J'ai beaucoup aimé ce roman, même s'il n'est pas un coup de cœur. Au début, j'ai été attirée par la couverture stylisée de celui-ci, je me suis dit que le mélange de la grenade rose et du titre, laissait supposer que ça allait mal se finir ... je n'avais pas spécialement envie de lire une histoire triste mais je me suis lancée dans l'aventure parce que ça m'intriguait. Au final, je n'ai pas été déçue par ce roman qui m'a paru d'une poésie incroyable, très bien écrit et dont l'intrigue m'a plu. Je vais tenter de vous expliquer à présent pourquoi il mérite d'être lu !
Quand j'ai commencé ce roman et que j'ai vu la date en début de chapitre, je me suis dit que j'allais encore tomber dans une énième histoire sur la seconde guerre mondiale, un sujet déjà éculé à mon avis, et que je risquais de m'ennuyer. Mais, étrangement, ce ne fut pas le cas. Sans doute parce que, finalement, la guerre est un élément du texte, un moteur, un motif de l'action, mais qu'elle n'est pas toute l'œuvre. Ce côté-là m'a rassurée. Ce roman c'est avant tout une histoire d'amour, d'amitié, d'enfance. On y fait la connaissance des habitants du village de Samaroux, dans le Sud de la France. Ce petit village aux apparences tranquilles où chacun essaie du mieux qu'il peut de survivre en temps de guerre. Il y a le curé, le maire, le traître notoire, la famille juive, les anciens combattants, les résistants, tous les éléments "types" de la 2GM sont en place. Et au milieu de tout ça, il y a le cœur du récit, les enfants. J'ai beaucoup apprécié ce choix de l'auteur qui a décidé de mettre en lumière les enfants, les adolescents de ce village, plutôt que les adultes, ça change de point de vue et c'est une très bonne initiative parce qu'eux aussi ont beaucoup de choses à raconter.
D'ailleurs, on a aussi droit au de point de vue adulte, avec l'apparition des gens du village dans le texte mais surtout, grâce à l'alternance des chapitres. Je m'explique. Ce roman utilise le principe de la double voix. Il y a d'un côté, un personnage dont on ne connaît pas l'identité, mais dont on se doute qu'il s'agit d'un protagoniste majeur du récit, qui raconte ce qui s'est passé en 1944 au village de Samaroux afin que nous n'oublions pas, ce qui apporte à son récit une valeur de témoignage qui le rend encore plus puissant, plus émouvant, car on sait que le but est justement de se rappeler, de garder en mémoire les terribles évènements qui ont eu lieu ici. De l'autre côté, il y a un adulte, Alois, un soldat allemand qui raconte à sa manière la dureté, la sauvagerie de la vie qu'il mène en tant que soldat. On suit au fil de pages son combat pour tenter de rester lui-même face à la barbarie de son capitaine, son courage aussi. Il s'est oublié dans cette guerre même s'il reste très lucide face aux évènements. C'est brutal, sans concessions aucunes, d'une justesse frappante et tellement douloureux qu'on en vient à avoir de la compassion pour lui, pour cet ennemi. Le choix de l'alternance entre ces deux voix, l'une allemande, l'autre française, toutes deux essayant de retracer ce qui s'est passé pour essayer de nous faire comprendre est vraiment judicieux.
Cette voix qui nous raconte Samaroux le fait avec beaucoup de tendresse, d'amour, de révolte aussi. On ne peut qu'être touché par son récit. On ne tombe pas dans le larmoyant mais dans l'espoir. J'ai beaucoup aimé cette sorte de retenue, cette dignité qui émane du narrateur, comme s'il ne voulait pas qu'on s'apitoie sur son sort mais plutôt qu'on comprenne son propos, qu'on en tire une leçon et qu'on évite de récidiver. Une fois de plus, j'ai eu le sentiment de plonger au cœur de l'âme humaine, dans ce qu'elle de plus beau mais aussi dans ce qu'elle a de plus terrible. On imagine mal tout ce dont l'homme est capable, que ce soit par haine ou par amour, ce roman nous en donne plusieurs exemples, à la fois beaux, tristes, choquants et inhumains. Une chose est sûre, on ne peut rester de marbre devant les faits qui nous sont ici contés, j'ai, pour ma part, verser quelques larmes, de rage, de colère, de tristesse, car je me dis que, même fictionnelle, cette histoire est d'un réalisme étonnant, poignant, on se dit, oui, ça s'est peut-être produit et ça vous frappe en plein fouet, l'horreur, ça vous paralyse. Oui, c'est un roman qui marque les esprits, assurément.
Ce qui m'a le plus touchée dans ce roman, ce sont, comme je le disais plus haut, les enfants et les adolescents qui le peuplent. Laissez-moi vous les présenter brièvement. Il y a les deux héros du roman, Ariane et Luc, mais je vais commencer par vous parler de ceux qui les entourent ... Tout d'abord, Solange, la cousine d'Ariane, c'est la tête brûlée, l'insouciante, elle ne pense qu'à s'amuser, du moins en apparence, car, quand il faut agir, elle est la première à faire ce qu'il faut pour protéger ceux qu'elles aiment, c'est un personnage que j'ai trouvé superbe, elle apparaît peu mais toujours elle pousse Ariane à faire ce dont elle a envie et à se lancer. Elle apporte ce grain de folie si nécessaire dans la vie de sa cousine et aussi au lecteur, un sourire qu'il n'est pas près d'oublier. A côté d'elle il y a Paul, le petit frère d'Ariane qui a su tirer profit de la pénurie de nourriture pour devenir un grand débrouillard, il espionne, connaît toutes les cachettes de la ville et des environs, fait de petits trafics en échange de nourriture, d'informations, il paraît fort malgré son âge, très intelligent, on en oublierait presque son jeune âge ... jusqu'à une certaine scène à la fin du roman. Le plus attendrissant avec ce personnage, c'est sa meilleure amie, Marie, on sent bien qu'ils en sont à leurs premiers émois et la scène avec la famille de Marie m'a arrachée le cœur ... pleurs, cris, colère, indignation, tout y est passé ! On ne peut que s'attacher à ce petit Paul, malgré son côté délateur qui m'a un peu dégoûtée je dois dire ... Il est ambigu, je ne pense pas non plus qu'il mesure toutes les conséquences de ses actes ... un personnage complexe loin d'être dénué d'intérêt.
Et puis il y a Ariane et Luc. Deux voisins. Deux personnages libres, magiques, envoûtants. Quand Luc revient dans la ville de Samaroux après plusieurs années d'absence, Ariane le voit endurci, avec un regard de défi qui lance des flammes à quiconque s'approche de trop près. Un garçon, grand, beau, fort, courageux qui peu à peu va lui rappeler des souvenirs douloureux, ceux de la perte de sa mère, mais plus heureux aussi, comme un certaine rencontre près de la rivière. Eux deux, dès le début, c'est une évidence. On sait que la jeune fille sage en apparence ne va pas pouvoir résister à ce garçon farouche et déterminé. Ils se cherchent, se disputent, mais ces jeux d'amoureux et les moments qu'ils passent ensemble ont aussi l'utilité d'amener un peu de légèreté dans le texte. Ensemble, ils forment le couple idéal, les amoureux par excellence. Solange le décrit d'ailleurs très bien dans le texte. Ils sont le soleil de Samaroux. J'ai adoré les voir évoluer au fil du roman, on passe avec eux par tout un tas d'émotions, mais surtout, on garde espoir. Ils nous prouvent que même aux moments les plus noirs, un lueur est toujours envisageable, ici, c'est celle de l'amour, inconditionnel, plus fort que tout, plus fou que tout. Ils nous donnent une leçon de vie incroyable. Ils sont beaux tout simplement. Au milieu de toute cette laideur qui les entoure, ils sont un symbole. On ne peut que s'accrocher à ces deux personnages, si semblables et pourtant si différents. Ils nous apprennent le prix de la liberté.
C'est ce qui m'a fait tout de suite adhéré au texte, le sentiment que ces enfants avaient encore en eux cette petite touche d'innocence qu'ils tentent tant bien que mal de laisser subsister en eux. Malgré le fardeau qu'ils portent tous, les conditions de vie difficiles, l'absence trop marquée de leurs parents touchés par la guerre, la honte, le remords, la douleur, les coups, la famine, et qui ne se lit que trop bien dans leurs regards, on sent qu'ils veulent encore rêver, qu'ils veulent encore croire. Cette petite lueur qui brille en eux, c'est elle que l'on cherche tout au long du texte. Elle apparaît en contrepoint des évènements terribles qui se produisent, des trahisons, des dénonciations et du reste. On trouve dans ce roman bien des définitions au mot héroïsme. Il ne s'agit pas seulement de résistance, de vouloir agir, faire bouger les choses, parfois, ce sont les actes les plus infimes qui changent tout. Je pense notamment aux scènes des dernières pages avec la tante Élodie et Solange, Alois, et les autres. La scène finale est insoutenable, elle pousse dans l'extrême la haine que l'on peut porter aux soldats nazis. Comment est-ce seulement imaginable ? Et pourtant, ça n'étonne pas le lecteur, ça le choque, mais ça ne l'étonne pas. Oui, cela aurait pu se produire, cela s'est peut-être produit d'ailleurs, la haine de l'homme pour l'homme n'a pas de limites, surtout qu'elle ne s'exprime que par pur plaisir. Cet instant est empreint d'une angoisse terrible, d'une impuissance telle que j'en serrais les mains sur le livre. C'est la qu'on prend conscience que tout le livre a mené à cet instant précis, comme une apothéose, voilà, c'est de cela que le narrateur voulait qu'on prenne connaissance et qu'on oublie surtout pas, jamais. Terrifiant !
On parle de résistance, de détermination, de volonté mais aussi d'amour, d'amitié, de compassion, de pardon. C'est un roman empli d'émotions, riche en rebondissements, aux personnages marquants, inoubliables, à l'intrigue captivante et au final époustouflant. On ne peut qu'être touché par ce livre, impossible d'être indifférent face à ces pages qui résonnent comme un cri, celui d'un être qui ne veut pas qu'on l'oublie. Une très belle histoire, celles de ces enfants qui ont grandi trop vite mais dont on n'oubliera ni les noms ni le courage. Un roman comme un poème, une ode à la vie, à lire absolument !
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