Monica James

La prison m’a appris à mentir, à tricher et à voler. Je ne voulais être le toutou de personne, alors j’ai transformé l’ado dégingandé en machine de combat d’un mètre quatre-vingt-treize pour quatre-vingt-dix kilos. Je faisais de la muscu à l’heure de la promenade, et quand nous étions parqués dans nos cellules, je continuais comme je pouvais dans mon espace réduit.

On dit que la prison change un homme, et c’est la vérité. Je l’ai appris très vite lorsque j’ai été jeté dans ce bourbier plein de dépravés à dix-huit ans, et que j’ai dû apprendre à me débrouiller tout seul.

Peut-être que je pourrais me taper une nana pour me calmer, mais ça fait tellement longtemps que je n’ai pas côtoyé de femmes que je serais capable de me ridiculiser dès qu’elle se déshabillera. Et puis je ne suis pas là pour ça. J’ai une mission à accomplir.

Être privé des plaisirs simples de la vie peut paraître injuste, mais je le mérite. Je mérite tout ce qui m’arrive.
Quand je repense à la façon dont j’ai privé quelqu’un des joies simples du quotidien, je me sens soudain indigne de ce petit instant de bonheur. J’ai perdu le droit d’en profiter au moment où j’ai commis la plus grosse erreur de ma vie.

Je repousse le souvenir qui me hante à chaque fois que je ferme les yeux. Si je veux survivre à ça, il va falloir que j’apprenne à l’affronter les yeux ouverts et fermés. C’est le seul moyen pour que je ne retourne pas d’où je viens.

La rue déserte a représenté ma liberté pendant très longtemps, alors je ne peux m’empêcher de me dire que je devrais ressentir quelque chose en la parcourant. Mais je suis mort à l’intérieur, et je ne ressens rien.
Se référer à la règle numéro deux de la prison.

J’ai presque complètement oublié les règles qui régissent la société, car en prison, les lois sont totalement différentes. Ici, c’est la loi du plus fort, et contrairement au monde réel, la différence peut vous coûter la vie.

Je ne prends pas la peine de jeter un dernier regard à l’endroit où j’ai vécu pendant plus de dix ans, car chaque recoin de ce trou à rats restera gravé dans ma mémoire jusqu’à la fin de ma vie. On n’oublie pas le centre pénitentiaire de Kinkora, et il ne vous oublie pas non plus. La moitié des criminels y reviennent dans les six mois suivant leur libération, car il est plus facile d’obéir aux lois à l’intérieur qu’à celles de l’extérieur.

Personne ne devrait avoir à subir les chants de Noël, surtout pas ceux remasterisés par Mariah Carey.

Je sais de qui il s’agit sans même avoir à regarder.

Des milliers de pensées m’assaillent, mais celle qui me domine est qu’il est revenu. Sin est de retour.

-Bon, je te préviens, c'est une opération de secours. Sors de ton lit et va prendre une douche. On sort, lance Hunter fermement.
-Non.
_ Tu n'as pas le choix, Dix. Si tu ne mets pas les pieds hors de ce lit, j'y mets le feu.
Pour prouver qu'il ne rigole pas, il attrape mon briquet et l'allume.
J'observe la flamme qui vacille et je n'aime pas du tout le regard déterminé qu'il affiche.
- d'accord, tu as gagné, espèce d'enfoiré qui se mêle des affaires des autres.
Je lui jette un coussin et me relève lentement. Tout tourne dans la pièce, j'ai besoin d'un instant pour retrouver mon équilibre. Une fois que je me sens capable de marcher droit, je me relève , ignorant mes muscles qui protestent. Je passe devant Hunter qui se pince le nez.
- putain tu pues !tu es sûr que tu es encore vivant.

Je regarde à nouveau le dernier message de juliet. Je n'arrive pas à croire qu'elle ait choisi le pire modèle du Queens pour notre rendez-vous. J'imagine qu'elle préfère se faire la plus discrète possible vu que nos affaires sont plutôt louches.

- Ne me quitte pas !
Dixon pose sa main sur ma joue, ses yeux cherchant les miens.
- ne comprends-tu pas ? C'est toi qui me quitteras.

Pour une fois c'est Hunter qui mène le jeu.
- Je propose qu'on se la joue cool. tu as été invité. Donc techniquement nous ne sommes pas en train de nous incruster à son mariage. Nous avons été invité et nous voulons simplement annuler la cérémonie.
- Et casser la gueule à Alex.

Je ne peux pas attendre une seconde de plus. Je m'empare alors de l'assiette de Hunter où il reste un morceau de gaufre.
- Hé !
Avant qu'il n'ait le temps de protester, j'enfourne la gaufre dégoulinante de sirops. Je mastique si vigoureusement que je manque de me décrocher la mâchoire. Je suis aussi à deux doigts de m'étouffer, mais je finis par l'avaler. Puis je vide son verre de jus d'orange d'un trait; Je termine en me frappant la poitrine pour aider le tout à passer. Enfin, je m'essuie la bouche du revers de la main.
- Voilà, ton petit-déjeuner est terminé. Maintenant, on y va.

Je sais que ça peut paraître égoïste et que je suis un salaud, mais je ne suis pas du tout heureux pour elle. Comment pourrais-je l'être ? Les gens bien de leur entourage leur souhaiteront tout le bonheur du monde. Moi je ne suis pas un type bien. Je veux que sa relation avec "Alex" ne marche pas. Et je veux qu'elle réalise qu'un seul homme a le droit de l'épouser : moi.

- Espèce d'enfoiré ! Ce n'est pas parce que tu as renoncé à ta sexualité que c'est aussi mon cas. Cette fille va raconter à tout le monde que je suis ton... - il palit -... ton mec !
J'éclate de rire, je ne peux plus m'arrêter.
- Si ça peut te rassurer, je te laisse faire l'actif dans notre couple.

Une partie de moi pleure pour cet homme qui n'est pas aussi invincible qu'il voudrait le faire croire.

Il était une fois un homme égoïste et coureur de jupons qui n'avait de considération que pour lui-même. Cet homme allait d'aventure en aventure avec un nombre infini de sorcières. Il pensait ne jamais trouver l'amour, le vrai. Mais un jour, dans un royaume éloigné, il rencontra une princesse qui sut lui montrer que sous sa carapace de brute... se cachait en réalité l'âme d'un prince.

- Tu m'avais dit "Peu importe ce que tu as fait dans le passé". Tu as menti toi aussi, Maddy.
De rage, je frappe le sol.