’examiner ni mes titres de propriété ni mes principales affaires, que je devrais cependant connaître à fond, puisque j’ai à y veiller. Ce n’est pas par mépris des choses passagères de ce monde, inspiré par la philosophie: je n’en suis pas détaché à ce degré, et les estime pour le moins à leur valeur; mais bien par l’effet d’une paresse et d’une négligence puériles et incurables. Que ne ferais-je pas plutôt que de lire un contrat, plutôt que de me mettre à secouer ces paperasses poudreuses qui me feraient l’esclave de mes affaires ou, ce qui est encore pis, l’esclave de celles des autres comme font tant de gens pour de l’argent. Rien ne me coûte tant que le souci et la peine; je ne recherche que la nonchalance et la mollesse.
Commenter  J’apprécie          10
Les inclinations naturelles sont aidées et fortifiées par l'éducation, mais on ne les change guère et on n'en triomphe guère.
Commenter  J’apprécie          200
Michel de Montaigne
L'obstination et ardeur d'opinion est la plus sûre preuve de bêtise.
Commenter  J’apprécie          51
Que pour bien agir, il faut agir à propos.
Commenter  J’apprécie          50
Chapitre XII - Apologie de Raimond Sebond [plus de 100 pages !]

Quelles garanties particulières de stabilité nous présentent-elles en effet pour l'avenir ? — Un homme ainsi porté à innover et à réformer dans ce qui est du domaine des lois physiques, me disait, il n'y a pas longtemps, que les anciens s'étaient manifestement trompés sur la nature et les effets des vents, ce qu'il me ferait toucher du doigt et dont il me démontrerait l'évidence, si je voulais l'écouter. Après m'être prêté patiemment, pendant quelque temps, à l'entendre me développer ses arguments qui paraissaient très admissibles : « Comment donc, lui dis-je, ceux qui naviguaient en appliquant les principes de Théophraste, parvenaient-ils à aller vers l'Occident, quand le vent soufflait vers l'Orient ? allaient-ils de côté ou à reculons ? » « Affaire de hasard, me répondit-il; ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils étaient dans l'erreur. » « Pour lors, répliquai-je, je préfère m'en rapporter aux effets plutôt qu'au raisonnement. »
Commenter  J’apprécie          00
Chapitre XXXI. De la colère.

Ceux-ci les châtient quelquefois, dans des transports de colère ; ce n'est plus correction, c'est vengeance. — Combien de fois, par exemple, n'ai-je pas été tenté, en passant dans la rue, de venger, par quelque tour de ma façon, de petits garçons que je voyais écorchés, assommés, meurtris par un père ou une mère en fureur, mis hors d'eux par la colère ; voyez-vous ces brutes, les joues en feu, les yeux dénotant leur rage (et, d'après Hippocrate, les maladies qui nous défigurent sont des plus dangereuses), vociférant à tue-tête contre des êtres qui sortent à peine de nourrice, «dans l'emportement qui les entraîne, elles ressemblent au rocher abrupt qui, perdant son point d'appui, se précipite tout à coup du haut de la montagne (Juvénal) ». Puis, des paroles on passe aux coups, et voilà ces pauvres petits, blessés, assommés, estropiés, sans que la justice s'en inquiète, comme si ces déboîtements et dislocations de membres n'atteignaient pas des créatures faisant partie de la société que nous formons: « On t'est reconnaissant de ce que tu as donné à la patrie un nouveau citoyen, pourvu toutefois que tu le rendes propre à la servir, soit dans la culture des champs, soit dans les travaux de la guerre, soit dans la pratique des arts de la paix (Juvénal). »

Il n'y a pas de passion qui, autant que la colère, porte atteinte à l'équité des jugements. Personne n'hésiterait à punir de mort un juge qui, sous l'empire de ce sentiment, aurait condamné un criminel ; pourquoi donc pères et maîtres d'école ont-ils le droit, quand ils sont irrités, de fouetter un enfant ou de lui infliger tout autre châtiment? Ce n'est plus le corriger, c'est se venger. Le châtiment est en quelque sorte un médicament pour l'enfant; supporterions-nous qu'un médecin s'emporte et se mette en courroux contre le malade qu'il traite ?
Commenter  J’apprécie          20
Chapitre XII - Apologie de Raimond Sebond.
Exemple de raisonnement chez un chien.

Chrysippe qui, en toutes autres choses, se montre aussi dédaigneux que n'importe quel autre philosophe de la condition inférieure des animaux, convient que lorsqu'il réfléchit sur les mouvements d'un chien à la recherche de son maître qu'il a perdu, ou à la poursuite d'un gibier qui lui échappe, et qui, arrivé à un carrefour où s'embranchent trois chemins, après avoir pris l'un, puis un second, et avoir reconnu que ni l'un ni l'autre n'offrent trace de ce qu'il cherche, enfile le troisième sans hésiter, il est contraint de confesser qu'il faut que l'animal se soit tenu le raisonnement suivant: «J'ai suivi les traces de mon maître jusqu'à ce carrefour; il a dû nécessairement prendre l'un de ces trois chemins; or, il n'a suivi ni celui-ci, ni celui-là; donc, infailliblement, il est passé par cet autre.» Et, fort de cette déduction, il ne se consulte plus sur le troisième chemin, ne songe même pas à s'assurer s'il y trouvera des traces confirmant sa conclusion, il le prend obéissant à la force de son raisonnement. Cet effort de dialectique, cet emploi de propositions examinées d'abord séparément, puis ensemble, pour en arriver à une déduction logique, n'a-t-il pas autant de valeur si le chien y est amené de lui-même, que s'il y avait été conduit par les leçons reçues de Trapezonce?
Commenter  J’apprécie          10
Michel de Montaigne
Qui apprendrait aux hommes à mourir, leur apprendrait à vivre.
Commenter  J’apprécie          50



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Michel de Montaigne Voir plus

Quiz Voir plus

Démasqué ! 🎭

"Le Masque de la mort rouge" est le titre d'une nouvelle écrite par ...

Oscar Wilde
William Irish
Edgar Poe

12 questions
139 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature française , critique littéraire , théâtre , littérature étrangère , carnaval , culture littéraireCréer un quiz sur cet auteur

{* *}