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Critiques de Miroslav Sekulic (32)
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Petar & Liza

Merci aux éditions Acte Sud BD et à l’opération Masse critique pour l’envoi de ce livre qui m’a marqué !



e suis souvent déçu par la lecture de bandes dessinées, elles se lisent trop rapidement et ne me laissent que peu de souvenirs. Il y a bien entendu des exceptions.



Petar & Lisa en est une, et de taille ! ce livre est plus qu’une BD, c’est un roman graphique avec un riche contenu.



Riche par les dessins, de véritables tableaux, tantôt aux couleurs douces mais plus souvent criardes, évoquant dans certaines cases aux nombreux personnages un univers à la Jérôme Bosch mais adapté à notre époque, tandis que le personnage principal me rappellera les modèles de Magritte.



Riche par l’atmosphère triste que nous décrit Miroslav, la description des lieux - vraisemblablement dans les pays de l’Est, la description des personnages, leur errance.



Riche enfin par les textes, de vrais textes, aussi importants que les dessins.



Vous comprendrez que la lecture de ce livre n’a pas été expédiée en vingt minutes, je l’ai savouré en petites périodes, m’arrêtant devant un dessin ou un portrait, y revenant, admirant le texte.



Petar est un jeune conscrit à l’ouverture du récit, perpétuellement distrait, désaxé par rapport au monde qui l’entoure. C’est un rêveur et un poète, il écrit d’ailleurs des lettres pour ses condisciples :



«Moi, je faisais l’écrivain public, je passais mes journées à écrire des lettres d’amour pour le compte de mes camarades…

— Mais non ! Lidjia n’a pas les yeux verts !…Ils sont… bleus, je crois.

— Mince, désolé Bobo. C’était pour la rime mais je vais trouver autre chose. »



Démobilisé, il erre, passant d’un petit boulot à un autre, d’un logement miteux à un autre pire encore, entouré de gens mais solitaire, inadapté. L’atmosphère est pesante, triste, la saleté règne partout, il observe les gens et caresse le projet d’écrire un livre. Il a aussi un don pour réparer tout ce qui tombe en panne et pour gagner aux cartes

Nous le voyons se promener seul :



« Je voudrais bien m’allonger un peu, mais où ? Dans un immeuble peut-être, pas trop crado.. et si possible chauffé.. et si possible sans femme de ménage qui te dégage le matin à coups de balai… si je trouve une porte qui s’ouvre… Il faut que je trouve une solution, n’importe laquelle, pour que je cesse de marcher, même si apparemment je ne suis bon qu’à ça… »



Ou s’attabler dans des bistrots bondés entouré de personnages aux traits hideux.



Mais il y a des moments lumineux lorsqu’il retrouve Liza après de nombreuses années, la vie devient belle :



« Ses cheveux noirs sentaient les fleurs de montagne. Parfois, ils étaient ébouriffés. ça dépendait des jours et de la météo. Souvent, ses yeux se noyaient dans le ciel… « 



ils vivent dans une bulle faite d’amour, de danses et de rêves. Ils vivent hors du monde.

Ces moments sont sublimés par le texte et par le dessin, les tons deviennent plus pâles, les fleurs sont partout.

Cela va-t-il durer ?…



Je ne vous vais pas vous le dévoiler mais je serais heureux si je pouvais vous inciter à découvrir ce très beau livre et surtout, si comme moi, vous l’appréciez !



Je l’ai vraiment adoré !
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Petar & Liza

Tu le croates, ça ? Il y a encore quelques jours, quels étaient les célébrités que j’associais à la Croatie ? Blanka Vlasic, Luka Modric, Goran Ivanisevic mais aussi Nikola Tesla (merci Markus Malte !) et Dora Maar pour prouver que je suis pas seulement rivé à Eurosport… N’ayant jamais voyagé dans l’ex-Yougoslavie, ne connaissant pas le privilège de savourer des bananes à Split, j’ignorais que l’on trouvait dans ce jeune pays à l’histoire tragique, de talentueux écrivains (Jurica Pavicic) et de non moins prometteurs auteurs de BD comme Miroslav Sekulic-Struja.

Une parfaite réussite esthétique que ce Peter & Liza. Un soupçon de Magritte, des tons pastel d’une douceur qui tranche avec une intrigue très sombre, parfois désespérante. Si les planches m’ont en permanence plu, j’ai éprouvé des difficultés à suivre le déroulement de cette histoire. Entre les changements de narration, les digressions oniriques ou poétiques, les lieux volontairement anonymes, la chronologie pas toujours évidente à saisir, j’étais comme égaré en terra incognita. Il s’agissait peut-être de l’intention de l’auteur ? Que le lecteur se sente sans repère, bousculé, se frayant un chemin parmi les incertitudes… Une réflexion sur le destin de ce pays, si près, si loin ?

Ce roman graphique est long. Habitué des BD qui se lisent d’une traite, j’ai pris autant de temps à finir cette histoire que pour un roman « classique ». Emprunté à la bibliothèque, je n’aurais pas le loisir de me replonger dans cet opus. Dommage, Petar & Liza est un ouvrage dense qu’il faut sans doute posséder pour ouvrir progressivement tous les tiroirs qu’il contient. A défaut de m’avoir pleinement satisfait, cette découverte n’en demeure pas moins marquante par les interrogations qu’elle soulève.
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Petar & Liza

Petar finit son service militaire, il revient à la vie civile, et voudrait vivre de son écriture. Puis Petar rencontre Liza, elle vit de petits boulots mais aimerait aussi vivre de la danse. C’est un récit de vie dans la marginalité, dans les milieux d’artistes underground, une vie pauvre dans la Croatie d’après-guerre, celle des années 1990 contre la Serbie.



Le graphisme est travaillé dans un style de peinture naïve et populaire, telle qu’on voit sur les murs des villes pauvres, des peintures colorées, pleines de personnages, tout semble réalisé au pinceau, détaillé dans les couleurs, mais les décors sont très citadins, des murs, des ordures qui trainent un peu partout, c’est crade et désœuvré. Le texte est parfois poétique, sensible et juste dans sa noirceur, sans artifices inutiles.



Petar & Liza est une bande dessinée croate, ça a son importance pour sa lecture. Il y a une ambiance de fin du monde, désespérée, une mélancolie pesante, Petar est toujours à la limite de la dépression, la violence du monde qui l’entoure n’arrange pas les choses.



C’est beau, profond, le graphisme transcende cette ambiance, c’est une œuvre d’Art Brut, sincère, naïve, un récit social sur la Croatie d’après guerre, magnifique mais vraiment trop désespérant pour en faire un coup de cœur.
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Petar & Liza

Un très grand coup de cœur pour cette merveille de roman graphique. Nous sommes quelque part en Croatie, Petar fait l'armée puis retourne à la vie civile, qui va s'avérer assez chaotique notamment sur la question du logement puisque son appartement est petit à petit transformé en hall de gare. Puis au détour d'une rue et d'un avion dans le ciel il rencontre Liza avec qui il filera le parfait amour jusqu'à ce que... Je n'en dirai pas plus.



En premier lieu c'est l'esthétique de cette bd qui m'a attirée. Les dessins sont justes magnifiques, la colorisation superbe avec des couleurs très vives et un sens du détail incroyable. Certaines planches sont de vrais tableaux tant elles foisonnent de mille petites choses et chaque contemplation nous fait découvrir autre chose. L'histoire en elle-même est aussi touchante et les personnages attachants.



Bravo l'artiste !
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Petar & Liza

Question graphisme, c'est comme si étaient réunis la présence obscène de la foule chez Grosz, le paysage ou décor urbain peint par le trait naïf de Michel Delacroix et les scènes villageoises de Brueghel l'ancien.

Quant à l'histoire, simple narration rectiligne avec quand même un va et vient entre le passé et le présent, on suit les flâneries d'un doux rêveur, Petar, depuis l'armée jusqu'à son idylle avec Liza qui apportera avec elle un véritable vent de fraîcheur.

Racontée tantôt par le menu, tantôt de manière généraliste, l'auteur traque tout le fugitif de l'existence à travers une galerie de personnages, sarabande de visages nouveaux et récurrents, ces derniers comme autant de petits cailloux-rencontres semés sur le destin d'un poucet ballotté par les événements et à moitié absent à eux.

Fond comme forme, vaut le détour.
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Deux saisons croates, Tome 1 : Pelote dans ..

Reçu dans le cadre de masse critique décembre 2013, et attendu très impatiemment. Enfin, je l'ai reçu et dévoré.

Maintenant, se pose à moi un problème draconien... Comment vais je critiquer cet ouvrage. Souvent, on fait une critique positive d'un livre qui nous a plu parce que l'histoire est belle.

Dans ce cas ci, l'histoire est terrible, et je l'espère pas autobiographique. Il s'agit d'une histoire d'une tristesse indescriptible et pourtant,tellement possible dans notre monde de fous. Je suis persuadée que cette histoire est le quotidien de certains enfants d'aujourd'hui.

Un quotidien fait de vols, de rapines, de galères, de déchetteries et de prostitutions.

L'histoire donc, est terriblement triste.

Les dessins, par contre, sont EXTRAORDINAIRES ! d'une beauté dans l'expression à couper le souffle.

Lorsqu'on regarde la bd, on dirait, parfois, qu'à cause du dessin ou des couleurs (je ne sais pas) il y a des effets. Comme un regard qui vous suit par exemple.

De plus, lorsque le dessinateur veut insister sur un fait, il dessine dans 3 ou 4 cases le même dessin mais avec sensiblement une différence, je trouve le procédé génial.

Une toute toute belle bd, l'histoire fait un peu penser aux misérables de Hugo. Les dessins à eux seuls valent la peine de découvrir le livre !
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Petar & Liza

Dans une ville anonyme de Croatie, Petar se laisse porter par le courant. Poète et rêveur, on le rencontre d’abord à l’armée, où il échappe aux corvées en écrivant les lettres d’amour de ses chefs et camarades. Là il rencontre des copains tout aussi en marge que lui, Bobo, l’armoire à glace au cœur d’artichaut et Francesco, femme dans l’âme. De retour chez lui, il salue à peine sa mère qui a donné sa chambre à un homme à qui elle devait de l’argent.



Partout, il passe comme un courant d’air. Il parle à peine, ne se révolte jamais, ne réagit à rien. C’est à peine s’il se soucie de boire ou manger. Il accueille le sommeil là où il vient, quand il vient. Son appartement est connu comme « l’appartement de Petar ». Mais qui est Petar ? Tous viennent se soûler, se droguer, coucher, danser, dessiner sur les murs sans savoir mettre un visage sur son nom.



Et puis un jour, il rencontre Liza. Il la laisse filer. Le temps passe. Un autre jour, là revoilà. Ils se parlent et se trouvent sans s’être cherchés. Ils sont connectés. Leur amour est une évidence. Petar reste Petar mais Liza donne une autre dimension à sa vie. Elle lui apporte du bonheur, des émotions, la confiance et la paix. Pendant un temps du moins…



Une atmosphère singulière, soviétique ; une histoire d’amour unique ; un personnage que tel le Bartleby de Melville on remarque par son refus de prendre part. Tels sont les ingrédients principaux de cet album incroyablement riche esthétiquement, avec ses planches au découpage atypique et ses tableaux sur double page devant lesquels on prend le temps de s’arrêter, l’œil aux aguets de tous les détails.



C’est à la fois beau et lugubre, poétique et désespéré, rafraîchissant et déroutant. Un album touchant qui ne ressemble à rien de ce que j’ai déjà pu lire et qui m’a emballée.
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Deux saisons croates, Tome 1 : Pelote dans ..

« le garçon s'appelle Ibro, mais comme il est toujours renfermé dans son monde compliqué et impénétrable…ceux qui le connaissent l'appellent Pelote»

Ces copains ne sont pourtant pas mieux lotis, tous échoués à l'assistance publique.

En arrière-plan on aperçoit le monde qui produit et consomme à outrance, un monstre à vrai dire.

Dans un florilège de couleurs et de détails, le monstre expose quelques vitrines mais surtout des grands tas d'ordures, des terrains vagues, théâtres de bagarres sanglantes entre bande rivales.

Au premier plan, il reste une bande d'espace vital extrêmement réduite. Le responsable du foyer des jeunes démunis le reconnaît. Il faut une énorme force d'âme et de la chance pour s'en sortir.

On pense que c'est toujours possible. La grande sœur s'en est peut-être sortie, elle étudiait beaucoup. Il y a peut-être aussi une toute petite place pour des âmes de poètes.
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Deux saisons croates, Tome 1 : Pelote dans ..

Quelque part, en Croatie, au bord d'une ville industrielle et d'une plage touristique, vivent une bande d'amis liés à leur situation d’orphelins misérable. Ils vivent dans un orphelinat où la loi du plus fort prime. Alors, ils passent leurs temps dans la rue, à coup de rapine et de bagarre. Parmi eux, Ibro alias Pelote qui a une sœur et qui voit souvent le monde avec surréalisme. Un jour, son père revient les voir et avec lui, les souvenirs du passé...

Pelote dans la fumée est une BD singulière.

Les dessins sont magnifiques, délicieusement colorées et atypiques. Il y a toujours une pointe de surréalisme dans cet univers. Mais pourtant, si les dessins sont bien jolies, les thèmes et l'histoire ne l'est guère. Car souvent, le dessin si beau, le moment où il situe est noir, sombre.

C'est une histoire tragique où la misère, la pauvreté, la violence gangrènent l'enfance déjà gâchée des orphelins. Tous ont un lourd passé et ce qu'ils vivent est loin de les arranger malheureusement. Pourtant, le surréalisme, je l'ai dit, plane merveilleusement sur leur quotidien.

Le passé de Pelote est encore plus fascinant que sa vie actuelle. Misérable, elle était cependant entrecoupée de moments furtifs de magies.

Cependant, le contexte de la BD n'es pas vraiment défini. Est-ce que cela a lieu avant la guerre ? Pendant la guerre ? Où après ?

Personnellement, je vois que la guerre est présente malgré tout dans cette BD. Seulement quelques cases la présentent, sous forme de guerre fantaisie mais révélateur de la souffrance enracinées au pays.

Mais je voudrais bien voir la suite. Et comprendre un peu plus le contexte.
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Petar & Liza

Petar et Liza raconte l histoire de ces deux êtres qui se sont rencontrés et qui ont été épris l'un de l'autre. Petar sort de l armée où il s était fait remarquer pour ces talents d écriture, Liza de son côté est adepte de la danse. L univers de ces deux là est un monde de paumés où l avenir né semble pas être plus intéressant.

Graphiquement les dessins semblent plats avec peu de mobilité chez les personnages. On voit cependant une recherche graphique mais qui ne m a pas interpellée et il en a été de même pour le scénario. Vous l aurez compris je n ai pas été réceptif à ce roman graphique, mais je vous laisse juge car les retours sont plutôt bons pour de nombreux lecteurs.
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Petar & Liza

Encore une belle participation à la Masse Critique #Graphique de Babelio d’avril dernier : lorsque j’ai reçu le colis, je me suis aperçue avec surprise qu’il s’agissait d’un livre très épais, bien plus dense qu’un format classique : l’ouvrage est doté d’une couverture cartonnée, papier épais, ce titre ne compte pas loin de deux cents pages, ce qui pour un roman graphique, est conséquent. C’est un bel ouvrage qui m’attendait là ! L’auteur Miroslav Sekulic-Struja est croate, il est également l’auteur de Pelote dans la fumée I et II publiés chez Actes Sud également. Il a été remarqué en 2010 par le court récit L’homme qui acheta un sourire. Petar et Liza est une œuvre qu’il a achevée en résidence d’écrivain, dans laquelle il s’est installé en 2020 à Angoulême. Miroslav Sekulic-Struja est non seulement l’auteur du texte inscrit dans les bulles, il est également l’illustrateur, il a peint ces planches à la gouache.



Un titre succinct, clair, dans l’esprit de l’ouvrage. Deux personnages, Petar et Liza. Petar revient de l’armée, il aime écrire, il faisait d’ailleurs office d’écrivain public pour ses compagnons de chambrée. Après l’ordre, la discipline, les emplois du temps remplis et la gamelle pleine de l’armée, où l’on découvre que Petar a une appétence pour l’écriture, il revient dans une ville où il ne retrouve plus sa place. Petar erre, Petar s’accoquine avec tout un tas de personnes aussi désœuvrées et paumées qu’il rencontre, mais Petar n’arrive à se fixer nulle part. C’est une existence de marginal, de travailleur précaire, qu’il entreprendra, entrecoupée par la guerre. Petar finit par rencontrer Liza, c’est le coup de foudre, d’autant qu’ils ont quelques points en commun. Liza est une jeune artiste, c’est une danseuse. Liza remet un peu de sens dans une vie qui avait perdu le sien depuis longtemps.



L’auteur ne s’étend pas en détails contextuels, nous ignorons tout des lieux, de la temporalité lorsqu’on déchiffre la première vignette. Pour emprunter au jargon du roman graphique, pas de récitatif, de voix-off, pour nous fournir ces informations. Ce sera à nous de les déchiffrer dans la mesure de nos possibilités. La toute première case donne à voir une ville désertée, traversée par une avenue, jonchée de détritus, de chiens errants. À notre gauche, de vieux immeubles de quatre étages, reliés entre eux par le linge étendu, parés de vélos prenant appui sur leurs murs. À droite, des chantiers, des immeubles en construction, moins hauts que les précédents. Une vignette tout en symboles, que l’on comprendra mieux peut-être après avoir fini de lire l’ouvrage. Si l’on s’en tient à la nationalité de l’auteur, on subodore qu’il s’agit d’une ville croate, peut-être la capitale Zagreb, peut-être une ville serbe. Et le prénom Petar pointe ces origines anciennement yougoslaves.



La rencontre de Liza s’avère être le point d’orgue de la vie de Petar, qui lui donne une nouvelle jeunesse, un renouveau bienfaisant en lui apportant compagnie, affection, chaleur humaine et soutien, un semblant de vie sociale, du sens à son existence. Petar est un mélancolique, un vrai, fragile, trop, altruiste et généreux, à l’excès. Cette asthénie qu’il porte sur son visage est le fil directeur de l’histoire, que cette ville porte sur le sien, elle se retrouve d’ailleurs dès les premières planches du roman graphique : c’est une ambiance de désolation, paysages et visages plein de tristesse et d’ennui. Les couleurs des images sont ternes, l’ambiance y est maladive, Petar porte le poids du monde sur ses épaules, seul, il subit, il marche, il regarde le temps passer, les gens déambuler autour de lui. Petar ne comprend plus le monde, il ne s’y adapte plus. L’armée a produit une coupure nette dans sa vie. À travers cette histoire d’amour, ou Liza apporte le plus d’équilibre au couple, l’auteur croate raconte surtout Petar, un individu en déliquescence, un parmi tant d’autres, prise en étaux entre un ancien monde qui laisse peu à peu la place à un nouveau monde, auquel il n’arrive pas à se connecter. Petar se perd dans le chaos de la vie qu’est devenue son existence, ce thème de l’anarchie est d’ailleurs récurrent dans le roman graphique : tout est bousillé, la ville, son appartement. Miroslav Sekulic-struja accumule les vignettes, celles qui m’ont particulièrement marquée, ou il est totalement paumé parmi une foule hétéroclite, une ambiance presque apocalyptique, ou drogues en tout genre et alcools sont rois. Les murs y sont tagués. Les meubles retournés. Les sols, une décharge à ciel ouvert. Si Petar est totalement paumé, il n’est que le héraut d’une classe d’hommes ou de femmes tout aussi perdus dans la transition de leur pays, bloqués quelque part entre passé et présent.



Miroslav Sekulic-Struja a un style à lui, le coup de crayon est reconnaissable, et ses vignettes très riches en détails, j’ai particulièrement été interpellée par les bandes qui mettent en scène les foules, particulièrement expressives, des images abreuvées de visages en tout genre, tous porteurs de cette même forme de désespoir que l’on retrouve chez Petar à tout âge de sa vie. Encore une fois, Liza est la lumière de ce roman graphique, au milieu de cette foule dégingandée, désabusée.



Miroslav Sekulic-Struja a mis en scène un duo, Petar et Liza, qui se complète assez bien dans la mesure où Liza peut encore empêcher Petar de sombrer totalement dans la neurasthénie. On y lit aussi, dans un second plan, les difficultés d’une société à intégrer le nouveau monde, ses codes. L’économie socialiste, certes pas reluisante et très critiquable, a laissé place à un capitalisme féroce et qui a laissé beaucoup sur le carreau. C’est un monde assez cruel que l’on aperçoit, laissant crever les siens dans un coin, exploitant jusqu’à la mort les dépossédés de tout, sauf de leurs bras et leurs jambes. La fin en demi-teinte est présente en une ultime planche qui résonne avec la toute première case, dans la même tonalité de l’ouvrage, un monde insensé et insaisissable.






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Petar & Liza

« Petar & Liza » Miroslav Sekulic-Struja Éditions Actes Sud bd 2022



« Ma tête est une ville »



Fresque slave onirique au souffle burlesque terriblement poétique,

farce bouffonne à l’esthétisme carnavalesque,

le lecteur plonge dans une sorte d’opéra surréaliste sur une musique de Janko Nilovic.



« Les gens heureux ne portent pas de montre »



Sous une exubérance de sublimes dessins aux motifs par moment kitsch, la bd traduit le tragique d’une situation historique au sortir d’une guerre civile et de l’éclatement de la Yougoslavie. Telle une réminiscence de la guerre et de ses destructions, Sekulic dessine le chaos des villes mais aussi des vies.



« Tu as voulu écrire sur la guerre. Mais qu’est-ce qu’on peut dire de plus sur la guerre ? »



Ce sont des gueules cassées, des personnages désincarnés à la Otto Dix, qui nous sont donnés de suivre dans des paysages urbains déglingués entre grues de reconstruction, friches et avions commerciaux dans le ciel. Sekulic transfère l’enfer surréaliste d’un Jérôme Bosch dans la région des Balkans qui l’est tout autant.



« Vivre ici, ça rend froid. On est loin de tout...tout ce vide, cette solitude, cette pauvreté...ça abime les gens »



Dans ce récit collapstique, s’étale une satire féroce d’un capitalisme prédateur et nihiliste : « Aujourd’hui, tout le monde ne parle plus que de boulot, de plan de carrière... » alors que l’individu ne cherche plus qu’a « se procurer un laptop et une carte de membre dans un club de gym ».



Les périodes de félicité personnelle, tunnel amoureux aux couleurs vives, semblent colorer l’univers de poète triste de Petar. Elles alternent avec des passages sombres. Les dessins hyperréalistes, sortes de miniatures flamandes à la Brueghel, exposent avec une précision fabuleuse et une tristesse désabusée, une réalité souillée et sordide.



Le nihilisme des personnages le dispute au trop plein des cases.

Il est question de pochtron, de sexe gras, d’habitat décati et déglingué, de saleté repoussante, de graffitis et de tatouages, de mégots et de bouteilles vides...de pauvreté.



Le lecteur s’immerge dans les dialogues ou les monologues intérieurs de Liza, jeune danseuse éprise de films catastrophes et salariée d’un vidéoclub, de Petar, militaire démobilisé et passablement désabusé, sans oublier Michka, petite chienne adoptée. 3 paumés d’ex-Yougoslavie.



On veut y croire : « Le matin s’allume derrière les rideaux »



L’univers surréaliste, poétique et désenchanté de son compatriote Émir Kusturica est enfin adapté en bd. « Sarajevo dream » serait leprolonge « Arizona dream »

Un chef d’œuvre à lire séance tenante.

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Petar & Liza

Voilà encore une BD qu'il va falloir qu'on m'explique.



Personnellement, je n'ai pas aimé cette histoire. Nous suivons le personnage de Petar, soldat qui rentre d'une guerre (à ce que j'ai compris) et qui revient à la vie normale. Et nous le voyons errer, du début à la fin, dans une vie qu'il ne dirige pas vraiment. On a l'impression qu'il se laisse porter, sans être ni acteur ni spectateur de ce qu'il lui arrive. Je l'ai plutôt senti absent. Au fil de ses errances, il rencontre plusieurs personnes, d'ancien soldats qui étaient avec lui, d'anciennes connaissances, et Liza. Liza, ça semble être une fille bien, de prime abord. Mais elle se laisse entraîner dans l'errance de Petar au point qu'on dirait qu'elle aussi, laisse un peu tomber sa vie. Cette histoire m'a mise assez mal à l'aise parce que je n'en ai pas vraiment compris le sens. Je n'y ai pas vu d'intérêt. Je me suis demandé à quoi ça servait, qu'est-ce que ça pouvait m'apporter ? Je ne me suis pas attachée aux personnages (loin de là), je n'ai pas trouvé ça distrayant, j'ai surtout eu une impression de vide, d'indifférence et de non sens.



Quant aux dessins, je ne les ai pas aimé non plus. Ils me sont apparus comme trop denses, trop chargés, trop fouillis. Il y avait trop de choses à voir et rien de vraiment captivant en même temps. Je n'arrivais pas à poser mon regard sur quelque chose en particulier. Même Petar, j'avais du mal à le distinguer dans tout ça.



Je n'ai donc pas aimé ma lecture mais je suis quand même perplexe. Je n'ai lu que de bons avis sur Babelio (voir même excellents). Du coup, je me demande ce que j'ai loupé. Pourquoi je ne l'ai pas aimée ? Y-a-t-il quelque chose que je n'ai pas vu, pas compris ? Comment ça se fait que j'ai eu l'impression de perdre mon temps alors que cette BD est très appréciée par ses autres lecteurs ?
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Petar & Liza

Magnifique et sombre histoire d’un pays en dérive et de ses héros décalés, maniant l’humour du désespoir. La page de couverture à l’image du livre nous plonge dans une fresque bleue sombre et triste qui raconte une ville , sa pauvreté, ses bâtiments couverts de graffitis, ses grues omniprésentes, un avion qui passe bas dans le ciel, ses déchets qui déborderont jusque dans l’appartement de Petar, sa foule de personnages sombres figés comme accablés avec la grande roue de forains en arrière-plan. Décor constant la ville nous livre ses tableaux divers et quotidiens : troquets, appartements délabrés, décorations de Noël, marché aux puces,boîtes de nuit… Le dernier tableau est à l’image du livre entier avec un couple gris dégageant tendresse et tristesse infinies dans une rue grise devant un mur gris glauque couvert d’inscriptions, alors que dans le ciel bleu au-dessus du couple se font face un gratte-ciel moderne toujours accompagné de grues et une vieille bâtisse en feu, allégorie d’un monde qui brûle laissant la place à un nouveau monde apparemment tout aussi dénué de sens.

Les dessins sont beaux alors que l’atmosphère est lourde, j’ai lu que l’auteur est peintre et c’est vrai que lire cette BD est un peu comme visiter et jouir d’une expo. L’intégration du texte est tout aussi originale :dialogues courts, explications longues ou absentes , extraits de journal intime, témoignages d’amis proches,… de quoi surprendre et interpeller.



La personnalité de Petar reste un mystère. Enfance fracassée : père violent et absent, mère alcoolique. Au début du livre Petar revient de l’armée en compagnie de deux amis qu’il va recroiser ensuite et qui vont surmonter des symptômes postraumatiques. Poète, distrait, timide, peut-être autiste, Petar traverse le livre, la ville et la vie avec un décalage constant, des moments de déprime sévérissimes et des hallucinations comme le suggère la mise en texte. Finalement il va développer des efforts surhumains pour essayer de mimer la « normalité ».



Dans cette fresque sombre les pages du milieu du livre ouvrent un espace enchanteur avec l’histoire d’amour de Petar et Liza, deux sensibilités d’artiste qui se trouvent en connivence. Les couleurs et dessins s’illuminent , s’apaisent, déversent magie et poésie. Le contraste est saisissant entre cet élan vital et le décor de pauvreté et misère qui persiste comme un message récurrent de l’auteur

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Deux saisons croates, Tome 1 : Pelote dans ..

Rude - violent - déstabilisant.



Car oui, ce roman graphique est d'une violence déstabilisante. La vie de Pelote est loin d'être facile ou agréable. L'auteur nous livre le récit de cet enfant de l'assistance public, sans fard, dans toute la précarité de sa situation.



Impossible de rester de marbre face à cette histoire, à ces personnages travaillés. De l'histoire familiale, aux rives de cette petites villes minières, l'auteur nous prends par la main et nous ballade dans ses rues où le bonheur à déserté la partie.



Les graphismes, sans concession, explorent chaque détails des scènes, ne nous cache rien et s'emploi à nous plonger dans cette ambiance malsaine et malaisante.



En bref, une lecture percutante.



Bonne lecture à tous.
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Deux saisons croates, Tome 1 : Pelote dans ..

La belle découverte que voilà ! Il faut dire qu’en matière de bandes dessinées, pour une raison que j’ignore, je frôle souvent le statut de fieffée emmerdeuse :-). En effet, je trouve souvent à y redire et ne suis que rarement comblée; soit les dessins sont superbes, mais le scénario est creux, soit c’est la couverture qui nous vend du rêve, mais les couleurs ou les dialogues sont médiocres, et j’en passe…



Or là, tout me plaît (alléluia !) : les quelques textes tapent juste, l’atmosphère poisseuse est palpable, ces gamins paumés vous agrippent le cœur, la banalité de la violence vous remue les tripes… Mais dans un brutal contraste, chaque planche est d’une beauté folle, chaque couleur vous explose au visage, comme pour mieux narguer l’inexorable misère. Enfin, pour qui aime se perdre dans la minutie des détails, cette BD est un régal.

Bref, il me tarde de lire le second tome !


Lien : https://labouquineriedecham...
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Petar & Liza

« Dans ma poche , il y a un monde... »

C’est l’histoire de Petar & Liza. Les (é)mouvants.

Il est poète, elle est danseuse. Leur amour valse d’immeubles délabrés en appartements vétustes peuplés de marginaux, de fêtes sans fin, des ruines de la guerre , de cigarette sur cigarette. Des rêves plein les cendriers. Une galerie de personnages magnifique prend vie sous le trait naïf et tendre de Miroslav Sekulic-Struja

Le mélancolie creuse des trous dans les planchers et dans les têtes. Et puis la poésie vient remplir tout ça. Les dessins et les mots s’entrelacent le long de cette humanité vagabonde. 171 pages d’une ambiance épidermique.

Qu’est-ce que c’est beau ! 



Traduit du croate par Ana SETKA et Wladimir ANSELME

Éditions Actes Sud bd.
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Petar & Liza

Une belle BD croate au sein de la bohème, qui prend son temps et erre de la même façon que son personnage principal, Petar, en errance également. C'est un jeune homme bon, trop naïf parfois, à contre-courant, un poète marqué par le dur sceau de la mélancolie.

On suit les aventures de personnage hors du temps, qui commence à l'armée. Son cadre familial le pousse à fuir, une histoire d'amour avec la formidable et enthousiaste Liza le sauvera de sa tristesse - mais pour un temps seulement.

La BD offre une galerie de personnages innombrable, de vastes scènes nocturnes et chaotiques où les corps se mêlent aux objets, où l'on plane sur l'ambiance à la fois festive et décadente. Le poète est là mais n'a jamais totalement le coeur à la fête : il est toujours légèrement détaché de ce qui l'entoure, et comme extérieur à lui-même. De petites touches surréalistes émaillent cette ambiance propice à la rêverie, malgré les difficultés liées à la pauvreté qui font partie de l'existence du poète (logements étroits, insalubres, avec des cafards, ambiances violentes dans le cadre du travail et de la famille...). L'armée est ironiquement présentée comme un moment de repos et de confort, dès le début - ce qui annonce la suite.

Il y a une grande beauté dans cette BD, mais aussi une exaltation de la bohème propre au romantisme à laquelle je reste un peu froide.

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Petar & Liza

Sekulic-Struja apporte à la BD une dimension à la fois vériste et poétique qui cherche son inspiration dans les bas fonds et la marginalité. Il en résulte une histoire où grouillent les visages et les corps, avec un rendu "peint " peu fréquent en BD. A rapprocher de l'auteur belge Brecht Evens, en moins délirant, avec une solide dose de réalisme qui fait cet auteur un héritier des peintres de la Neue Sachlichkeit. Fort et prenant comme une virée dans le Zagreb caché des années 80.
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Deux saisons croates, Tome 1 : Pelote dans ..

Une suite de « miniatures » à la Bruegel plonge le lecteur dans un enfer à la Jérôme Bosch.



Le souci du détail confère aux visages la gravité de la misère alors que les couleurs gaies et criardes, telle des peintures naïves, tranchent avec le sordide des situations.



Quelque part en Croatie, entre mer et ciel azuréens, dans un monde déglingué ou la violence sociale tient lieu d’exutoire, les cheminées des usines surplombent un habitat fétide au milieu des rats et des immondices.



Le livre s’ouvre sur Ibro, alias Pelote, jeune orphelin qui s’est extrait momentanément de son univers disloqué pour celui de la plage dalmate avant de replonger dans la fureur ordinaire.



Dans cet environnement post-apocalyptique, l’orphelinat, tel un concentré de misère humaine, joue son rôle d’école de la délinquance. Petits et plus grands occupent le nihilisme de leurs journées entre addictions en tout genre, rapines et fatalisme.



Un tableau graphiquement superbe mais bien sombre de la situation sociale en Croatie après l’implosion de la Yougoslavie. A lire.
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