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Critiques de Nalo Hopkinson (9)
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Le Ronde des esprits

Toronto est devenue une espèce de métropole sans gouvernement, assiégée par le Canada. Le crime organisé y règne en maître.



Mais voilà que la Première Ministre a besoin d'une greffe du cœur. Plutôt que d'attendre, elle décide d'envoyer quelqu'un lui en trouver un dans Toronto, où aucune loi ne s'applique.



La Ronde des Esprits suit donc une palette de personnages dans la communauté antillaise torontoise. Ti-Jeanne est élevée par sa grand-mère, la sorcière-guérisseuse du quartier. Elle voudrait vivre ses amours compliqués tranquilles, mais être doit impérativement apprendre à servir les esprits pour ne pas devenir folle comme sa mère.



Ce roman construit un univers très original, surtout considérant qu'il a été publié bien avant la vague d'afrofuturisme que l'on connaît maintenant.



La plume n'est par contre pas très fluide. J'ignore si la traduction est à blâmer ou si c'est simplement qu'il s'agit du premier roman d'Hopkinson. J'ai lu d'autres textes de l'autrice et ils se lisaient très bien.



Certains traits de personnages et retournements de l'intrigue sont un peu éculés. On a l'adolescente qui craque chaque fois que le voyou qui ne la mérite pas lui fait les beaux yeux. La grand-mère si veut contrôler sa petite fille, mais pour son bien. L'antagoniste qui cherche le pouvoir et l'immortalité. Les enfants de la rue, voleurs aux grands cœurs, etc.



Ça reste tout de même une lecture intéressante et plutôt courte. L'exploration de la communauté et de sa spiritualité en vaut quand même la lecture.
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Beyond the Woods. Fairy Tales retold

Ah, les contes... J'aimerais dire les merveilleux contes de mon enfance, mais je n'ai pas souvenir qu'on m'en ait raconté. J'ai découvert que ça existait bien longtemps après et forcément, quand on est grand, ça doit perdre de son charme. Sauf que ce recueil de contes de fées n'est pas du tout destiné aux enfants. Encore que je parie qu'ils m'auraient plu.

Toujours est-il que rien n'était censé m'attirer vers ce livre, si ce n'est de voir Peter Straub écrit en lettres de feu au beau milieu de tous ces auteurs (comment ça j'en fais trop ?).

Paula Guran a réussir à réunir une magnifique brochette de plumes qui m'ont toutes ravie. Par contre, je vois qu'il est marqué édition audio... faut pas rêver, j'ai une version papier, et il existe aussi en ebook.

Hormis un ou deux des récits qui m'ont un peu moins plu, nous avons affaire à une réinterprétation de contes et de fables plutôt exceptionnelle. La plupart sont très sombres, denses et intenses, mélanges de réel et d'imaginaire. L'humour y a sa place également, ce que j'apprécie en général, surtout l'humour noir et grinçant, et je ne regrette nullement de m'être jetée sur ce bouquin.

Je vous mets la liste des récits ci-dessous :



Introduction: Throwing In – Paula Guran

Tanith Lee – “Red as Blood”

Gene Wolfe – “In the House of Gingerbread”

Angela Slatter – “The Bone Mother”

Elizabeth Bear – “Follow Me Light”

Yoon Ha Lee – “Coin of Hearts Desire”

Nalo Hopkinson – “The Glass Bottle Trick”

Catherynne M. Valente – “The Maiden Tree”

Holly Black – “Coat of Stars”

Caitlín R. Kiernan – “Road of Needles”

Kelly Link – “Travels with the Snow Queen”

Karen Joy Fowler – “Halfway People”

Margo Lanagan – “Catastrophic Disruption of the Head”

Shveta Thakrar – “Lavanya and Deepika”

Theodora Goss – “Princess Lucinda and the Hound of the Moon”

Gardner Dozois – “Fairy Tale”

Peter S. Beagle – “The Queen Who Could Not Walk”

Priya Sharma – “Lebkuchen”

Neil Gaiman – “Diamonds and Pearls: A Fairy Tale”

Richard Bowes – “The Queen and the Cambion”

Octavia Cade – “The Mussel Eater”

Jane Yolen – “Memoirs of a Bottle Djinn”

Steve Duffy – “Bears: A Fairy Tale of 1958”

Charles de Lint –“The Moon Is Drowning While I Sleep”

Veronica Schanoes – “Rats”

Rachel Swirsky – “Beyond the Naked Eye”

Ken Liu – “Good Hunting”

Kirstyn McDermott – “The Moon’s Good Grace”

Peter Straub – “The Juniper Tree”

Jeff VanderMeer – “Greensleeves”

Tanith Lee – “Beauty”
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En direct de la planète Minuit

Ce livre est un recueil étrange : une conférence, deux nouvelles et une entrevue.



La conférence porte sur le manque de diversité en science fiction et l'histoire de la science-fiction. C'est le nœud du bouquin et lui donne son titre. C'est intéressant et éclairant sur les difficultés supplémentaires qu'ont les gens marginalisés à être publiés.



Les nouvelles : je me souviens de les avoir appréciées en les lisant en février dernier. Je serais aujourd'hui incapable de dire ce qu'il en était.



L'entrevue : très bon complément à la conférence. Ça m'a en tout cas d'une envie de mettre la main sur d'autres livres de l'autrice.
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En direct de la planète Minuit

Le racisme en SFFF, impossible ? Pas si sûr.



Combien d'écrivains non blancs ?

Combien de personnages non blancs ?

Combien d'éditeurs non blancs ?

Et ne nous voilons pas la face, combien de blogueurs non blancs ?



Si la question du racisme dans les littératures de l'imaginaire te turlupine, le recueil de Nalo Hopkinson est tout indiqué.



Deux nouvelles, une retranscription commentée d'un discours prononcé lors lors d'une conférence du ICFA et une interview compose ce petit recueil qui souffre de quelques écueils :

- la couverture tente de mettre en avant la parole de l'autrice en avant via l'inscription sur son tee shirt "Celle qui s'adresse au peuple blanc", mais, pour je ne sais quelles raisons, rend la lecture de "peuple blanc" quasi impossible. Au vue du discours, cela me parait irréaliste.



- Nalo Hopkinson est une quasi inconnue par chez nous, deux nouvelles parues dans Galaxies SF, un roman La ronde des esprits, parus en 2001 et c'est tout. Il aurait été judicieux, à mon humble avis, de mettre une présentation en début pour nous expliquer qui est Nalo. Car il faut avoir lu l'ensemble du recueil pour tomber sur un à propos de l'auteur très succinct. Cela aurait aidé à comprendre au mieux l'interview. Ce recueil est un partenariat avec un éditeur californien, je pense qu'il est juste la traduction du recueil original, où l'autrice à l'air d'être beaucoup mieux connu.



- sur son site, l'éditeur parle de trois nouvelles, englobant dans son compte le premier texte qui est un discours ! Il faudrait peut être lire les livres que vous éditez, cela peut servir !

Sur ces considérations éditoriales, passons



En direct de la planète Minuit

Discours prononcé lors de l’ICFA (International Conference of the Fantastic in the Arts) en 2009 sur le thème "Questions de race dans la littérature du fantastique". Vaste programme. Surtout pour elle qui souffre de quelques tares, et pas des moindres : elle est noire, c'est une femme elle est homosexuelle, souffre de fibromyalgie et elle est diagnostiquée TDAH.

Elle y parle surtout de la virulente controverse qui s'est emparé du fandom américain en 2009 (voir ici : https://fanlore.org/wiki/RaceFail_%2709) suite a un post de Elisabeth Bear qui défiait ses collègues d'utiliser des personnages racialisés ou marginalisés dans leurs textes.

Avec beaucoup d'ironie, Nalo Hopkinson nous livre son ressenti sur cette discussion. Sur ce genre de question, c'est souvent le jour et la nuit : la langue de bois, le déni et le plus souvent du racisme déguisé ou pas. L'autrice elle, met les pieds dans le plat, appelle un chat un chat, et met le Blanc devant ses responsabilités et surtout ses arrangements avec la réalité. Cela peut paraitre rentre dedans, ça l'est, mais son propos m'a fait réfléchir moi petit lecteur. Même si les Etats-Unis sont les Etats-Unis, la France la France, que la SF est par ici souvent de "gauche", ouverte sur le monde, il suffit de regarder un peu mieux pour voir que le constat n'est pas brillant sous le drapeau tricolore. Nola nous parle :

- du peu de personnages racisés, marginalisés : même constat en France

- du peu d'auteurs non blancs : même constat en France

Alors que la SF interroge notre rapport à l'Autre, ces derniers sont aux abonnés absents. Pourquoi ? C'est la grande question à laquelle tente de répondre l'autrice.

L'interview qui clôt le recueil revient sur son parcours, sur sa bibliographie, mais revient sur cette question.



Message in a Bottle :

Nous faisons la connaissance d'un artiste, d'un couple d'amis et de leur enfant adopté. Une enfant à priori en pleine santé, mais qui à une tête beaucoup plus grosse que la normale et se révèle beaucoup plus mature que son âge. Les différents examens ne décèlent aucune maladie.

J'ai tout de suite voulu savoir le pourquoi de cette particularité, et je ne m'attendais pas à cette révélation. Une nouvelle qui explore les thématiques de l'hérédité et de l'art. Que reste t'il de nous lorsque l'on passe de vie à trépas : des enfants ? ce que nous avons fait de nos mains ? Un texte assez étrange qui explore un genre bien connu des lecteurs de SF mais de manière inhabituelle.



Métamorphose :

J'ai eu beaucoup de mal à comprendre et à m'immerger dans ce texte. En outre, l'autrice joue avec l’ambiguïté des personnages, rendant difficile la compréhension. C'est assez poétique est tout ce que j'en ai à dire.



Après lecture de l'interview de l'autrice, je comprends que ce texte est un hommage à La tempête de Shakespeare. N'ayant pas lu ce dernier, je pense que sa lecture est un préalable pour rentrer dans cette nouvelle. Ce que confirme une question qui aborde sur ce qu'il faut savoir de la Tempête avant de lire le texte. Mettre cet avertissement en préambule aurait été un vrai plus. Au final, j'ai arrêtai la lecture de ce texte, n'y comprenant rien.



Même si les nouvelles ne m'ont pas transcendé, ce recueil vaut surtout pour le discours et l'interview de l'autrice. Question polémique au possible, les races dans la SFFF, Nalo Hopkinson tord le cou aux préjugés, parle de choses dont la plupart veulent taire. Pas de réponses toutes faites, naïves, juste un état de fait et quelques pistes de réflexion. Salutaire donc.



Critique réalisée dans le cadre d'une Masse critique Babelio.
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House of whispers, tome 1 : The power divided

Ce tome est le premier d'une nouvelle série se déroulant dans le domaine de Morphée. Une connaissance superficielle de la série Sandman de Neil Gaiman permet de mieux situer les personnages. Il comprend le numéro spécial The Sandman Universe 1, et les épisodes 1 à 6 de la série, initialement parus en 2018/2019, coécrits par Nalo Hopkinson & Dan Watters, dessinés et encrés par Dominike (Domo) Stanton, mis en couleurs par John Rauch, avec des couvertures de Sean Andrew Murray. Le numéro spécial est une création collaborative, sur la base d'un récit imaginé par Neil Gaiman, écrit par Simon Spurrier, Kat Howard, Nalo Hopkinson, Dan Watters, et dessiné par Bilquis Evely, Tom Fowler, Dominike Stanton, Max Fiumara, Sebastian Fiumara, avec une mise en couleurs réalisée par Mat Lopes.



The Sandman Universe 1 - Au cœur du royaume du rêve se trouve le château de Sandman. Au cœur de ce château se trouve la bibliothèque. Entre les hauts rayonnages, Lucien est en train de parler tout haut, comme s'il racontait sa propre histoire. Il s'arrête devant une place vide sur une étagère, incapable de se souvenir quel ouvrage jamais écrit occupait cette place. Il est interrompu par Mervyn Tête-de-citrouille qui l'attire à l'extérieur pour lui montrer une énorme faille dans le ciel. Ils sont rejoints par quelques autres dont Cain, Abel et Ève qui demandent à Lucien de faire appel au seigneur Dream (Daniel) absent pour le moment. Il touche son sigil (son masque) dans la galerie des Éternels mais rien ne se produit. Il dépêche donc le corbeau Matthew pour aller trouver le maître. Ce dernier traverse d'abord un rêve où il croise Dora. Puis il assiste au réveil de Timothy Hunter. À la Nouvelle Orléans, il observe le couple dLatoya et son amie Maggie, et les 2 filles Habibi et Lumi. Enfin, il discute avec un corbeau, resté seul dans le bar de Lucifer.



En 1989, Neil Gaiman entame une série titrée Sandman, et apporte une nouvelle manière d'envisager les comics mensuels. En 1993, l'éditeur DC Comics crée sa branche Vertigo et Sandman en devient le représentant emblématique. Plusieurs miniséries en découleront, dont celle de Death écrite par Gaiman, ainsi que des séries plus longues comme Lucifer, une première série The Dreaming (1996-2001, 60 épisodes). La série Sandman s'arrête au numéro 75 en 1996, l'auteur étant arrivé au bout de son histoire. Après quelques histoires éparses (dont l'extraordinaire The Sandman: Ouverture en 2013-2015, avec JH Williams III), les responsables éditoriaux de Vertigo/DC convainquent Neil Gaiman de collaborer à un numéro spécial pour lancer 4 nouvelles séries : celle-ci, Books of Magic Vol. 1: Moveable Type (The Sandman Universe) par Kat Howard & Tom Fowler, The Dreaming Vol. 1: Pathways and Emanations (The Sandman Universe) par Simon Spurrier & Bilquis Evely, Lucifer Vol. 1: The Infernal Comedy (The Sandman Universe) par Dan Waters et Max & Sebastian Fiumara. Ce premier épisode (présent dans chacun des 4 premiers recueils) sert donc à poser les bases, avec un chapitre de 7 pages réalisé par chacune des équipes créatrices de ces nouvelles séries. Le lecteur découvre le phénomène déclencheur : l'absence de Dream dans son royaume. Il reprend contact ou découvre les personnages emblématiques du royaume des rêves, avec des dessins se différenciant des conventions visuelles des comics de superhéros, la colorisation de Mat Lopes assurant une continuité d'une séquence à l'autre, avec une magnifique couverture de Jae Lee et June Chung.



-

Épisodes 1 à 6 - La fissure est toujours bien présente dans le ciel du royaume des rêves. Oncle Monday se présente à la Maison des Murmures. Il a apporté un présent qu'il remet à Alter Boi, l'homme qui l'accueille. Maîtresse Erzulie Freda de Dahomey a organisé une réception avec des danseurs et il y a de nombreux convives. Elle reçoit des rêveurs qui viennent lui demander des faveurs. À la Nouvelle Orléans, Habibi et Lumi jouent avec leur téléphone et la tablette sous les yeux de leur grande sœur Latoya et sa compagne Maggie. Cette dernière leur a amené un livre qu'elle a feuilleté sans rien y comprendre. Sur l'écran de la télé, apparaît le spectre de Shakpana (la divinité de la variole, dans la mythologie du Dahomey). Il est alarmé à l'idée que ses mots couchés dans le livre soient utilisés et déformés. Sur le bateau de la Maison des Murmures, Oncle Monday se délecte d'un homard qu'il éventre vivant sous le regard horrifié d'Alter Boi. Dans la salle de balle, règne une ambiance à la fête. Erzulie se rend compte que le signal est brouillé. Sur son miroir, elle observe les quatre demoiselles (Habibi, Lumi, Latoya et Maggie) qui se livrent à un jeu de téléphone sans fil, répétant et déformant à chaque fois une phrase du livre de Shakpana. Suite à un concours de circonstance étrange, la Maison des Murmures se trouve transportée dans le Royaume du Rêves, au pied de la demeure de Caïn et Abel.



Il s'agit donc d'une série basée sur de nouveaux personnages, avec l'introduction d'une nouvelle maison en plus de la Maison des Secrets (celle de d'Abel) et de la Maison des Mystères (celle de Caïn), ces 2 dernières ayant chacune donné leur nom à une longue série anthologique. Ici il ne s'agit pas d'une anthologie mais d'une histoire continue. Lors de l'histoire, les coscénaristes font référence à des événements survenant dans la série The Dreaming, par exemple au personnage du Juge Gallows, sans qu'il n'apparaisse. Le lecteur en reste un peu dubitatif : il est légitime de le mentionner au vu de son impact sur le royaume du rêve, mais les personnages en disent trop peu pour qu'un lecteur ne lisant que la Maison des Murmures comprenne ce qu'il en est. De même, Mervyn Pumpkinhead passe le temps d'une page, sans réel impact sur le récit, si ce n'est que le lecteur a l'impression qu'il s'agit juste d'attester d'un univers partagé. Caïn et Abel jouent un rôle plus important, aidant régulièrement Erzulie, mais étant aux abandonnés absents pour le dernier épisode, sans raison apparente, sans explication. Par contre, la fissure dans le Royaume des Rêves est essentielle pour l'intrigue.



Le récit suit deux groupes de personnages : Erzulie coincée dans le Royaume du Rêve et coupée de sa source de pouvoirs, et Latoya avec son amoureuse, ainsi que ses 2 petites sœurs. Ces 2 fils narratifs sont reliés par Shakpana, le neveu d'Erzulie, qui fait des siennes, et se retrouve convoqué par sa tante, après avoir impacté les demoiselles. En cours de route, le lecteur en apprend un peu sur Erzulie, ses pouvoirs et sa fonction, ses relations (Alter Boi, Île Tortue, Oncle Monday), sur l'histoire personnelle d'Oncle Monday, et découvre l'autre facette d'Erzulie. Les coscénaristes ne se livrent pas à un exposé sur la mythologie ou les croyances vaudou, et n'évoquent ni Damballa, ni Ogoun ou Guédé Nibo.



Les couvertures de Sean Andrew Murray sont sympathiques, sans développer une imagerie mémorable pour la série. Dominike Stanton réalise des dessins descriptifs avec un bon niveau de densité d'information dans chaque case. Il trouve le bon point d'équilibre entre des tenues vestimentaires normales et adaptées au climat de la Nouvelle Orléans, et des éléments de costume folklorique, à la fois pour les habitants des quartiers touristiques, à la fois pour les divinités. À ces dernières, il donne une forme humanoïde, mêlée d'attributs divins, ou de caractéristiques animales, par exemple celles des crocodiles pour certaines transformations d'oncle Monday. Lorsqu'oncle Monday entre dans la salle de bal de la Maison des Murmures, le lecteur embrasse d'un regard la décoration évoquant la Louisiane, et les groupes de gens en train papoter, ainsi que les danseurs assurant le spectacle et le service. Il sait représenter l'aménagement banal de l'appartement de la famille de Latoya, ainsi que les rues caractéristiques de la Nouvelle Orléans. Par contre, le paysage du Royaume des Rêves reste très générique, avec peu de personnalité.



L'œil du lecteur est régulièrement attiré par une mise en page sortant de l'ordinaire : le pourtour irrégulier des cases séparées par l'énergie suppurant par la fissure dans le ciel du Royaume des Rêves, les cases séparées par les esprits des eaux, une disposition en cases rayonnant de l'apparition de Latoya dans le Royaume des Rêves, les cases enchâssées les unes dans les autres. Il ne s'agit pas de mises en page époustouflantes toutes les trois pages, mais de 2 à 3 occurrences par épisode. Les personnages présentent des expressions de visage nuancées assez régulièrement, et le langage corporel reste dans un registre naturaliste, sans une grande expressivité. L'artiste se montre inventif dans la représentation de la manifestation des pouvoirs des divinités, tout en restant à un niveau un peu littéral. Cela ne suffit donc pas toujours pour pallier le caractère poussif de la narration. Une fois l'enjeu réel établi, le lecteur se rend compte qu'il éprouve des difficultés à s'intéresser aux revirements et aux confrontations successives, ne ressentant pas d'empathie pour les différents personnages, qu'ils soient humains ou divins.



A priori, le lecteur éprouve une curiosité pour cette nouvelle série, peut-être pour son rattachement à l'univers de Sandman, vraisemblablement pour la nouveauté qu'elle représente. Il découvre un univers original, rattaché au Royaume des Rêves de manière artificielle pour la localisation, de manière plus organique pour le pouvoir d'Erzulie. Les auteurs se tiennent à l'écart d'une mythologie de pacotille, mais aussi de croyances vaudou. L'artiste fait preuve de personnalité sans réussir à prendre assez de recul. Le lecteur en ressort déçu, n'ayant pas réussi à s'attacher aux personnages, ou à s'impliquer dans les enjeux, les divinités n'étant ni assez littérales, ni assez métaphoriques, la notion de murmure brillant par son absence.
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Le Ronde des esprits

Au centre d’une Toronto du futur livrée à la pauvreté et au vaudou mafieux, une résistance magnifique, joliment incongrue et diablement biopolitique. Un grand roman précurseur, en 1998.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/23/note-de-lecture-la-ronde-des-esprits-nalo-hopkinson/



Dans ce futur proche, le centre ville de Toronto a été abandonné par les riches et les nantis, repliés sur les cossues banlieues environnantes, et ceint de barrières, obstacles et autres contrôles policiers, laissant les pauvres se débrouiller entre eux sous la coupe de Rudy, un seigneur du crime, appuyé par quelques pactes particulièrement obscurs avec de sombres puissances de la magie religieuse caribéenne.



Pourtant, au cœur du ghetto, il ne reste pas que des membres de gang, des criminels et des délinquants : des personnes ordinaires, infra-ordinaires ou presque ordinaires vivent aussi là, essayant de s’en sortir sans nécessairement écraser leurs voisines et voisins. Ti-Jeanne est de celles-là, essayant d’élever son bébé, seule avec sa grand-mère Mami Gros-Jeanne – soigneuse réputée et grande initiée aux mystères du vaudou haïtien et des îles voisines -, depuis la disparition de sa mère, Mi-Jeanne, quelques années plus tôt. Que le père de l’enfant, enrôlé pour ainsi dire malgré lui dans la clique de Rudy du fait de sa propre addiction, tente avec insistance de renouer avec elle : voilà l’un de ses soucis du moment.



Lorsque, suite à un calcul électoral à plusieurs bandes, la gouverneure de l’Ontario décide que la greffe habituellement pratiquée d’un cœur animal, pour soigner en urgence la défaillance du sien, ne fera pas l’affaire, et qu’il lui faut un donneur humain, c’est à Rudy et à ses troupes mal famées qu’échoit ce contrat pas encore tout à fait faustien. Mais cette quête met alors en branle un bon nombre de trajectoires de collision, aussi gravement périlleuses que potentiellement savoureuses.



Publié en 1998, le premier roman de la Canado-Jamaïcaine Nalo Hopkinson fut aussitôt récompensé par le prix Locus (du meilleur premier roman), et marquait ainsi l’entrée en science-fiction et en littérature d’une voix forte et singulière, que seuls des soucis de santé récurrents auront parfois tenue quelque peu à l’écart du succès public et de la reconnaissance qu’elle méritait. Son absence quasi-totale du paysage français demeure surprenante (si l’on excepte la belle initiative des éditions Goater avec le mélange nouvelles et brefs essais de « En direct de la planète Minuit », et bien sûr, l’inspiration authentique que l’on trouve à son propos dans l’indispensable « Le Futur au pluriel » de Ketty Steward) : la piètre qualité de la traduction effectuée par Marielle Dorsinville en 2001 pour J’ai Lu n’explique pas totalement cette coupable désaffection de par chez nous.



Totalement imprégnée de culture orale jamaïcaine (scandée au fil du roman par les épigraphes venant de chansons, de comptines (les « Confessions d’une séancière » de Ketty Steward, encore elle, ne sont parfois pas si loin) ou de chez le grand Derek Walcott de « Omeros » ou, surtout, de « Ti-Jean et ses frères »), construisant une enclave déshéritée livrée au capitalisme mafieux (souvenons-nous de la « Chicago-Ballade » de Hans Magnus Enzensberger) et aux solidarités de résistance (un motif que Sabrina Calvo saura retourner à merveille, à Montréal et à Belleville, dans son « Toxoplasma » et son « Melmoth furieux ») – et qui n’est pas non plus totalement étranger au beau « L’avenir » de Catherine Leroux), Nalo Hopkinson tisse une trame serrée, inscrite dans un univers post-cyberpunk (qui transcende comme naturellement l’usage des loas pratiqué par William Gibson au sein de sa trilogie « Neuromancien ») qui sait aussi se souvenir des trafics humains situés au cœur du « Jack Barron et l’éternité » du grand précurseur (de tant de choses) Norman Spinrad.



Comme le notaient aussi bien Gerard Aching (« Masking and Power: Carnival and Popular Culture in the Caribbean », 2002) que Anne-Margaret Castro (« The Sacred Act of Reading : Spirituality, Performance and Power in Afro-Diasporic Literature », 2020), Nalo Hopkinson, en organisant ses jeux de masques, de surveillances et de contre-surveillances au sein d’un redoutable ballet d’incarnations et de présences des corps hantés, construit sous nos yeux, simultanément, une biopolitique en tous points foucaldienne aussi bien qu’une contre-narration résonnant fortement avec celles de John Keene. Et c’est ainsi que naît ici un ouvrage déterminant pour la science-fiction en particulier et pour la littérature en général.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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En direct de la planète Minuit

Une conférence, deux nouvelles et un entretien d’une voix canadienne et jamaïcaine en science-fiction et fantastique, magnifique d’intelligence et de lucidité, encore beaucoup trop rare en français.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2019/02/28/note-de-lecture-en-direct-de-la-planete-minuit-nalo-hopkinson/
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En direct de la planète Minuit

Ouvrage reçu dans le cadre de Masse Critique.



Bilan mitigé pour moi après cette lecture...

J'ai trouvé le discours d'introduction passionnant, avec toutes ces interrogations sur le racisme et le sexisme dans la science-fiction. La démonstration est brillante, et nous pousse à nous interroger sur le contenu de nos bibliothèques. Et même ceux qui disent ne pas vouloir ou ne pas faire de distinctions dans ce sens sont obligés de se poser la question.



Pour les nouvelles en revanche je suis beaucoup plus mitigée. Finalement plus le temps passe plus je réalise que le format ne me va pas, et que j'ai besoin de plus de temps pour rentrer dans une histoire.

J'ai quand même aimé la première nouvelle "une bouteille à la mer", avec une idée de départ très intéressante. En revanche j'ai trouvé que la seconde était très difficile à lire, en partie à cause du dialecte utilisé par l'un des personnages.



Je ressors donc très partagée de cette expérience, en me disant que je continuerai à suivre le débat sur la prédominance des hommes blancs dans la science-fiction, mais je ne suis vraiment pas certaine de relire Nalo Hopkinson...
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En direct de la planète Minuit

Reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique, j'avais hâte de découvrir ce recueil de nouvelles d'une auteure Caribéenne. D'abord parce que j'adore le format de la nouvelles mais également car j'apprécie de découvrir la littérature du monde que je trouve, à bien des égards, enrichissante. Je connais peu l'univers de la SF et me réjouissais d'autant plus d'en apprendre davantage.

Tous les feux étaient donc au vert pour une lecture qui piquait ma curiosité.

Le recueil se compose d'un discours prononcé par Nalo Hopkinson à la Conférence internationale du fantastique dans les Arts (ICFA), suivi de deux nouvelles et d'une interview de l'auteure.

Le thème de la Conférence était "Questions de race dans la littérature du fantastique" ce qui promettait d'être très intéressant. Pourtant dès les propos liminaires au discours, on voit que Nalo Hopkinson est très remontée contre le monde de l'édition dont elle dénonce le manque d'ouverture à la diversité et aux auteurs "non-occidentaux" notamment. Bien que sur le fond, je pense que l'auteur a raison et qu'il faudrait que les écrivains "non-occidentaux", les femmes ou toutes les minorités ethniques ou de classes sociales soient mieux représentés en littérature (que ce soit la SF ou autres); je pense surtout qu'un auteur doit émerger grâce à son talent indépendamment de toute considération de genre, race et classe sociale. Il ne devrait exister aucune discrimination ni négative bien sûr, ni positive. Et j'ai eu l'impression que l'auteur défendait la discrimination positive, cela m'a gêné.

D'autre part, elle accuse également les auteurs occidentaux de classe moyenne qui, selon elle, "maîtrisent les codes" de mépriser les autres auteurs qui, de ce fait, ne se sentent pas à l'aise et peuvent "s'effacer" dans cette communauté d'auteurs... Bon, soit, c'est sûrement vrai mais n'est-ce pas comme cela que la société fonctionne? Je trouve bien dommage qu'un sujet qui me semblait très prometteur soit rabaissé à des enfantillages de cours d'école.

D'autres part, Nalo Hopkinson adresse de nouveaux reproches à ces mêmes auteurs occidentaux de SF, il semblerait qu'ils ne donnent jamais le rôle principal de leurs écrits à des personnages d'ethnies différentes et que lorsqu'un personnage se trouve être un étranger, il s'avère que son rôle est très secondaire ou que sa personnalité n'est pas flatteuse. Je me fais l'avocat du diable, mais un auteur n'est-il pas censé écrire sur ce qu'il connaît? Je suppose donc que les auteurs occidentaux ne connaissent pas forcément d'autres cultures, coutumes, dialectes et façons de penser des populations étrangères. Aussi, s'ils s'essayaient à construire une histoire avec un personnage principal donc la culture et la religion ne leur est pas familière, des critiques pourraient relever des invraisemblances, des maladresses et ce serait bien normal. Aussi, pour éviter d'emblée de tels écueils, il me semble logique qu'un auteur se tourne naturellement vers les milieux qu'il connaît.

Pour résumer, si la cause défendue est noble et le sentiment de racisme et de mise à l'écart des auteurs non occidentaux est bien fondé; je trouve que les propos trop agressifs de Nalo Hopkinson, qui m'ont d'ailleurs mise à l'aise parfois, la décrédibilisent et desservent son discours.



Suivent deux nouvelles que j'avais grande hâte de lire.

J'ai eu beaucoup de mal à accrocher au style de l'auteure.

J'ai apprécié la chute de la première nouvelle, en revanche je n'ai rien compris à la seconde nouvelle, j'ai décroché plusieurs fois et, s'il n'avait fallu terminer la lecture pour écrire cette chronique, je me serais dispensée d'aller jusqu'au bout. J'ai d'ailleurs dû recommencer la seconde nouvelle et me concentrer pour tenter de suivre le fil conducteur de l'histoire qui est malmené par les incessants "échos" dont l'écrivaine se sert pour créer un "récit dynamique" comme elle le dit elle-même.

La démarche est louable, c'est ce qui est plaisant et ce que l'on attend d'une nouvelle, mais le ressort est ici poussé à l'extrême ce qui fait que l'on ne comprend plus rien à l'histoire et que l'on ne parvient pas à en suivre le fil.



La dernière partie prend la forme d'une interview de l'auteure de SF. C'est intéressant et peut-être aurait-il été plus judicieux de commencer le recueil par cette partie, pour découvrir et comprendre la pensée de Nalo Hopkinson avant d'entrer dans le vif du sujet.



Je trouve qu'il aurait fallu également ajouter un 3e nouvelle pour pouvoir mieux appréhender le style de l'auteure mais également pour que la partie "écrits" tiennent plus de place au sein du recueil que la conférence et l'interview.



Une découverte en demi-teintes, probablement plus destinée à un public averti et connaisseur.



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