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Citations de Nastassja Martin (224)


Quand on a vraiment mal à l'hôpital, et qu'on veut quelque chose pour calmer la douleur, il faut dire 9. Même plutôt 9,5. Il faut entrer dans l'échelle, dans sa logique; il faut intégrer la norme et faire mine de l'accepter pour obtenir gain de cause.
À bien y repenser, l'inadéquation de l'échelle est contenue dans son application même : il y a quelque chose de surréaliste à devoir en passer par une mesure si rationnelle et codifiée pour se voir administrer une drogue qui, dans le meilleur des cas, va vous envoyer dans des nimbes ingouvernables.
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Je souhaite tellement sortir de ce dehors et rejoindre le ventre de la forêt que j'ou- blie où je me trouve, dans un monde potentiellement habité et parcouru par d'autres êtres vivants. J'oublie, c'est aussi simple que cela. Comment puis-je oublier ? Je me demande aujourd'hui. C'est le glacier dans mon dos, la Nature de Nikolaï et Lanna et la pierraille à perte de vue, c'est la tempête de ces derniers jours, l'enfermement dans la tente au col et l'anxiété de ne pas pouvoir redescendre des volcans. C'est cette rivière bouillonnante plus haut qui a failli nous emporter, l'empressement puis le relâchement une fois sortis d'affaire. C'est la fatigue, la peur et la tension, tout ça qui se désagrège dans un même mouvement. C'est ma mélancolie intérieure, que même l'expédition la plus lointaine n'a pu guérir.
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Une porte claque, l'homme d'à côté se retrouve enfermé; et il commence à chanter. Un long chant mélancolique, qui raconte les temps d'avant, le kolkhoze, l'armée Rouge, les vaches, le lait, les rennes, les livres et le cinéma, les peaux et le comptoir, la vodka. J'aimerais voir son visage, voir la peine qui fait tressaillir sa voix entrecoupée de sanglots. Quel monde pleure- t-il ? Quel âge a-t-il pour pleurer ces temps révolus ? Je l'imagine, bouteille à la main quelques heures plus tôt, titubant dans les ornières boueuses de l'une des routes défoncées de la ville, sous les lumières blafardes de l'un de ces supermarchés sortis de terre il n'y a pas cinq ans, ayant poussé là au milieu des immeubles d'époque soviétique fissurés de part en part, témoignant d'un monde qui a changé trop fort trop vite et qui s'effrite déjà avant même d'avoir atteint sa maturité prédatrice.
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En exergue
« Car je fus, pendant un temps, garçon et fille, arbre et oiseau, et poisson perdu dans la mer. »
Empédocle, De la nature, fragments, 117
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À mesure qu'il s'éloigne et que je rentre en moi-même nous nous ressaisissons de nous-mêmes. Lui sans moi, moi sans lui, arriver à survivre malgré ce qui a été perdu dans le corps de l'autre ; arriver à vivre avec ce qui y a été déposé.
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[...] « je suis anthropologue », [...] je ne suis pas fascinée, je ne me perds pas dans mon terrain, je reste moi, toutes ces choses dont on se persuade parce que sinon on ne partirait jamais.
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Je ne me ressemble plus, ma tête est un ballon griffé de cicatrices rouges et enflées, de points de suture. Je ne me ressemble plus et pourtant je n'ai jamais été aussi proche de ma complexion animique; elle s'est imprimée sur mon corps, sa texture reflète à la fois un passage et un retour. 
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Pour continuer à vivre, il ne faut pas penser aux mauvaises choses. Il n'y a que l'amour qu'il faille rappeler à nous. 
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[...] la nuit je vois plus clairement parce que je vois au-delà ; au-delà de l'immédiatement donné aux sens de la vie diurne.
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Comme aux temps du mythe, c’est l’indistinction qui règne, je suis cette forme incertaine aux traits disparus sous les brèches ouvertes du visage, recouverte d’humeurs et de sang : c’est une naissance, puisque ce n’est manifestement pas une mort.
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P 57 - Les danses, les chants, les performances masquées, c'est-à-dire tous les éléments composant les pratiques rituelles destinées aux autres qu'humains, avec lesquels on se mettait en devoir d'ouvrir la possibilité d'un dialogue, doivent être vidés de leurs relations – qui leur conféraient une raison d'être – pour se convertir en formes pures, dès lors assignables au domaine de la représentation "artistique" desdits rituels. En somme, le fond des pratiques (les relations interspécifiques nouées dans et par les rituels) doit être hypothéqué au profit de la forme (donner à voir un rituel dissocié des effets qu'il devait produire sur le monde). Ces politiques soviétiques visent à entériner une césure dont on longe encore l’abîme à l’heure actuelle : le « culturel » doit être disjoint du « social » pour devenir une simple forme d’expression, et non plus une manière particulière d’organiser les relations au monde. Le « social » dépendra d’une gestion l’État (le fond) et les cultures, appréhendées sur un mode uniquement représentationnel (la forme), demeureront, dans leur diversité colorée inoffensive, l’apanage des autochtones.
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Cela fait quelques jours que nous sommes arrivés à Tvaïan, je m'applique à ne rien faire, je voudrais même essayer d'arrêter de penser. Ce matin je me dis qu'il faut surtout que je cesse de vouloir - comprendre guérir voir avoir prévoir tout de suite. Au fond des bois gelés on ne "trouve" pas de réponses : on apprend d'abord à suspendre son raisonnement, à se laisser prendre par le rythme, celui de la vie qui s'organise pour rester vivants dans une forêt en hiver. J'essaie de trouver en moi en silence aussi profond que celui des grands arbres dehors qui se tiennent immobiles et verticaux dans le froid.
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Nastassja Martin
Guérir de ce combat n'est pas seulement un geste de métamorphose autocentrée. C'est un geste politique. Mon corps est devenu un territoire où des chirurgiennes occidentales dialoguent avec des ours sibériens. Ou plutôt, tentent d'établir un dialogue.
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Les humains ont une curieuse manière de s'accrocher à la souffrance des autres telles des huîtres à leurs rochers.
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L'exploitation et la protection de l'environnement sont les deux registres grâce auxquels s'exprime le naturalisme alaskien, qui représentent les deux faces d'une même ontologie, occidentale, moderne et dialectique. Le point commun qui sous-tend ces deux conceptions de l'environnement est capital et fondateur : c'est, dans les deux cas, l'extériorité de l'homme face à l'environnement qui permet soit sa sacralisation, soit son exploitation.
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"Je dis qu'il y a quelque chose d'invisible, qui pousse nos vies vers l'inattendu." p124
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Il y a trois, Daria m'a raconté l'effondrement de l'Union soviétique. Elle m'a dit Nastia un jour lq lumière s'est éteinte et les esprits sont revenus. Et nous sommes repartis en forêt.
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Clarence et moi sommes assis dans sa cabane, lors de mon dernier séjour à Fort Yukon en automne 2011. Il me tend la carte postale que je lui ai envoyée voici trois mois. Noir et blanc, scène de montagne : un village à flanc de colline en toile de fond, un berger qui s’appuie sur son bâton en surveillant ses moutons au premier plan, un chien à ses pieds. « J’ai réfléchi au lieu d’où tu viens ces derniers temps. Ça doit être une dure vie, de travailler tous les jours dans une ferme. Nous ici, nous ne travaillons jamais. Parfois on sort pour prendre un animal mais la plupart du temps on se raconte des histoires, tu sais. Mais lui, sur la photo, il est obligé de rester là sans bouger, hein ? Mais pourquoi le chien reste-t-il avec lui, s’il n’est pas attaché ? »
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Nastassja Martin
Ainsi, le monde occidental n’est pas seulement neutralisé par les guerriers qui attendent les avions sur la piste d’atterrissage le fusil en main lors des crises aiguës, ou encore par les pratiques subversives qu’ils mettent en place pour échapper à son contrôle, mais il se neutralise lui-même par son incapacité à englober cette partie de monde, pourtant composée d’une poignée d’hommes au milieu de la taïga subarctique et de leurs auxiliaires, animaux et esprits qui gravitent en ces hauts lieux. Car, si missionnaires et écologistes s’en tinrent à modifier ou asphyxier les manifestations visibles qui émanaient du « paganisme » des indigènes dans leur relation aux esprits comme aux animaux, il faut dire d’emblée que leurs efforts n’ont pas atteint leur but : l’édifice cosmogonique gwich’in reste largement conservé, puisque la plupart de ses axiomes tirent précisément leur force du fait qu’ils sont invisibles.
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Ainsi, malgré l’urgence alimentaire, il est très difficile de faire entendre aux indigènes les « bienfaits » que procurerait l’agriculture. Les chercheurs présents ce jour-là ont pourtant démontré avec l’aide de schémas précis et documentés ce qu’une serre qui fonctionnerait même l’hiver pourrait produire. Tant que les discussions restent superficielles, personne ne ­s’oppose réellement aux propositions. Par contre, lorsque l’on tente de mettre en place un plan d’action concret, la situation se complique : le mot de trop a été prononcé, celui qui fait tout échouer. Les Gwich’in découvrent qu’il faut, selon les principes de l’agriculture, s’occuper des légumes pour qu’ils atteignent la maturité. S’occuper d’un être non humain pour le manger ensuite est un concept radicalement étranger au monde gwich’in. Tout au contraire, pour que les animaux soient considérés comme de la nourriture saine, il faut qu’ils soient avant tout dotés d’une vie et d’une intentionnalité propres qui leur appartiennent, qu’ils soient indépendants et qu’ils vivent à l’extérieur de la communauté humaine, qu’ils vaquent à leurs propres occupations. Pour être chassés, ils doivent être désirés, fantasmés, précédés de rêves.
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