Muriel Zürcher

Sur le canapé, je me suis concentré pour démêler les noeuds de ma tête. J'ai tout de suite su que le moment était arrivé.Le moment où on ne recule plus, où il faut se lancer.

il hocha la tête, stupéfait et réjoui à la fois. Sa première réunion de révoltés. Il poursuivit sa traversée du couloir. Lentement, cette fois. Son malaise l'avait quitté.

L'émotion gagna tous ceux qui entouraient les deux frères. Parfois, les paroles sont inutiles. Personne ne dit un mot. Quand la lumière s'éteignit, tous se recouchèrent.
La nuit se poursuivit. La vie aussi.

D'un signe de la main, Adélou remercia ses amis. Mais il ne releva pas la tête. Il pensait ce qu'il avait dit. Et si sa présence devait mettre en danger les autres, il saurait en tirer les conclusions qui s'imposent.

Le cri qu'il poussa ne ressemblait pas à celui plein d'espoir poussé quelques secondes auparavant. La peur lui perforait le ventre. Une peur plus forte encore que celle qui l'avait habité lorsqu'il se trouvait en face de la perverse tourneuse-alpha.

Artelune recouvrit les épaules du patent avec sa couverture. Le froid arrivait avec la nuit. Deux heures après, Artelune et les deux frères se pelotonnèrent sur le sol, les uns contre les autres, pour se tenir chaud. L'hiver s'était installé. La nuit s'annonçait longue. Longue et glacée.

Autour d'Alkan, les regards s'esquivèrent, gênés. Le garçon sentit tout à coup un grand calme l'envahir. Ce fut d'une voix déterminée qu'il annonça :
- Je comprends votre décision. Elle est juste. Je l'accepte.
Il termina d'énoncer sa pensée dans sa tête, en secret, comme une promesse qu'il se faisait à lui-même "J'irai chercher Tahar. Seul."

Si les adultes n'étaient plus capables de discerner les bonnes décisions, alors, eux, s'en occuperaient. Pour Guitin, ce serait la deuxième expédition jusqu'à la Bulhavre. Lors de la première, sa fierté, l'avait incité à observer et retenir tout ce qu'il voyait. il était sûr de retrouver le chemin dans le dédale des souterrains. La poignée de mains qu'ils échangèrent rasséréna. Leurs amis pouvaient compter sur eux.
A l'aube, sonnerait l'heure du départ.

Depuis tout petit, Alkan savait que le Tourneur de Page accordait une place essentielle à la protection de la diversité. "Tu ne mêleras pas ton sang à celui d'un être différent". Cette règle, il l'avait non seulement apprise, mais aussi acceptée. Pour conserver les caractéristiques de chaque race humaine, il fallait d'abord les protéger.