Citations de Nadine Mousselet (63)
Le corps dénudé d'une très jeune fille était planté dans le sable, comme si son tortionnaire avait voulu l'exposer telle une oeuvre ultime.
Je continuai, insensible à son humour :
- Les modes opératoires. En général, un tueur a une méthode. Il s'y tient, ça le rassure au moment du stress du passage à l'acte. Ici, la façon de tuer est chaque fois différente : la noyade, le couteau et maintenant le poison. La seule constance est l'eau. Pourquoi ?
- Super, soupira Bricart. En bref, nous recherchons un homme ou un ado immature, impuissant ou dégoûté par le sexe qui aime sa maman plus que tout et est jaloux de son père. Il est paresseux, refuse les responsabilités, a peur d'être jugé et se drogue. Il a certains moyens, donc, soit il a de l'argent par la famille, soit il travaille. Il conduit et peut avoir une épouse soumise qui fait tout pour lui. J'ai bien résumé ?
Je montai dans la luxueuse voiture, humai la délicieuse odeur des cuirs neufs :
- L'administration a gagné au loto ?
- Tu rêves ! Non, c'est mon nouveau joujou. Une Jaguar E-Pace 300. C'était l'occasion ou jamais de faire de la route, parce que dans Paris...
- J'imagine ! Tu t'embourgeoises, dis donc !
- C'était un fantasme de vieux macho célibataire ! En voilà un de réalisé.
Je ne lui demandai pas quels étaient les autres.
- On ne peut plus nier que le tueur a un rapport conflictuel avec le symbole du dragon et la légende de Saint-Michel. Le diable vaincu par l'Archange.
La porte s'était ouverte brutalement et il était apparu : le diable en personne comme dans le livre de contes de Mamy à la maison. Une tête couverte de poils avec des cornes comme la chèvre, mais en très , très vilain. Sa robe noire flottait autour de son corps et il tenait un martinet à la main.
- Vous ne le savez pas, mais j'ai suivi de loin, je l'avoue, l'enquête sur le trafic d'organes à Saint-Malo. Là, j'ai su que vous étiez aussi barrés que les tueurs que vous poursuivez ! Et dans le cas présent, ce sont des gens comme vous qu'il nous faut. Des gens qui peuvent s'asseoir sur les procédures et, disons, faire les cow-boys si nécessaire.
- Eh bien ! En voilà une réputation, dis-je mi figue mi-raisin.
Le guépard et la poupée, voilà ce que m'inspirait ce petit couple. Je la voyais bien se mettre sous la protection de ce beau caïd et lui tomber amoureux de cette petite chose fragile. Elle lui accordait sa confiance et son amour, lui en était valorisé et fier.
Aucune fille n'avait voulu de lui et aucune n'en voudrait jamais ! C'était une évidence. Après une période masturbatoire intense, il n'avait trouvé qu'une solution à son problème : le viol. Depuis il vivait de la sorte. Ce n'était pas ce qu'il aurait voulu, mais c'était ainsi. Peu à peu, il avait pris goût à la chose. Choisir sa proie, la surveiller, la surprendre, autant d'éléments qui faisaient monter son excitation. Ils étaient devenus indispensables à son plaisir.
Je voyais bien la victime se rassasier des Sissi, Angélique et autres bouquins genre Barbara Cartland, vu ce que j'avais trouvé dans sa bibliothèque. Sans doute en avait-elle eu marre de vivre des histoires d'amour par procuration. S'était présenté un beau parleur... la suite, on connaissait. Le tout était de savoir où et comment, elle l'avait rencontré.
- Primo, toutes les victimes avaient la cinquantaine plus ou moins sonnée. Secundo, toutes vivaient seules, donc plus faciles à approcher. Tertio, on sait que toutes ont été retrouvées dans des jardins de maisons à vendre et que toutes étaient nues sous des robes bleues à fleurs. Le temps que passent les corps dans les jardins est indépendant de la volonté du tueur. Suivant le hasard des visites, ils font surface plus ou moins tôt. Le plus inquiétant est le rythme effréné des tueries, en moyenne une par mois depuis décembre.
Il stipulait que sans avoir fait l'objet de plaintes, des histoires circulaient à propos du village fantôme. Certains y avaient vu des dames blanches, d'autre le Croquemitaine, un Flamand avait parlé de Zwarte Piet, le père Fouettard des Belges et Hollandais.
Je trouvai une brasserie où j'avais un croque-monsieur, puis parti en direction de Coutances. Quel genre d'homme allai-je rencontrer ? Un monstre sanguinaire ? Un psychotique ? Ou un être si faible qu'il ait pu assassiner sa femme sous influence ?
- Savez-vous que Madame Ribot ne s'est pas suicidée.
Il pâlit.
- Elle a été torturée, puis violée avec une sauvagerie hors norme, puis son ou ses assassins l'ont pendue.
- Le texte ?
- En latin : Memento mori...
- " Souviens-toi que tu es mortel ".
- C'est ça. Il semblerait qu'il y avait autre chose derrière. Dans la poubelle, il y avait une canette entamée. Le liquide a effacé le reste du texte. D'après Ménard...
- Cela ressemble à une menace. Mais la locution n'est pas complète. Normalement c'est " Memento mori, carpe diem ". À Rome un esclave suivait un général victorieux lors de son entrée triomphale en ville en lui répétant ces mots. En clair : profite, car tu es mortel.
Bricart nous coupa.
- S'il conserve une fille dans le calva, il me semble évident qu'il ne l'achète pas à la bouteille. Il doit avoir accès à une source, sinon qu'il se fournisse en calva ou en formol, notre attention aurait été attirée de la même façon.
Je louchai vers le pantalon de l'homme inondé de sang :
- " Ne me dites pas que...
- Si Laura. Cet homme a eu le pénis tranché. Il a eu le temps de se voir mourir. "
- On a un tueur, sans doute un homme...
Il m'interrogea du regard et j'acquiesçai, cela ne ressemblait pas à un crime de femme. Les femmes tuent souvent au poison et quand elles se vengent, ne torturent qu'exceptionnellement leur victime... Bien que cela se soit déjà vu. Mais dans ce cas-ci, mon instinct me suggérait plutôt un tueur qu'une tueuse. Les femmes sadiques sont rares et ici, il y avait bien du sadisme, une volonté morbide de faire souffrir.
Un léger souffle d'air la fit frissonner alors que quelque chose roulait par terre. Machinalement, elle recula en baissant les yeux et resta muette de stupeur. Elle ne réalisa pas de suite. Elle tourna le regard vers son amoureux et vit un corps qui tenait encore debout. Il n'y avait que le corps, la tête au regard stupéfait était à ses pieds.
Il regarda son épée avec satisfaction. Elle n'était pas commune. Elle avait été ramenée de Turquie par un de ses ancêtres marins. Elle portait un nom particulier, mais il ne se souvenait plus exactement duquel. La lame était fine, plate à deux tranchants impeccables. Il faut dire qu'il l'aiguisait soigneusement après chaque utilisation. Cette nuit, c'était la première fois qu'il avait tranché une tête humaine.