2300 sur la Terre. La civilisation des technocrates à son déclin. Sur la ville d'acier creusée, taraudée comme une ruche, où l'humanité se tenait épaule contre épaule, il pleuvait.
Une pluie grasse de résidus.
Un crépuscule gris et morne, reflété par les trottoirs roulants.
Un homme avait quitté l'alvéole appelée Palais de justice - un garçon insolemment beau, aux yeux clairs et morts. La foule s'écartait sur son passage - les gens éprouvaient le choc du "déjà vu" ... (Mais où ? Sur les écrans - ou sur les belinos portant "cet homme est dangereux" ?
Il était libre, son procès venait de se terminer par un non-lieu ...
Fils, dit-il, je ne vous apprends rien. Nous vivons la fin d'une ère.
La planète mère étouffe dans sa cage de globes à peine habitables - Mars et Vénus - surpeuplées, nous n'avons dans le système solaire que Mercure - un gril où tout fond à 420° ; Neptune et Pluton sont de vastes pièges gazeux et la surface de Jupiter tremble - parcourue d'ouragans d'ammoniac et de méthane.
Et je ne parle pas de Saturne et de son anneau à mirages ...
Sur la terre, on crut d'abord qu'il s'agissait d'une comète.
Aucun astronome ne l'avait repérée ; ce n'était pas l'astre ponctuel qui traverse les cieux à son heure.
Une certaine nuit, le globe en polymères minéraux qui protégeait la ville s'irisa, les terrasses d'atterrissage, planes, furent pourpres et le firmament même s'ouvrit, sur un fleuve de sang.
On était en avril 2700.
Abandonnant les stades de terrovision et les cirques cosmiques, la foule déborda dans les avenues roulantes et, au niveau des observatoires, des hélicobus formèrent des embouteillages...
Je m'appelle Thalestra Novak. J'aurai douze ans dans dix mois. Et je suis une mutante voyante, un peu télékinésiste aussi.
- Nunc dimittis! » s'écria Mozorov (c'était aussi incompréhensible que du russe, mais il rayonnait). « Enfin j'en vois une!
- Sait-elle seulement ce que c'est? demanda le cybernéticien, prudent. Elle n'est pas si monstrueuse que ça… »
Monstrueuse, vraiment! À qui croyaient-il parler? À un diplodocus?
« Je sais, répondis-je parodiant le polyvalent, ou plutôt je crois savoir que je sais. En fait l'humanité future c'est nous, et l'homo sapiens ( les présents étant exclus, naturellement) est une espèce de diplodocus en voie de disparition.
- O… oh!
(page 42)
- Quelque chose est arrivé au soleil, fit-il, s'adaptant aux ondes de pensée de son compagnon. Et il cita : "Voici, il s'est fait un grand tremblement de terre, et le soleil devint noir comme un sac fait de poils, et la lune fut toute comme du sang …"
- Oui, répondit sur la même onde Sabelius, qui s'acharnait contre une serrure brûlante, ces vieilles prophéties sont terribles. Les faiseurs de mythes ont tout prévu.
Les griffons ailés du porche laissaient goutter des larmes métalliques. Décidément, l'ennemi s'était attaqué d'abord à tout ce que la Terre possédait d'incorruptible, à toutes les puissances : les corps humains survivaient à l'électricité, aux champs magnétiques, aux métaux interplanétaires. De guerre lasse, Sabelius empoigna les barreaux de ses bras de géant et les tordit. Un espace s'ouvrit, assez large pour leur laisser passage.
Cette terre est perdue, conclut-il, eh bien, elle est perdue !
(La jeune fille et les deux villes)
L'Être-force d'Algol explosa dans une apocalypse rouge.
Très loin, dans l'Espace sub-éthérique , les astronefs terriens saisirent la déflagration comme un appel.
C'était un jour comme les autres, les batteries nucléaires ébranlaient les continents. Une cataracte de fer et d'acier se déversait.
(Portés disparus)
- "Les dieux humains quittent la terre!" chanta la foule.
Uxmal considérait, crispé de colère, cette masse mélodieuse : pas un qui discutât l'interprétation du fait ! La condamnation de l'humanité …
Certes, ils faisaient du bruit : sans se mélanger, trois courants témoignaient de leur douleur.