Enola Holmes 2 | Bande-annonce officielle - Partie 2 VF | Netflix France

"- (...) jamais je n'irai parfaire mon éducation dans un pensionnat de jeunes filles.
- Vous irez (...)
- Je n'irez pas. Donnez-moi une gouvernante s'il le faut, mais je n'irai pas dans un pensionnat. Vous ne pouvez m'y forcer.
Il radoucit le ton, mais ne céda pas.
- Je le peux et je le ferai.
- Et comment donc ? En m'enchaînant pour m'y traîner ?
Il leva les yeux au ciel.
- Bien comme sa mère, dit-il au plafond, puis il riva son regard sur moi, d'un air de persécuté si certain d'être dans le vrai que j'en eus le frisson. Sa voix se fit plus douce encore :
- Ecoutez-moi bien Enola. Je suis votre tuteur légal - et celui de votre mère aussi, d'ailleurs, c'est la loi qui l'affirme. Je peux, si je le veux, vous enfermer dans votre chambre jusqu'à ce que vous vous rendiez à la raison. Je peux prendre toute autre mesure nécessaire pour parvenir à l'objectif souhaité. Qui plus est, en tant qu'aîné, j'ai une responsabilité morale envers vous. Or il tombe sous le sens que depuis trop longtemps vous êtes livrée à vous même. J'interviens peut-être juste à temps. Et vous m'obéirez.
A cette seconde, il me sembla comprendre - comprendre immensément - ce qu'avait dû ressentir Mère au temps de cette brouille avec ses fils, à la mort de mon père. Et comprendre aussi pourquoi jamais elle n'avait parlé d'aller voir mes frères à Londres ni de les recevoir à Ferndell.
A cette seconde, il me sembla comprendre ce qui l'avait poussée à soutirer des fonds en cachette, des années durant, à son fils aîné."
- J'ai un plan.
- Je n'en attendais pas moins. Peut-être même allez vous m'en faire part ?
Silence. L'aîné se renfonce dans son fauteuil avec un sourire pincé.
- Toujours ce besoin de vous draper de mystère, hein, Sherlock ?
Alors le cadet - que d'autres nomment "le grand détective" - hausse les épaules éloquemment. Il a retrouvé son flegme, plus coriace encore que celui de son aîné.
Elle tricote à quatre aiguilles une chose tubulaire qui semble promise à un avenir de chaussette.
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-Ah! D'un seul coup, Florence Nightingale comprend tout. Vous l'avez menacée de pensionnat!
Sherlock Holmes lève vers elle un regard décontenancé, presque un regard de gamin qui n'y comprend plus rien. "Menacée? Mais quel...
-Dieu du cie! votre mère ne vous a donc rien appris? Encore que cette ignorance soit le lot de plus des neuf dixièmes du genre masculin. Les souffrances endurées par une jeune fille dans un pensionnat sont à peine moindres que celles qu'endure un criminel au pénitencier. Je veux parler là des douloureuses contraintes corporelles qui débouchent invariablement su des déformations, parfois la mort."
Bouche ouverte, le grand détective ne suit plus.
Épaule contre épaule sur la banquette opposée, mes frères me faisaient face, mais l'un comme l'autre évitaient de poser les yeux sur moi. À l'évidence, j'étais pour eux une source d'embarras.
En la dessinant, je me mettais mieux en tête qui je devais être à présent.
Quand le besoin de croquer quelqu’un à grands coups de crayons me prenait, c’était comme une démangeaison. J’aurais pu dessiner Ivy Meshle, si je l’avais voulu ; ou ma mère, ou Sherlock, ou Mycroft. Et ces portraits, indulgents u féroces, étaient toujours assez ressemblants, n’en déplaise à ma modestie. Une seule personne m’échappait vraiment : Enola Holmes. Je ne parvenais pas à me camper moi-même sur le papier. Bizarre. Ou peut-être pas.
C'était bien moins le froid qui me faisait frémir que le sentiment d'être prise au piège, prise entre deux feux. à cause de mon aîné Sherlock.
Il faut savoir que cet aîné-là, je l'adorais comme un dieu. Sherlock était mon héros. Mon grand rival. Je n'étais pas loin de l'aduler. Mais s'il parvenait à me retrouver, c'en était fait de ma liberté. Adieu, mon indépendance !
J'étais ravie d'avoir détourné la conversation sur les travers fascinants des classes supérieures - sujet sur lequel, comme la plupart des gens de maison, ces deux-là en savaient long, peut-être même plus long que la réalité ne l'était.
Je suis un peu gênée de le préciser, mais tout commença dans un édifice confidentiel alors inauguré depuis peu sur un trottoir d'Oxford Street. Vivement apprécié de la gent féminine fréquentant les boutiques de ce quartier huppé, c'était une commodité dont on ne parlait qu'à mots couverts, et jamais devant les messieurs : les premières toilettes publiques pour dames de Londres.
Accéder à cette superbe innovation - reconnaissance implicite que les dames bien nées ne passaient plus leurs journées à trois pas de leurs propres cabinets d'aisance - vous délestait d'un penny, mais c'était un penny bien placé, même s'il faut admettre que cette somme aurait pu assurer toute une journée de pain, de lait et d'éducation à un enfant des quartiers pauvres.
Ce montant, bien que modique,réservait l'établissement aux représentantes des classes aisées
- Même s'il est indéniable que la jeune écervelée se trouve seule dans ce chaudron de ville et qu'elle pourrait fort, à l'heure qu'il est, s'être déjà fait dépouiller de tous ses biens, si ce n'est pire, je ne vois là aucune raison de vous laisser emporter par vos émotions.
- Et le moyen de faire autrement ?
Pivotant sur ses jambes sans fin, l'arpenteur jette à son ainé un regard d'aigle.
- C'est notre sœur !
- Une sœur tellement plus jeune qu'en tout et pour tout, dans votre vie, vous avez dû la voir deux fois !"
L'échassier s'arrêta net.
- Une fois aura suffit.
Sa voix s'est radoucie. Ce n'est pas son aîné qu'il regarde, mais le lambris de chêne ou plutôt, par-delà le lambris, un point invisible, quelque part dans l'espace et le temps.