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Critiques de Nathan Devers (116)
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Les liens artificiels

A presque trente ans, Julien Libérat en est à dresser le morne constat de ses désillusions : musicien raté survivant chichement d’un « bullshit job » ubérisé, le voilà réduit à migrer dans un clapier en banlieue sud, à Rungis, alors que sa compagne vient de le mettre à la porte de leur morne vie commune. A bout de solitude, d’ennui et de manque de perspectives, il trouve un jour un dérivatif à sa déprime : Heaven, un monde parallèle reproduit, grandeur nature et à l’identique du nôtre, par un génie du métavers, Adrien Sterner.





Chronique piquée d’humour de ce que le numérique a déjà fait de nos vies, cette histoire extrapole le monde contemporain jusqu’à la dystopie, nous projetant dans le vertige de ces transformations à venir, dont nous nous doutons qu’elles seront majeures sans encore être capables de les appréhender. Au milieu des autres addicts aux écrans et au scrolling, englués avec leurs followers, leurs selfies, leurs likes et leurs posts dans la toile des réseaux sociaux, Julien vit « ensemble et séparé », connecté mais solitaire, hypnotisé par un mirage continu d’images affadissant un quotidien qui ne lui fait plus envie. Lorsqu’il découvre « une planète B virtuelle où tout est bien meilleur que chez vous », un métavers à taille réelle rendu habitable par la 3D et la réalité augmentée, par les avatars et les casques de réalité virtuelle, il se transforme en hikikomori du futur. Sans plus aucun désir de sortir de cet univers où ses succès, entre argent facile en crypto-monnaie et célébrité acquise en y écrivant des poèmes, n’ont aucune commune mesure avec ses déboires dans la vie réelle, il s’y immerge jusqu’à s’identifier à son reflet numérique : Julien devient son avatar Vangel.





Aussi terrifiant que fascinant, drôle et imaginatif, un brin caricatural, le récit pose de nombreuses questions : très humoristiquement, comme au travers de ce débat fictif sur l'avenir de la littérature, entre Alain Finkielkraut et Frédéric Beigbeder à La Grande Librairie ; mais aussi plus largement, sur des sujets métaphysiques. Comment expliquer le besoin d’un substitut virtuel si semblable au monde réel ? Tel le dieu de son Antimonde, Adrien Sterner se contente d’abord de mettre son Eden à la libre disposition des avatars, mais déçu par la médiocrité sans imagination de ces pâles copies d’humains qui reprennent tous nos travers, il se mue en dieu biblique, jaloux et vengeur, distribuant capricieusement faveurs et châtiments. Au milieu de tous ces zombies soumis comme des marionnettes à leur démiurge, un seul trouve toutefois le moyen d’affirmer son libre arbitre : Julien, au travers des poésies contestataires de son avatar, et, dès le préambule du récit, par son suicide retransmis en direct sur les réseaux sociaux.





Moralité : s’il est vrai que « les livres inventent, à leur manière, une réalité virtuelle » et qu’ « imaginer des antimondes » est « la définition même de la littérature », ils sont aussi cet irremplaçable vecteur d'une liberté de pensée et d’expression que les technologies les plus puissantes, même aux mains des pires dictateurs, ne pourront jamais museler. Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Les liens artificiels

Le roman s’ouvre sur le suicide de Julien qui, sous une grosse averse, se jette par la fenêtre en se filmant sur les réseaux sociaux. Retour en arrière : Julien est un professeur de piano qui végète dans un studio à Rungis, après avoir habité rue Littré à Paris avec sa copine qui s’est séparée de lui. Parallèlement, Adrien développe un métavers appelé l’Antimonde dans lequel Julien va progressivement se jeter à corps perdu par le biais de son avatar, un poète qu’il nomme Vangel. ● Je ressors très mitigé de cette lecture. Si le roman est agréable à lire et ne compte aucun temps mort, j’ai eu l’impression qu’il allait à la fois trop loin et pas assez. ● Trop loin dans la caricature qui confine au n’importe quoi grand-guignolesque (l’avatar de Trump et ses aventures par exemple), trop loin dans le poncif (le comportement autocratique d’Adrien, le PDG du métavers, génie fantasque de l’informatique et du marketing) ; pas assez loin dans l’exploration des potentialités des métavers, qui sont beaucoup plus vertigineux que ce que l’auteur décrit. ● Cela donne un récit à la fois kitsch et frustrant. ● Pour moi, un tel livre, inabouti, n’a rien à faire sur les listes des prix – mais l’auteur, quoique jeune, est très introduit dans les cercles germanopratins adéquats. ● J’en veux beaucoup à Frédéric Beigbeder, qui par le passé m’a pourtant permis de faire de belles découvertes littéraires, d’avoir fait un éloge dithyrambique de ce roman dans Le Masque et la Plume, en omettant simplement de préciser qu’il en était tout bonnement l’un des personnages (il y dialogue avec Alain Finkielkraut) – Beigbeder à qui Nathan Devers sert la soupe de façon éhontée, tout en caricaturant fort inélégamment Finkielkraut : c’est si facile de s’en prendre à lui, qui pourtant dit souvent des choses fort justes. Mais haro sur les « réacs » ou prétendus tels, c’est une bonne recette marketing pour vendre sa soupe, ça a fait ses preuves ! Il y en a marre du copinage dans ce petit milieu de l’édition et de la critique ! ● Mis à part cela, sur les seules qualités du roman, ce n’est pas un livre que je recommanderais.
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Les liens artificiels

L’Anti-monde, caverne virtuelle pour Geeks enchainés ?



Bienvenue dans le métavers, monde virtuel immersif, écosystème ludique tellement réaliste que les joueurs interconnectés via leurs avatars ne se rendent rapidement plus compte qu’ils sont dans une simulation et ont l’impression de devenir des hologrammes, de vivre la vie de leurs avatars, reléguant parfois au second plan leur vie réelle. D’où l’importance des casques virtuels et des capteurs digitaux, ces technologies de réalité augmentée pour atteindre un niveau d’immersion total. Prison numérique comme dans Matrix des frères Wachowski ou au contraire moyen de compenser une réalité devenue invivable comme dans Ready player one de Spielberg, cité terrestre ou cité céleste ? Telle est la question en filigrane de ce livre…Dans tous les cas, cet enfer, ou ce paradis, devient quelque chose de plus en plus tangible, depuis octobre 2021, après que Mark Zuckerberg ait rebaptisé Facebook en « Meta », dévoilant ainsi qu’une large part de son activité sera désormais dédiée à l’élaboration d’un métavers baptisé Horizon Worlds.



Le métavers de Nathan Devers s’inspire de ce dernier. Ambitieux, voire grandiloquent, il consiste en effet à synthétiser la totalité de la planète, le moindre lieu, le moindre bâtiment. Il a pour mission de refaire le monde dans sa globalité dans tous ses détails et de le repeupler. Pas étonnant que son concepteur, un certain Adrien Steiner dans le récit, mégalomane et mystique, se prenne pour un Dieu, baptisant même son entreprise Heaven. Il saura le peupler au bon moment, attendant précisément la fin du confinement pour révéler Heaven au public. Un coup de maître dont le processus est bien décrit par l’auteur.

C’est dans ce nouvel Eldorado que Julien Libérat, musicien raté qui vivote grâce à de petits cours privés de musique qu’il donne en tant qu’auto-entrepreneur, mis à la porte par sa compagne qui n’en pouvait plus de son manque d’ambition, obligé de déménager dans un triste et minable appartement à Rungis, va s’inscrire à cet Antimonde, « le jeu vidéo que vous allez préférer à la vie ! » Nom d’avatar : Vangel.



C’est fascinant de voir ce nouveau monde se déployer. Captivant de voir tout d’abord cette Terre virtuelle vide, entièrement vide, puis de la voir se peupler doucement au fur et à mesure de l’augmentation du nombre des abonnements. Concernant notre Julien Libérat, enfin notre Vangel, nous assistons à ses premières actions assez farfelues pour tester sa présence à l’Antimonde, jusqu’au développement de complexes investissements immobiliers, lui permettant de devenir riche, très riche. Du moins virtuellement. Un VIP de l’Anti-monde entouré de vingt-sept gardes du corps. De quoi démissionner de son travail avec lequel il survit dans la vraie vie.





Le récit ne manque pas d’humour, car il est possible d’assouvir des envies folles, comme celle de tuer quelqu’un (mais attention nous devenons alors nous même mortel, cible de futurs tueurs), celle de faire un aller-retour à l’autre bout du monde juste pour se baigner dans une piscine particulière…ou de faire l’amour selon toutes les positions du Kama-sutra…notre Vangel ne va pas trop aimer cette dernière expérience…C’est jubilatoire, férocement jubilatoire. Il faut dire que la dotation aléatoire en parties intimes n’a pas été généreuse avec notre homme.



Fascinant, alors que le métavers n’a jamais été aussi proche, de comprendre les motivations profondes des abonnés à travers ce récit. « Quels ressorts psychiques poussaient un individu à dupliquer sa présence au monde ? Pour quelles raisons les membres de l’Antimonde poussaient-ils plus de temps à s’occuper de leur anti-moi que d’eux-mêmes ? ».





On les pressent, ces raisons sont multiples et le texte les aborde avec beaucoup de clarté. Toutes, en filigrane, portent le sceau du narcissisme. L’Avatar, c’est notre reflet idéal, refoulé, dont nous tombons éperdument amoureux, après lequel nous ne cessons de courir, en vain, parfois jusqu’à devenir fou, parfois jusqu’au suicide.



Plus précisément, c’est tout d’abord la possibilité d’inverser les rapports de force, de permuter les coordonnées de la vie, d’inverser les rôles. De rendre visible ce qui demeurait occulte jusque-là, de cacher au contraire ce qui est omniprésent en nous. « De transformer les riches en pauvres, les chômeurs en millionnaires, les frustrés en partouzeurs, les libertins en prêtres, les moralistes en criminels, les timides en stars et les génies en fous ». Les avatars peuvent en effet faire ce dont leur moi réel ne fait pas forcément, ou pas forcément bien, dans la vie : voyager, acheter des vêtements et même des maisons, fonder une entreprise ou commettre des meurtres, enseigner à l’université, sauver des vies, ou s’entrainer à la plongée sous-marine, trouver l’amour ou se lancer dans une carrière politique. Ces personnes peuvent ainsi fuir une vie réelle dénuée d’intérêt, compenser avec une vie concrète rebutante, devenant ainsi des possédés, des geeks sur qui le monde n’a plus de prise. L’antimonde leur offre la possibilité d’avoir une vie privée rêvée à l’intérieur de leur morne vie privée.



Pour d’autres c’est peut-être plus positif, c’est la possibilité de se glisser dans la peau d’un autre et de vivre autrement, d’avoir une sorte de guide pour apprendre, apprendre à avoir davantage confiance en soi, apprendre à séduire, apprendre à devenir père ou mère. Une chance incroyable d’avoir une ardoise magique à portée de main, d’avoir droit à l’erreur, à tester. Le rêve.



Quelles que soient les raisons, elles trouvent toutes leurs racines dans les circuits psychologiques de la récompense libérant de la dopamine rendant cette expérience totalement addictive. Mais n’est-ce pas déjà le cas avec les réseaux sociaux et certains jeux de réalité augmentée dont l’addiction repose sur ces jets de dopamine nourris aux like ? La différente fondamentale entre internet et l’Antimonde est la perte de l’anonymat selon Adrien Steiner.



« Dans le monde, les hommes ne pensent qu’à leur propre nombril. Orgueilleux, narcissiques, ils sont prêts à s’affirmer par tous les moyens, y compris les plus mesquins. Chez nous les joueurs apprendront à vivre incognito. Ils goûteront aux charmes de l’anonymat. Tous cachés derrière des avatars, ils seront bien obligés de perdre leur amour-propre ».





Nous touchons sans doute là l’essence du livre, comme le laisse présager sa superbe couverture montrant un Narcisse découvrant son reflet dans une flaque d’eau et tombant éperdument amoureux de ce reflet, de sa beauté…Le reflet, l’avatar, met en valeur l’importance que nous octroyons à notre personne, l’image que nous voulons laisser, la reconnaissance que nous désirons ardemment dans un monde ultra connecté où il est possible de connaitre, de voir la vie de tous. Comment, dans ces conditions, se différencier, s’élever, sortir de l’indifférence ? Julien Liberat trouvera la solution ultime en filmant et mettant en ligne sur les réseaux sociaux son suicide. C’est cette même peur de l’indifférence qui avait poussé Julien à ouvrir un compte dans l’antimonde. Mais l’anonymat, base fondamentale de ce « jeu », pierre angulaire ne permettant à aucun avatar de voler la vedette, sera préjudiciable à Julien au fur et à mesure de sa gloire virtuelle, va l’enfermer dans un piège de folie dont il ne sortira pas indemne. Impossible, dans l’anonymat, de rattraper son reflet qui ne reste qu’un vague reflet dans le marais de nos fantasmes…



Si les raisons sont très bien mises en valeur (raisons somme toute classiques), si la chute de Julien est bien appréhendée, si, surtout, le déploiement de ce monde et les facéties qui s’y déroulent rendent le livre très agréable à lire (j’ai aimé voir Gainsbourg notamment, « ami » de Vangel), j’ai trouvé cependant, par moment, qu’il survolait certaines notions abordées : les NFT par exemple. Ne vaudrait-il mieux ne pas les mentionner si c’est juste pour les survoler, sans explication ?

Ensuite, le texte comporte quelques clichés, de grosses caricatures, comme le parallèle avec Trump de Adrien Steiner. Le personnage complètement loufoque et mégalomane sent quelque peu le réchauffé et fait perdre de la crédibilité au récit.

Et, comme le souligne superbement Anna dans sa critique très érudite (@Annacan), l’analyse des liens de ce monde virtuel avec le monde réel manque de profondeur. A partir de la deuxième moitié du récit tout le focus est fait sur Vangel dans l’Antimonde, la façon dont il accède à la gloire via la poésie (c’est très, trop, rocambolesque) mais peu de liens sont faits sur l’implication de cette vie dans la vie réelle, sur l’entrelacement subtil entre les deux mondes, sur la folie engendrée par l’emprise de l’un sur l’autre, permettant de donner un supplément d’âme au récit.



Au final, Les liens artificiels est un livre très agréable à lire sur un sujet fascinant, le métavers. Il revisite l’allégorie de la caverne, ce monde virtuel que nous prenons pour vrai, enfermant les personnes plus qu’il ne leur permet d’accéder à la véritable connaissance sur soi et sur les autres. Le récit permet de bien cerner les motivations de cet enfermement volontaire et de réaliser à quel point, tant pour le concepteur que pour les joueurs, cette vie parallèle flatte notre narcissisme. Les quelques bémols soulignés n’enlèvent rien au plaisir de cette lecture, en plus d’avoir pu toucher du doigt concrètement cette notion de métavers. Un grand merci à @Aquilon62 à qui je dois cette lecture, sa critique riche de références, comme celle d’Anna, est à découvrir !



Définitivement, la seule cité céleste virtuelle qui permette de sortir de la caverne est très certainement la nôtre ici sur Babélio, non ? A moins que…

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Cette critique est susceptible d'être biaisée. Babelio ne garantit pas son authenticité

Les liens artificiels

Les liens artificiels de Nathan Devers, croque-mort des Lettres déguisé en sociologue.



Combien ce livre me déçoit, je ne saurais le dire vraiment sans désespérer tout-à-fait de la littérature (Ou la non-litterature) d'aujourd'hui. Non.



Voici donc un normalien de 24 ans, agrégé de philosophie qu'on nous présente comme le digne héritier d'un J.P. Sartre. Bon.

Tout va de travers dans ce roman, à commencer par ce style fade, presque administratif. J'ai eu l'impression de lire une histoire racontée par un professeur d'économie qui de sa vie n'a jamais écrit autre chose que des thèses sur la balance commerciale et la bourse des valeurs, insipides et ennuyeuses comme ses chemises trop repassées. On sent l'universitaire habitué aux dissertations, aux explications, mais vierge de toute effusion, de tout torrent intérieur.



Je n'ai jamais lu autrement qu'en amateur de poésie, que ce soit Nietzsche ou Baudelaire, Sartre ou Desnos. Tout grand livre, tout beau livre doit d'abord être un long poème, et le roman, par les échos qu'il peut multiplier à l'infini entre les chapitres et les scènes, entre les personnages et les décors, par un style chantant, par des images parlantes et une tension dramatique, peut être considéré comme un poème en prose. Du reste, des gens comme Mallarmé, Desnos, Hugo ou Queneau ont pleinement assumé le haut potentiel poétique du roman.



En cherchant, on trouvera aisément le Hugo des Contemplations dans Les misérables et Quatre-vingt-treize, fort de ses nombreux oxymores et antithèses expéditifs qu'on connaît bien. Le Mallarmé des Poésies est tout entier dans Les Pages ; le Desnos de Corps et biens est au complet dans La liberté ou l'Amour.

Style fade, disais-je. L'adjectif "électrique" revient quelques fois sous cette plume, mais qu'y a-t-il d'électrique en elle vraiment ? Rien.

Ce livre tire toute sa légitimité de sa modernité confondante, de son caractère de prophétie avant-gardiste. Ici, l'argument marketing est donc flagrant, comme si le fait de parler du monde présent et du futur, comme si inscrire une œuvre (Je tique en écrivant ce mot) dans l'actualité et les eaux troubles d'Internet dédouanerait son auteur de faire un travail d'écrivain. Il n'est pas encore question des impératifs auxquels tout romancier devrait soumettre son livre.



Ce que je cherche dans un livre, c'est d'abord une vision de l'Homme, une facette anthropologique de l'Humain que je ne connaissais pas ou que j'appréhendais malaisément. Je demande donc à chaque œuvre de me montrer l'Homme, de m'aider à le comprendre, à lui pardonner, à vivre dans des millions de corps, à visiter une pléthore d'âmes rien qu'en côtoyant quelques personnages riches et authentiques.

Chez Devers, rien de cela. Son personnage, Julien Libérat, loin de représenter l'Homme individualiste, lassé et orphelin d'idéal et de transcendance, loin de nous peindre la détresse des hommes du 21 ème siècle que la cupidité folle des patrons d'Internet s'empresse d'exploiter en en faisant autant de moutons bêlant après des algorithmes, tout ce qu'il montre à la clarté d'une lecture attentive, c'est l'échec constant et pathétique d'une écriture programmée, à l'image des réseaux sociaux et de l'Antimonde dont il s'entiche, non pour dire la vérité et lui donner ses droits, mais plutôt pour charmer les petits esthètes de Saint-Germain-des-Prés qui, sachant bien que la vraie littérature est morte avec Sartre et Aragon (1980-82), mais n'en laissant rien paraître, tant cet aveu coûterait à l'égo gargantuesque de ce petit monde qui croit encore que la France livresque rayonne dans le monde comme au temps des soirées de Médan, se rengorgent de la fierté d'avoir un écrivain, un vrai, tant les autres (Les Angottistes en couettes) se font un point d'honneur de ne jamais en donner le mirage, assumant la crasse et la sacralité de l'Intime qui mine tous leurs livres.



Je tiens d'abord pour responsable de ce marasme Houellebecq, sur l'autel duquel tous ces rentiers de la fausse littérature se touchent comme des sœurs vicieuses sur Jésus. Houellebecq a montré à toute une génération de plumitifs qu'il est possible de faire du roman sans jamais chercher la transcendance nécessaire à toute œuvre d'art, transcendance dont les canons sont : le Beau, le Vrai et le Juste dans le cas d'une littérature moraliste comme chez Hugo ou Barrès.

Houellebecq a dépossédé le roman de sa capacité à dire l'Homme intemporel en ancrant, ou plutôt en noyant tous ses personnages dans l'époque, en les condamnant à ne jamais dire, exprimer et montrer autre chose que les maladies et obsessions de notre temps. Ainsi, le romancier est pris au piège de son sujet. Il se laisse envahir par la merde qu'il prétend traiter en naturaliste roué. Voulant soumettre l'époque à sa plume, il se retrouve les fers aux pieds, noyé et affadi par les tares qu'il voulait exposer, éclaboussé par le sang des plaies qu'il désirait ausculter. Le sujet submerge l'auteur et finit par le transformer en acteur de sa médiocrité, en exemple d'une décadence qu'il était censé aborder en vainqueur. Cette infirmité, cette incapacité de s'élever de la boue de l'époque pour mieux en miroiter les reflets, empêchent l'auteur de placer son histoire dans le temps long. Dans ce genre de romans, on ne voit jamais l'Homme dans ce qu'il a de plus vrai, c'est-à-dire de plus intemporel. Pour qu'un personnage soit vrai, il faut qu'il soit aussi préhistorique que les demeures troglodytes et aussi actuel que le journal du jour. Il n'y a qu'à voir l'histoire entre Guillaume et Hersent dans La plage de Scheveningen que Paul Gadenne inscrit dans le marbre de l'histoire universelle en la comparant à celle d'Abel et Caïn.



Houellebecq n'a d'intérêt que dans le cas où la sociologie classique deviendrait trop paresseuse ou barbante. On ne lit pas Houellebecq pour exister autrement ou en apprendre plus sur l'humanité, non. Il a donc désappris aux écrivains à écrire de vrais romans, c'est-à-dire à composer des jeux langagiers à triple, quadruple fond.

Dans tout roman, il y a naturellement, en premier lieu, ce que j'appellerai "Le prétexte", ce qui justifie la narration. C'est d'abord le cadre spatio-temporel, l'histoire en elle-même, l'ambiance politique...etc. Ensuite, l'on pourrait distinguer ce que Houellebecq conserve dans ses romans : un réalisme sociologique qui met en relation causale "Le prétexte" - l'atmosphère et le cadre du roman - d'un côté, avec les comportements et attitudes de certains archétypes identifiables dans la société de l'autre.

Ce réalisme peut plus et moins que la sociologie : il a la liberté de passer à son aise de la sociologie à la psychologie et densifier, enrichir ainsi un type avec tout l'attirail psychologique et observationnel dont dispose le romancier. Il peut moins puisqu'il lui est impossible de mettre en formules limpides une vérité exhaustive et rigoureuse concernant toute la société. La dimension psychologique et investigatrice, même psychanalytique du roman l'empêche de s'élever réellement au-dessus des hommes pour considérer la société dans son ensemble. Jules Romains a essayé mais tout le charme des Hommes de bonne volonté réside dans l'attirance qu'on éprouve pour l'intelligence perçante d'un Jallez, pour l'optimisme volontaire d'un Jerphanion, mais l'unanimisme n'atteint jamais la subtilité des chapitres où Romains poursuit avec acuité les folies de ses personnages. Le singulier l'emporte sur le pluriel et c'est toujours l'Homme qu'on préfère aux autres, au peuple, à l'ensemble qui finit par faire sourire.



Malheureusement, les personnages et l'intérêt qu'ils doivent susciter contraignent le romancier à les traiter comme des objets uniques mais où peuvent se distinguer quelques reflets d'une vérité sociologique.

Nous voilà donc au 3 ème fond, l'arrière-fond, le vrai, nous voilà à la sève nourricière du roman. Tout ce dont je viens de parler ne sert que d'alibi à l'écrivain pour justifier de l'actualité de son roman et de sa place dans l'univers littéraire. Il utilise donc le désir, ou plutôt le besoin qu'on a de lire des choses qui nous concernent, il le convoque pour nous parler en vérité d'autre chose. Prétextes donc. Le romancier prend pour exemple son époque dans une démonstration anthropologique qui la surplombe, l'englobe, mais la traite comme un point dans l'espace, comme une borne naine dans une frise chronologique où s'enchaînent les siècles.

En ceci, le roman concurrence les livres sacrés, les prend pour modèles et s'inspire de leur force d'évocation. À partir de là, l'objectif n'est plus de mimer comme un imbécile amuseur de rue les pires travers de l'époque et d'en rire mais de les relier, les expliquer, les éclairer - en sus de l'apport du "Prétexte" à la compréhension de ces phénomènes - de les relier donc à l'histoire universelle des hommes. Il faut nous montrer en quoi le morveux addict à un jeu réaliste sur Internet est de la même espèce qu'Hannibal et Apulée, en quoi son addiction est la forme moderne d'un instinct, d'un désir, somme toute d'une vérité écrite sur la chair de l'Homme, sur sa destinée depuis la nuit des temps. Que partage ton personnage avec ceux de l'Odyssée et de la Bible ? Celui de Nathan ? Rien.



Je me réponds à moi-même, à demi railleur, que ceci est bien volontaire de sa part. Mais être conscient d'une tare n'en fait jamais un atout, et le roman est définitivement mort de sa douce et laide mort, douce puisque non-avouée, tue par de faux esthètes qui jouissent davantage du mirage d'un beau livre que d'une vraie expérience littéraire, laide puisque la prétention de ces gens-là, gardiens des Lettres, à mettre leurs pas dans ceux des plus grands est si pathétique qu'il serait scandaleux d'en rire, vraiment.



Pour la construction du roman, il faudrait repasser. C'est très mal construit. Les ponts causals sont plus que fragiles. L'évocation de la relation amoureuse et la rupture entre Julien et May au début du roman ne sert à rien. Elle peine à expliquer l'attitude du personnage principal, sa lassitude et la pente que prend sa destinée. C'est poussif. On ne croit pas une seule seconde à cette volonté de prendre sa revanche dans un monde virtuel - où tout ce qu'il désire lui est octroyé - sur le monde réel insatisfaisant et frustrant, pour la simple raison que toutes les bribes du passé de Julien que l'écrivain nous livre comme autant d'explications ne sont jamais convaincantes. Julien ne semble même pas très peiné quand la rupture est là, ou quand May lui annonce qu'elle part à New-York avec un autre.



C'est le défaut d'une littérature performative qui croit qu'en disant " Un tel est blessé, Martine se sent confuse, Daniel est déconcerté", aussitôt le lecteur en prendrait connaissance et dirait : d'accord mon coco, continue. Non. Il ne suffit pas de nous dire que Julien souffre ou est chagriné pour nous embarquer. Il faut nous les montrer, toutes ces émotions que l'esprit connaît mais que le cœur ne reconnaît pas. C'est d'ailleurs la différence entre la philosophie et la littérature. La première fait surgir la vérité des mots quand la seconde la cherche dans les images qu'elle s'évertue à tailler avec la pioche du langage. Nathan Devers raconte des histoires comme il exposerait une thèse philosophique. Quelle tragédie !



On nous dit que le personnage est perdu, las, presque malade, mais nous montre-t-on au moins une fois comment l'est-il ? Non. Les mots, toujours les mots, jamais l'image ! Toutes les scènes censées soutenir cette description psychologique ne révèlent pas grand-chose, ne suivent point d'ailleurs l'idée présidant à leur exposition.

On y voit un personnage perdu qui répond indifféremment à tout comme le ferait n'importe quel personnage de n'importe quel roman.



La partie narrant l'ascension d'Adrien Sterner (Entrepreneur ambitieux qui crée l'Antimonde) est trop longue, trop impersonnelle, trop attendue. Le personnage surpuissant et calculateur, ce stéréotype du self-made-man qui n'hésite pas à se référer à la Bible pour souffler sur son projet un élan créateur et mystique (À défaut de vraie transcendance, on a ça : un prédicateur en carton), cet archétype est aujourd'hui usé jusqu'à la corde. Je trouve même indécent qu'on puisse penser dire à travers ce dernier quelque chose de neuf.



D'Octave Mouret à Jean Barnery en passant par Haverkamp et Raymond Pasquier, l'archétype de l'entrepreneur ambitieux, frère de lait de Macron a les os rongés par le temps et l'usure des publications.

Enfin, je passerai sur la maigreur de sa personnalité que ne sauve même pas un génie dont on se doute des moindres trouvailles à venir, ce qui est le contraire du génie. Improbabilité et surprise où êtes-vous ?



L'épisode au chapitre 10 de la 2 ème partie, où nous voyons Julien aller donner son dernier cours au petit Michaël, gosse de riche indiscipliné et paresseux, avant de s'investir entièrement dans l'Antimonde, achève de nous convaincre que le livre a été bâclé, mal foutu, puisqu'il ne sert strictement à rien, ne renseigne sur rien. Julien disparaît du tableau et tout ce qu'on nous donne à voir c'est le reflet brumeux d'une esquisse hâtive de ce pourri gâté de Michaël. Nous renseigne-t-il donc sur le passé de professeur de musique de Julien ? Non. Nous aide-t-il à comprendre pourquoi il s'inscrit dans l'Antimonde et voue ses jours à ce jeu de réalité virtuelle ? Non plus.



J'arrête là, car à force d'énumérer les manquements, de répertorier les maladresses d'un universitaire qui s'improvise sans succès romancier, j'en oublie que l'objectif premier, le dessein d'un tel livre n'est pas de dire la vérité ou de la faire dire au lecteur, tâche qui exige une grande rigueur, une tyrannie dans le choix et l'agencement des scènes et des chapitres, une traque minutieuse de tout superflu, de toute évocation relevant de l'anecdote, de la fioriture. Non. L'objectif est de charmer le public esthète qui pleure en cachette sa littérature d'antan mais sera toujours prêt à encenser, à gratifier de mérites donnés d'une main prodigue (Il n'y a qu'à voir l'engouement d'un BHL, ancien sbire de Sartre et de Barthes pour ce Jouvenceau), à crier au génie pour peu qu'on lui donne des mots rares, quelques métaphores bien tournées et sibyllines à souhait et l'apparence d'une littérature spéciale, ésotérique, faisant mine d'exclure de son horizon d'attente tous ceux qui ne possèdent pas les Lettres, quand elle ne sert en vérité qu'à faire croire à certains qu'ils font partie, comme jadis les habitués des après-midis de Mallarmé, des élus auxquels leur savoir permet de goûter aux divines délices d'une œuvre dont ils ignorent l'affligeante morosité sous le soleil.



Qu'un dieu, quel qui soit, me garde de lire des torchons de ce genre à l'avenir. Qu'un oblat prie pour moi et je serai alors le plus heureux des hommes. Un oblat, pas un moine je vous prie !

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Les liens artificiels

« Nous ne sommes plus des hommes, mais des nombrils hurleurs. On raconte sa vie, on like et on dislike. On essaie vainement d’attirer l’attention. On s’écoule, comme les autres, dans ce stock incessant où toutes nos vanités s’entassent comme des ruines. »



Le héros du livre, Julien Libérat, est l’un de ces innombrables nombrils hurleurs s’efforçant d’attirer l’attention, en vain. Tiraillé entre l’injonction de réussir sa vie et l’insatisfaction chronique qui caractérise celle-ci, entre son désir de création artistique et la réalité de son « bullshit job », entre son désir de communion avec sa bienaimée et la réalité de leur séparation, il traîne sa déprime dans les rues désertes de sa récente ville d’adoption : Rungis. À cet égard, il est une figure prototypique de nos sociétés démocratiques contemporaines qui, en promouvant l’égalité pour tous et la récompense au mérite, ont dans le même temps, et bien involontairement, créé un taux de frustration inégalé. Ainsi que le rappelle Gérald Bronner dans Apocalypse cognitive, la frustration est inséparable de la démocratie. Elle en est même l’une des conséquences les moins prévisibles. Alexis de Tocqueville, fin observateur de la jeune République américaine, l’avait, en son temps, parfaitement compris, lui qui fut saisi par l’étrange mélancolie qui semblait frapper ces heureux citoyens au milieu d’une abondance de biens :

« Quand toutes les prérogatives de naissance et de fortune sont détruites, que toutes les professions sont ouvertes à tous, et qu’on peut parvenir de soi-même au sommet de chacune d’elles, une carrière immense et aisée semble s’ouvrir devant l’ambition des hommes et ils se figurent volontiers qu’ils sont appelés à des grandes destinées. Mais c’est là une vue erronée, que l’expérience corrige tous les jours. »

La frustration atteint son paroxysme dans des sociétés ultra connectées comme la nôtre, où la gigantesque quantité d’informations disponibles, une quantité qui jamais, dans l’histoire de l’humanité, ne connut une telle ampleur, met à la portée visuelle de tous la vie des autres. Ces autres, célébrités éphémères ou plus durables, people aux vies chatoyantes, hommes d’affaires, sportifs, artistes, hommes d’Etat, ont en commun une chose : celle de s’être élevés au-dessus de la masse indifférenciée de leurs concitoyens, qui, eux, continuent, dans un mélange d’indignation et de résignation, à barboter dans les eaux saumâtres de l’insignifiance.



C’est probablement la peur de l’insignifiance, c’est « la misère attentionnelle », pour reprendre un terme de Gérald Bronner, dont souffre Julien Libérat, qui le poussent, sous une impulsion subite, à ouvrir un compte sur le nouveau jeu en ligne d’un genre particulier qu’est l’Antimonde. Ce jeu, créé par Adrien Sterner, un visionnaire autoritaire et mégalomane se prenant pour Dieu — il nous livre à plusieurs reprises son interprétation toute personnelle des Évangiles — s’appuie sur le mécanisme des boucles addictives — activation des circuits de la récompense - libération de dopamine - plaisir éphémère — mécanisme bien connu des grands opérateurs du Net qui l’exploitent à merveille, tout en jouant habilement de la frustration de l’homme contemporain.



« Connaissez-vous l’Antimonde? Le seul jeu vidéo que vous allez préférer à la vie ! (…) Puisque votre vie n’a pas l’air palpitante, je suis heureux de pouvoir vous en offrir une deuxième. Place à votre anti-moi, bienvenue dans l’Antimonde ! »



Rien de révolutionnaire jusque-là. Mais là où l’Antimonde commence à se démarquer de la masse des jeux vidéos, c’est qu’il ambitionne d’être un métavers. Le métavers, contraction de « méta » et « univers », terme inventé par l’écrivain de science-fiction Neal Stephenson, désigne un monde virtuel dans lequel on interagit avec son environnement et avec les autres joueurs grâce à un casque de réalité virtuelle, ce qui crée un niveau d’immersion jamais atteint auparavant. Le métavers, « expression ultime des technologies sociales » dixit Mark Zuckerberg qui a décidé il y a moins d’un an de changer le nom de la maison-mère de Facebook en Méta, existe déjà. Mais, et c’est là que le livre de Nathan Devers bascule subrepticement dans l’univers de la science-fiction, l’Antimonde n’est pas un métavers reproduisant de manière plus ou moins réaliste une réalité partielle, il est LE métavers. Il reproduit à l’identique la réalité, toute la réalité, dans ses moindres détails. Il n’est rien de moins que la réplique virtuelle exacte de notre monde, une sorte de planète B, en somme.



Dans l’Antimonde, l’anti-moi n’est pas dépaysé puisqu’il se retrouve dans un environnement qui ressemble à s’y méprendre à l’environnement réel. Quel intérêt, me direz-vous? Eh bien, celui de vivre une seconde vie. Dans l’Antimonde, l’éventail des possibles est beaucoup plus vaste que dans la vie réelle. Vangel, l’anti-moi de Julien, peut discuter chaque soir avec le PNJ (personnage non joueur) de Serge Gainsbourg, son idole. Il peut également, s’il le souhaite, assouvir tous ses fantasmes y compris celui d’assassiner, celui de forniquer à tout-va, celui de se payer les chambres d’hôtel les plus luxueuses, de voyager dans des Jets privés, celui de gagner plein de fric, celui d’être enfin reconnu comme un Artiste, celui d’accéder au statut de célébrité planétaire, etc, etc… Aucun scénario écrit à l’avance ne préside à sa destinée. Son histoire, c’est lui qui l’écrit à mesure qu’il la vit par l’intermédiaire de son avatar, son double dans la peau duquel il se glisse grâce au casque de réalité virtuelle et à la combinaison idoine.

Cependant, aucun des individus, de plus en plus nombreux, qui peuplent l’Antimonde, ne peut espérer en attendre des retombées dans la vie réelle. Le créateur du jeu, Adrien Sterner, soucieux que sa créature ne lui échappe pas et continue à engendrer profits sur profits, a tout prévu : le plus strict anonymat est requis, sous peine de voir son compte définitivement supprimé. Et c’est ainsi que les individus comme Julien, tenaillés par la peur de l’insignifiance, aiguillonnés par un besoin aigu de reconnaissance se retrouvent pris au piège de l’Antimonde. Soit ils font tout pour durer dans le jeu, ce qui, dans le cas de Julien et compte tenu des manipulations de Sterner, est en réalité bien plus difficile qu’il ne se l’imaginait au départ, et s’apparente, de surcroît, à une course de plus en plus effrénée et chronophage ne menant nulle part, soit ils retombent dans l’insignifiance de leur vie réelle, autant dire dans le néant.



Si l’auteur a su faire preuve dans ce livre d’une audace indéniable, nous délivrant un récit crédible sur les dérives des nouvelles technologies sociales en s’appuyant sur un phénomène extrêmement récent, le métavers, s’il nous sert un récit enlevé servi par un humour souvent décapant, j’ai trouvé que le scénario souffrait d’incohérences et que le propos, cédant parfois à la facilité, manquait de profondeur. J’attendais, pour ma part, davantage d’interactions entre le monde virtuel du métavers et le monde réel, des interactions ouvrant sur le récit du lent et inéluctable décrochage de Julien, de sa relation de plus en plus chancelante à la réalité. Or, ce récit n’a pas lieu. Regret d’autant plus grand que Nathan Devers cite Philip K. Dick, qui en a fait la matière de certains de ses plus grands livres. Le rapport schizophrène que Dick entretenait avec le réel, que j’évoquai dans ma critique de Ubik, me semble être une préfiguration de ce qu’une part non négligeable d’êtres humains vit déjà et vivra dans des proportions de plus en plus inquiétantes à l’avenir. L’objet du livre de Nathan Devers, à savoir l’exploitation d’un phénomène qui n’en est qu’à ses prémisses, le métavers, qui, à bien des égards, ressemble à une matérialisation du mythe de la caverne de Platon, aurait pu être une magnifique occasion d’explorer cette passionnante question.

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Les liens artificiels

Pauvre Julien. Professeur particulier de piano, planté par sa copine, il se résout à se replier sur Rungis , faute de moyens suffisants pour rester un parisien. C'est tellement la loose qu'il se suicide en direct.



Quelques temps auparavant, dans un de ses multiples moments d'oisiveté, la pub de l'antimonde lui tombe dessus. Il se décide , puisque c'est gratos , de créer son avatar et d'explorer ce monde virtuel qui ressemble bougrement à celui qu'il fréquente mais où la loose n'est plus collée à ses basques.



Un roman ambitieux et sans doute réussi, en tous les cas pour moi.

Comment ne pas rêver même à travers un jeu, de reconstruire sa vie ou d'en vivre une virtuelle . Avec un peu de chance y rencontrer une de ses idoles mortes !



Le livre est ambitieux et derrière le business de l'antimonde se pose bien sur le rapport aux outils informatiques que développe notre société . Je mets le mot informatique plutôt que réseau, la notion me semblant plus juste .

L'auteur , avec parfois beaucoup d'ironie, dézingue le tout en grossissant le trait et en faisant intervenir quelques personnages réels aux avis tranchés , Finkelkraut par exemple.

Alors , on pourra objecter un livre un peu facile , aux grosses faciles que n'aurait pas reniées James Dashner par exemple. Pour autant, derrière chaque action dans l'antimonde , il y a le jugement de l'auteur , une vision de la moralité de l'ensemble que l'on cautionne ou non.

L'addiction, la déconnexion de la réalité ont amené ces dernières années des massacres , ouvertement revendiqués comme engendrés par des expériences numériques par les barjots qui les commettent.

Ce livre expose une facette des dangers numériques et le fait très bien.



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Les liens artificiels

Le roman de Nathan Devers, "Les liens artificiels"(Albin Michel) inscrit sur le liste du prix Goncourt est l'un des moins mauvais romans français de la rentrée littéraire 2022.





N'en déplaise aux critiques négatives, respectables pour celles qui sont sincères, l'auteur fait montre de l'intelligence du pessimiste raisonnable par la description de la désolation du monde tel qu'il est et où il va - des travers du métavers à la folie de ses adeptes ignorants et subsistant par procuration.





L'objectif de Nathan Devers n'était pas d'écrire un essai philosophique, ou de plagier Michel Houellebecq, mais de montrer, au moyen d'un roman facile à lire, bien écrit , clairvoyant et distrayant, une réalité atrocement effrayante et détestable.





Je conseille ce livre de ce jeune auteur particulièrement brillant.





Bonne lecture.





Michel




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Les liens artificiels

Demi-plaisir et demi-déception pour le dernier livre de Nathan Devers, Les liens artificiels. Plaisir pour le côté iconoclaste de l’auteur qui glisse ça et là des remarques à couper le souffle, mais, déception pour l’intrigue et la narration que j’ai trouvées lourdes.



Le roman commence par le suicide en direct sur les réseaux sociaux de Julien Libérat, un début fort, vous en conviendrez, qui appelle une suite tout aussi intense. Hélas, le soufflé retombe rapidement et c’est bien dommage.

Bien sûr, j’ai retrouvé la facette facétieuse de l’écrivain que j’avais aimé dans Espace fumeur. Justifier l’anonymat sur les réseaux sociaux en s’appuyant sur La cité de Dieu de saint Augustin, franchement, je ne l’avais pas vu venir et ça, j’adore !



Pour le reste de l’histoire, je suis plus dubitative. À moins que je sois totalement insensible au thème abordé, jusqu’ici aucun roman qui aborde l’activité sur internet n’a trouvé grâce à mes yeux. Mais le sujet est-il aussi intéressant que ça ?



Autre reproche, la narration est un peu lourde : explications plus ou moins techniques au travers d’Adrien Sterner, suivies de l’histoire de Julien.

J’ai néanmoins adoré retrouver Serge Gainsbourg, animé par une intelligence artificielle et le style de Nathan Devers est somptueux.


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Les liens artificiels

**** Rentrée Littéraire 2022 #6 ****



L'auteur, est né à la fin des années 90, et appartient à la première génération qui n'aura pas connu le monde sans les écrans. Qui aura découvert le réel à travers le virtuel. Une génération ensemble et séparée. Tout le monde est connecté, tout le monde est solitaire.



Nathan Denvers commence son roman par une scène paradoxale. En direct, sur facebook, dans le plus grand silence, Julien ouvre la fenêtre de son appartement, regarde sa caméra en selfie et se suicide. Le suicide, c'est l'acte par excellence de l'autodestruction, et le selfie, c'est l'acte par excellence de l'affirmation de soi. Une mort à la fois en s'affirmant et en s'autodétruisant, à la fois sur les écrans et sur la vie, la mort elle-même est virtualisée. Une banalisation du mal.



Débute ensuite une analepse. L'histoire de deux hommes qui ne se connaissent pas et qui n'ont rien en commun. D'une part Julien Ribérat, un jeune homme qui a presque 30 ans, et déjà au bout de sa vie. Il est professeur de piano et ne supporte plus son métier. Il rêve d'être chanteur et pour couronner le tout il devient addict aux écrans. Il passe sa vie à sroller sur les réseaux, avec un sentiment de plus vivre. Et d'autre part, Adrien Sterner, le grand architecte du monde de demain, qui au contraire est une sorte de milliardaire prophétique, qui passe sa vie à relire la bible, plus particulièrement le nouveau testament, surtout l'apocalypse de Jean. Ce texte qui exprime la naissance de l'idée de paradis dans l'histoire de l'occident. Visionnaire, un peu à l'image de Steve Jobs, d'Elon Musk, de Zuckerberg et qui est l'inventeur de « l'Antimonde ». Le premier métavers grandeur nature. Une plateforme virtuelle en 3D immersive, qui réplique la totalité de la planète terre auquel on accède en mettant un casque de réalité virtuelle, une combinaison, et qui permet de vivre une seconde vie à travers son avatar, dans un monde totalement virtuel, inexistant. Une vie plus folle, plus libre, plus riche, exploiter des perspectives qu'on n'a pas dans notre vraie vie.



L'auteur nous dresse le portrait de notre génération où le virtuel et le réel se réverbèrent, se mélangent, s'inversent et se pénètrent l'un l'autre sans cesse. Et même si technologiquement, le métavers est quelque chose de nouveau, ça ne fait que réactiver la pulsion la plus ancienne qui soit de l'humanité, la plus enracinée dans la condition humaine... le désir d'ailleurs, le désir de paradis, le désir d'une autre réalité et qui s'exprime dans la religion à travers le paradis, d'inventer un autre réel.



« Les liens artificiels » est un roman vertigineux, à la dimension de questionnement philosophique, à la fois poétique, musical, et apocalyptique avec une touche d'humour. La poésie et la musique occupent une place très importante à travers l'histoire de ce Julien, un peu poète, qui rêve d'être chanteur, et grand admirateur de Gainsbourg. L'apocalypse du réel à travers ce métavers, cette époque qui dépasse l'empire de la réalité et qui en finit avec les choses pour les remplacer par des mirages, par du fake, par des hologrammes, par des écrans etc... et apocalyptique aussi parce que l'apocalypse biblique est très présente dans le roman.



Au travers de ce roman, le rôle de la littérature est de se compromettre, de sortir de son espace naturel, d'aller là où elle n'a pas sa place, de se frotter à ce qui la menace. A l'heure où l'on dit toujours que les écrans menacent peut-être la lecture, menacent peut-être les livres, il est important de réconcilier les écrans et les livres. Malgré un sujet antilittéraire, Nathan Denvers essaie de faire sortir le roman de sa zone de confort, pour l'emmener là où il ne pouvait plus aller.



Cette histoire et une comédie racontée par un homme qui pleure, ou une tragédie racontée par un homme qui rit. Un peu comme les clairs-obscurs en peinture. C'est un livre « triste-drôle » à la fois.

A tous les rêveurs, à tous ceux qui ne sont pas satisfaits par la réalité, qui rêvent d'une autre vie, d'une autre identité, d'assouvir des rêves, une part d'eux-mêmes qu'ils n'ont pas pu accomplir et réaliser dans leur existence concrète. A tous ceux qui sont imprégnés dans l'océan des écrans, dans le tsunami des réseaux sociaux, dans ce monde de like, ce monde de story, de compte, d'ami virtuel, qui peuvent avoir l'impression d'une façon tout à fait naturelle que c'est un peu les livres contre les écrans. Quand on n'est un peu comme ça imprégné par les écrans, qu'on n'a pas l'impulsion naturelle d'aller vers un roman où on peut avoir l'impression que c'est un peu l'un contre l'autre. Avec « Les liens artificiels », Nathan Devers réussit à faire rentrer les écrans dans les livres, et faire sortir les livres d'eux-mêmes pour aller vers les écrans....un gros coup de cœur !

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Les liens artificiels

Créer sur Internet des mondes virtuels, pour les substituer ou les juxtaposer au monde réel ! C’est un objectif sérieux pour des spécialistes en technologies numériques. C’est un sujet de préoccupation pour des philosophes. C’est depuis longtemps un champ d’inspiration pour une littérature de science-fiction réservée à ses amateurs. Et voilà que la littérature dite générale s’y intéresse à son tour.



Il y a deux ans, le prix Goncourt récompensait L’Anomalie, où l’on émettait l’idée que notre monde pourrait lui-même être une simulation conçue dans un avenir éloigné. Cette année, l’un des candidats au titre a anticipé l’existence d’un métavers sophistiqué… Le terrain était tentant pour Nathan Devers et son premier (ou deuxième ?) roman, Les liens artificiels. Ce tout jeune intellectuel français bardé de diplômes est déjà bien en cour dans les cénacles politico-philosophico-littéraires, et il n’est pas rare de voir son visage lors de tables rondes sur les télés d’infos en continu.



Mais qu’est-ce donc qu’un métavers ? Tout simplement un jeu virtuel en 3D, auquel l’internaute participe par l’intermédiaire d’un avatar, un personnage virtuel qu’il a créé et qui lui est personnel. Les jeux vidéos des années quatre-vingt-dix et leur iconographie très rudimentaire étaient les précurseurs des métavers. Dans Les liens artificiels, celui que l’auteur imagine est bien mieux élaboré : « l’Antimonde » est une reproduction parfaite, au moindre détail près, du monde réel.



Le roman met en scène un jeune homme, Julien, dont les raisons d’exister sont en train de perdre tout leur sens. Viré par sa compagne après cinq ans de vie commune, il s’est exilé faute de moyens dans une banlieue éloignée et sans caractère. Musicien, il gagne à peine de quoi vivre en donnant des leçons de piano. Il reste déterminé à composer un album de chansons, mais jour après jour, il procrastine sur les réseaux sociaux, où il perd son temps et ce qui lui reste d’âme.



L’autre personnage principal est le créateur de l’Antimonde ; Adrien est un homme d’une intelligence et d’une culture supérieures, mais il est aussi narcissique et pervers, au point de vouloir dominer et manipuler l’humanité grâce à son métavers, dont il fait la promotion sur les réseaux sociaux.



Julien va découvrir l’Antimonde, y ouvrir un compte et se lancer à corps perdu — si l’on peut dire ! — dans l’aventure, par le biais d’un avatar qui en deviendra un acteur essentiel. Ce nouveau monde virtuel lui permettra-t-il de faire fortune ? De faire reconnaître ses talents d’artiste ? En tout cas, Julien et Adrien finiront par être fascinés l’un par l’autre.



Les liens artificiels est un livre original. La fiction est bien documentée et malgré quelques inévitables incohérences sans importance, elle s’intègre bien dans l’histoire récente des savoir-faire numériques et de la réalité simulée. La narration est accrocheuse. L’auteur stimule l’intérêt du lecteur par de bonnes questions, mais celles-ci ne trouvent pas les développements « décoiffants » qu’on pourrait espérer. Chaque chapitre se résume à une sorte de sketch, dont la chute est banale ou prévisible. Beaucoup d’imagination, une inspiration parfois morbide et un léger manque de sens romanesque.



La narration est accompagnée des commentaires prospectifs habituels sur les dérives des réseaux sociaux, du déclin des civilisations qui leur accordent une importance démesurée… L’auteur n’hésite pas à faire parler des personnalités, mortes et vivantes ; des pastiches amusants, mais timides, comme s’il ne fallait pas aller trop loin dans l’impertinence.



L’auteur maîtrise parfaitement l’écriture, variant le style selon les personnages et les intrigues. Lorsqu’il faut toutefois adopter le vocabulaire de personnes ordurières, qu’il est difficile d’être crédible ! Enfin, bravo pour les alexandrins, même sans rimes ; mais ils ne révolutionnent pas la poésie.



La réalité augmentée existe déjà, les paradis artificiels aussi. La vraie vie ne serait qu’un miroir aux alouettes, où chacun s’illusionnerait sur la place qu’il pourrait prendre… Je retiens aussi une idée intéressante et cocasse pour mettre fin au conflit israélo-palestinien.


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Espace fumeur

Un coup de cœur pour ce livre brillant, iconoclaste et un rien potache.

À lire si vous êtes fumeur, ancien fumeur ou si, dans votre entourage, vous avez des fumeurs qui ne se laissent pas convaincre de mettre fin à leur addiction.

Écrire un éloge de la cigarette en 2021 ? Dois-je vous faire un dessin ? Ceci étant dit, la morale contemporaine est sauve, l’auteur a arrêté de fumer. Sa méthode ne m’a pas été d’une grande aide, mais qui sait ? Elle fonctionnera peut-être pour vous si vous l’adaptez.

Nathan Devers s’interroge sur le fait que peu d’écrivains ont écrit sur la cigarette alors que certains n’ont pas hésité à évoquer d’autres substances — illicites celles-là —, il raconte et analyse la nouvelle de Pierre Louÿs : Une volupté nouvelle que je vous laisse découvrir, en lisant la nouvelle elle-même ou Espace Fumeur. Il m'a aussi fait sourire avec un "scribouillard" oublié Maurice de Fleury.

Un livre facile à lire et plein de trouvailles.


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Les liens artificiels

Julien, un jeune musicien de 28 ans, s'ennuie dans sa banlieue grisâtre et sans âme. Il occupe un minuscule studio à Rungis, ville bordée par l'autoroute.

Il vient de subir une rupture amoureuse et n'a quasiment pas de relations sociales.

C'est une sorte d'antihéros version Houellebecq et de beaucoup de romans contemporains de littérature française avant Madame Bovary, on s'ennuie avec lui. On vit pleinement sa morosité, sa déprime, on compatit à son manque de perspective.

Mais là où le récit devient intéressant, c'est lorsqu'il découvre le jeu de réalité virtuelle nommé Heaven, un métavers qui duplique le monde réel à l'identique de celui dans lequel nous vivons. Il s'agit bien d'un jeu ou toutes les actions les lieux les personnages sont irréels, virtuels, appelés anti humain, c'est l'Antimonde.

Une copie de notre monde qui offre toutes les actions, toutes les identités possibles. Une sorte de jeu ou l'être devient protéiforme et même le contraire de ce qu'il est dans la vie réelle.

En quelques clics et peu d'efforts le jeu enrichit les joueurs. Dès lors comparé à la vie réelle, impossible de ne pas développer des addictions et le désir toujours plus fort d'en avoir plus et plus encore. L'auteur compare ces joueurs aux travailleurs qui vont travailler laborieusement tous les matins pour un salaire dérisoire comparé aux fortunes rapidement et facilement acquises du métavers.

En cela, c'est une double critique du capitalisme financier et numérique, l'argent facile, et de l'exploitation de l'homme dans l'économie réelle.

Créé par un mégalomane psychopathe mais néanmoins visionnaire, Adrien Sterne, auquel Google déroule le tapis rouge, le jeu donne un second souffle de vie et anime notre Julien comme des millions de joueurs à travers le monde.

C'est ainsi que ce monde virtuel prend le pas sur le réel de Julien, ce monde imaginaire et magique où tout est possible et tous les désirs, des plus nobles à ceux qui font appel aux plus bas instincts peuvent être assouvis, le contraire de la réalité qu'il s'est fabriquée.

Un saut dans la toute-puissance, d'un anti-héros Julien n'a qu'un pas à faire pour devenir le super héros adulé des foules, musicien star de notre époque, une transformation radicale permise par le jeu créé par un démiurge, dieu de l'Olympe du web, calculateur (Sterner, le créateur) qui manipule ses sujets à son gré, Il fait et défait les destins, Julien en fera les frais à ses dépens.

Pour pallier les manques du monde réel, Julien s'engouffre dans ce jeu et nous entraîne avec lui dans ses réalisations les plus folles, la fable fonctionne bien et on suit avec intérêt ses péripéties ainsi que ses grandes et drôles aventures, Julien s'est bien amusé et est devenu accro.

On attend la suite à chaque chapitre, on rit bien aussi dans la scène où Julien, devenu Vangel, son avatar, affronte Donald Trump à la maison blanche aussi bien que lorsqu'il produit la chanson qui va le propulser au rang des plus grands et dans l'émission littéraire de Busnel où les protagonistes s'affrontent comme des marionnettes.

Tous les avatars peuvent être manipulés à souhait par les avatars eux-mêmes selon leur mission et par le démiurge.

On s'interroge sur les implicites du récit. La réalité est-elle si insupportable en tous points pour qu'un homme que l'on peut comparer à certains patrons des GAFAMS puissent mener les humains à devenir des antis humains, s'oublier dans le jeu virtuel, oublier le réel pour aboutir au néant et nier par là-même la vie qui a été donnée, et qu'en est-il des liens sociaux sont-ils vraiment si artificiels pour jeter ainsi le bébé avec l'eau du bain ?

Les GAFAMS ont-ils cette puissance et ce pouvoir de soumettre les êtres à leur créations virtuelles que l'on croit dérisoires parfois ? Les rendent-ils vraiment capables de s'anéantir à ce point ? Va-t-on se soumettre ainsi aux machines, va-t-on tous devenir des sortes de robots augmentés soumis aux nouveaux démiurges de l'économie du web et confondre le virtuel et le réel comme le fait Julien ?

Vont-ils vraiment nous amener à être « ensemble » tous sur le jeu, le réseau, mais « séparés » par les écrans, la volonté des puissants, etc, mais aussi seuls qu'avant si ce n'est plus, à recevoir nos doses de dopamine par écrans interposés et à déserter nos vies pour des créations technologiques tentaculaires qui nous envahissent à l'instar de celle de Sterner qui passe de l'Antimonde au Multimonde, avec toujours plus d'appât de gains et de puissance à la clé avec le monopole garanti ?

L'exposé de Nathan Devers sur les nouvelles technologies est intéressant et a au moins le mérite de nous titiller.

Cette dématérialisation extrême ne présage pas la mort d'un monde, des êtres ?

En tout cas ce roman a le mérite de poser des questions, il est plutôt polymorphe et intègre différents genres, du documentaire avec quelques questions théoriques sur la réalité virtuelle, le web, l'économie, la littérature bien sûr face à la réalité virtuelle, le devenir de la culture, de la musique, présente tout au long du roman, celui de la littérature qui s'écrit sous nos yeux.

Il peut être également un thriller, d'autant plus qu'il touche des problématiques actuelles et à venir dans un futur proche, on en a froid dans le dos d'autant plus qu'on perçoit chaque jour la réalité qui s'estompe au profit du virtuel, de la dématérialisation.

En tout cas l'intrigue nous immerge vraiment dans le jeu comme si on était nous-même dans le métavers, en cela la littérature est encore capable de rivaliser avec le jeu vidéo et nous apporte elle-même notre dose quotidienne de dopamine.

Les bémols du roman sont une absence de structuration des pensées qui nous embrouillent parfois et on a du mal à passer d'une idée à une autre. Mais l'intrigue elle-même est prenante et des questions se posent.







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Les liens artificiels

Julien est prof de piano, fraîchement séparé de sa compagne, il vit à Rungis et tue l'ennui et sa colère en scrollant sans fin des vidéos sur internet.





C'est par hasard qu'il tombe sur une publicité pour "l'antimonde" un jeu video en ligne où il s'inscrit sans attendre.

Caché derrière son avatar Vangel, il va faire fortune dans l'univers du metavers . Mais quels en sont les véritables risques ? Et pour conjurer l'apocalypse informatique, quoi de mieux que la rébellion par la poésie?



C'est là toute la question à laquelle essaye de répondre Nathan Devers dans « Les liens artificiels .



Philosophe de formation, Nathan Devers fait écho à des problématiques très actuelles et métaphysiques, directement liées à nos dépendances narcissiques aux réseaux sociaux et au virtuel



L’écriture touche par sa fluidité et l’on passe un bon moment tout en se demandant sur si ce que l’on lit ressemblera vraiment à notre futur.



Nathan Devers fait mouche dans cette ère post-covid où chacun est un peu plus connecté qu’avant.



UN roman autant profond que facile d'accès; qui a longtemps figuré sur la liste du Goncourt...




Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Les liens artificiels

Une détestable daube, n'ayons pas peur des mots.

Une pâle copie de Houellebecq, sans style, inintéressant, à croire que les maisons d'éditions ont des étrons dans les yeux. Invraisemblable de publier et de médiatiser un recueil aussi inutile. Et la dégaine de l'auteur est insupportable. Fuyez !
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Les liens artificiels

Le 7 novembre 2022, Julien Liberat se suicide en direct sur Facebook. Qu'est-ce qui a mené cet obscur jeune professeur de piano à ce geste désespéré ? Et pourquoi partager ses derniers instants avec des milliers d'Internaut ? Pour le savoir, il faut remonter quelques semaines en arrière. Julien, 28 ans, ancien surdoué du conservatoire, mène une vie décevante à ses yeux . Ses cours particuliers de piano ne sont pas à la mesure de ses compétences et son boulot ne lui apporte aucune satisfaction. Enfermé dans un rythme social digne d'un étudiant, il occupe un petit studio à Rungis, ville sans intérêt, et rumine sur sa rupture amoureuse avec May, la seule femme avec qui il aurait pu construite quelque chose. Fan de Bach et de Gainsbourg, il rêve de publier un album depuis des années mais là encore, les refus et les déceptions s'enchaînent. Au début de l'été, désoeuvré et déprimé, il se connecte à un nouveau jeu en ligne, l'Antimonde. Ce jeu, créé par Adrien Sterner, promet à chaque joueur, sous couvert d'anonymat, d'accéder à une autre existence et d'obtenir une quête d'évasion jamais égalée. Julien se connecte. C'est le début d'une nouvelle vie sous les traits de son avatar Vangel.



Nathan Devers, avec « Les liens artificiels », exploite un sujet d'actualité très à la mode : le métavers. Ou comment les déçus du réel peuvent se glisser dans la peau d'un autre et vivre autrement dans un monde virtuel. Julien illustre ces personnes qui s'immergent totalement dans un monde fictif mais ô combien plus passionnant, jusqu'à oublier leur vie réelle. C'est le personnage principal – avec son avatar Vangel bien entendu, mais pas le plus intéressant. Celui qui a suscité le plus mon intérêt reste Adrien Sterner, mélange de Zuckerberg, Musk, Bezos et de Dieu bien sûr, sorte de génie narcissique, mégalo et paranoïaque. Autour de ces deux personnages gravite donc un monde totalement virtuel où les morts ressuscitent et où le pognon se gagne très facilement à coup de likes et smileys. Un monde où bien évidemment on vit un rêve éveillé et où au final, on ne fait que reproduire le monde réel. Triste bilan.

Mais une fois qu'on a dit cela, cela tourne un peu en rond cette histoire. Il y a de l'imagination, c'est sûr, mais pas d'originalité. Cela devient même parfois un peu un fourre-tout de tout ce qui se dit et s'entend sur les risques et dangers des réseaux virtuels et sociaux depuis déjà un certain temps. On a droit aussi à quelques tirades sur les autres maux de la société actuelle. L'intervention de vraies personnes dans l'histoire, comme Beigbeder ou Anne-Sophie Lapix par exemple, c'est également du déjà vu chez d'autres auteurs. Quant au style, rien de bien original non plus. En même temps, l'humour est de mise alors on ne va pas faire des ronds de jambe à chaque phrase. Mais quand même.

Nathan Devers a mis tout ce qu'il aime dans cette histoire : les références religieuses - #cnews, Bach, Gainsbourg. Aucun avis négatif là-dessus, c'était toujours bien amené dans l'intrigue. Mais alors, que retenir de ce livre ? Et bien pas grand-chose pour ma part.

Au final, je ne dirais pas que je n'ai pas aimé ni que j'ai aimé. « Les liens artificiels » est un roman qui se lit relativement bien -quelques longueurs tout de même, qui propose de l'action et des rebondissements mais qui n'apporte rien de nouveau sur le genre utilisé et la thématique exploitée. Car toutes les analyses – mystiques ou modernes, qui sont faites sur la conception de ce monde virtuel et réel où les gens vivent leur vie à côté des autres – le fameux leitmotiv du « ensemble et séparés », on en parle déjà depuis très longtemps…
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Les liens artificiels

J’ai aimé la construction, l’écriture (j’aime les subjonctifs), et aussi le sujet préoccupant des réseaux sociaux.

C’est donc ce jeune Nathan- Rastignac à la tête bien faite qui squatte l’univers cathodique et à qui on demande l’avis sur tout et sur rien , qui fréquente les réseaux sociaux, et qui en dénonce avec talent les excès.

Julien , un jeune homme , habite Rungis où il donne des cours de musique. Il compense sa vie morne sur Internet , jusqu’à ce qu’il découvre un réseau social différent de ceux consultés ; c’est un nommé Sterner qui le dirige, il a créé un monde parallèle peuplé d’avatars plus vrais que nature . Julien devient Vangel, il vit par procuration des moments exaltants, devient riche, adulé par des foules ancrées derrière leurs ordinateurs, tout comme lui quand il est Julien dans la vraie vie. Mais dans ce monde inventé, la disgrâce a cours aussi et dès les premières pages on sait que cela finira mal. Un saut de l’ange déchu en quelque sorte.

Cette dystopie, bien proche de nous en fait est terrifiante mais heureusement teintée d’ironie, on comprend pourquoi Beigbeder a encensé ce bouquin, pourquoi Finky l’a certainement boudé, l’auteur de 24 ans est bien dans l’air du temps.

Il n’empêche que le métavers que l’on nous promet fait froid dans le dos, il est drôlement bien anticipé par l’auteur.

Mais, la lecture de certaines critiques (sur ce site) qui valent leur pesant de cacahuètes cela dit, donne une idée ou plutôt entérine l’idée de la férocité qui règne dans le monde feutré des lettres de St Germain des Prés.Et que je déchire l’auteur en conviant les mânes des grands Anciens, et qu’en passant j’égratigne Houellebecq, on dirait parfois des copies fraîchement sorties de Normale Sup, ou bien d’un auteur jaloux, bref, c’est jouissif , et les querelles des Goncourt et consorts semblent aller de soi dans ce monde de médisance et de jalousie.

Mais vive les livres !

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Les liens artificiels



Chronique vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=iWJeV8ak8AM



Bon, je pense pas trop m’avancer en disant que c’est le pire que j’aurais lu de la sélection. Un jeune vieux de 24 ans qui fustige l’internet — ça va pas beaucoup plus loin. Et en plus, même pas d’une manière intéressante, ou précise (on dirait qu’il va sur internet comme en 2010, il mentionne les NFT, les cryptomonnaies, mais de très loin, on sent qu’il s’est pas beaucoup penché sur la question). Il m’a fait penser à De Vigan en moins bien écrit, c’est dire. Un roman à thèse, avec un moralisme lourd et collant, qui ne laisse jamais le lecteur décider, qui semble tout le temps sur son épaule à lui dire « Les réseaux c’est pas très très bien» Et moi, je m’en fous qu’il soit vieux avant l’heure, je pense même que ça pourrait être passionnant si c’était attaqué avec un angle intéressant. Mais non, pas du tout, une histoire de grandeur et chute vue et revue, et particulièrement mal écrite.



On a le droit à plusieurs points de vue : celui de Julien, l’utilisateur de l’antimonde, cet univers virtuel, comme le métaverse de facebook, avec des alterégos numériques, et Steiner, le créateur — et dans ce sens, on aurait pu le rapprocher des Particules élémentaires de Houellebecq, un personnage du corps, un de l’esprit, du jargon informatique et/ou lié au monde du travail, une critique de la perte de lien entre les gens, remplacés par des simulacres et des substituts vides de sens. Oui, mais non. Parce qu’on critique assez le style plat de Houellebecq (d’ailleurs pour la vidéo que je prépare sur lui, je vais lire un travail de recherche qui démystifie ce qu’on a l’habitude d’entendre sur son style), mais Nathan Devers n’a pas un style plat. Il n’en a pas du tout. Et cette méchanceté qu’on pourrait palper dans son texte, elle vise jamais juste — parce qu’elle est vague, on ne sait pas qui exactement elle pointe, les portraits sont vagues eux-aussi, et à aucun moment ou se dit, tiens, je m’y reconnais, ou je reconnais quelqu’un comme ça, ce qui fait que ça tombe à l’eau. Même Trump, c’est vu et revu, la maison blanche en feu avec le vol d’hélicoptère, le programmateur qui finit mégalomane et cocaïnomane.



C’est très mal écrit, au mieux du mieux on le voit appliqué au-dessus de sa copie avec la langue qui sort (je pense à ses descriptions inutiles, qu’on sent comme des passages obligés — « les fleurs que la municipalité faisait planter à tour de bras afin de maximiser le bien-être des administrés » (éléments de langage creux, vague, qui ne permettent pas à l’imagination de se mettre en marche) si tu veux pas faire de descriptions, personne t’y oblige), et au pire, c’est juste raté : alambiqué, les phrases inutilement tordues pour en mettre plein la vue, par exemple, l’emploi du subjonctif imparfait ( Il faut savoir que le subjonctif imparfait est surtout employé en littérature. Qu’il est un marqueur qui dit « attention, texte littéraire »). — je veux dire que si tu emploies ce genre de temps, vaut mieux qu’à côté tu t’emmerdes un peu à soigner tes images, sinon, ça donne une impression de poudre aux yeux, d’effet de manche un peu cheap. C’est comme si tu mettais des truffes sur un bic mac. Car il est plein de tics de langage journalistiques, qui ressemblent à des béquilles, de phrases à la construction bancale ou lourde « Un couvercle de nuages condamnait l’horizon » « un climat de solitude s’abattait sur la ville » « un menton allongé en toboggan comme un croissant de lune » (pour cette dernière, j’ai envie de lui dire, choisis ton image putain), parfois, il veut jouer avec les répétitions « il pleuvait donc, et la vie pleut elle aussi. » « Une tête avec une gueule qui l’amusait d’avance », de nombreux clichés et formules toutes faites, souvent dans la même phrase « « ils brûlaient d’en avoir le cœur net », il aime aussi accumuler les locutions et les adverbes « en guise de dernière étape » « la bière de trop, celle à cause de laquelle toutes les précédentes déclenchaient soudain le mauvais aspect de leurs effets secondaires […] », et aussi les pléonasmes, sinon, ce serait pas drôle « afficionados habituels ». Donc une langue non seulement impersonnelle mais aussi maladroite ; et qui laisse songeur quant à l’intrigue principale du livre : que ce Vangel, le double de Julien le héros, devienne poète, une célébrité grâce à son art, (parce que le texte est entrecoupé de ces « poèmes »/

« Facebook aime vomir tout son flot de poubelles,

Twitter et Instagram ? Un mélange du pire »

Il y a aussi un passage assez marrant sur François Busnel « L’animateur de la Grande Librairie avait toujours voulu avoir un temps d’avance sur la littérature institutionnelle, ce qui le conduisait à s’intéresser aux avant-gardes, prenant parfois le risque de déconcerter son public ». LOL

Et ce passage donc à la grande librairie, avec Beigbeder et Finkelkraut où il se lance des fleurs et répond par avance à ses détracteurs comme à des vieux cons réac (alors que je répète que dès le début, il a une position lui-même de vieux con réac). Finkie dit « Une accumulation, plus ou moins maladroite, plus ou moins disgracieuse, de clichés redondants ».

Et Beigbeder répond « il s’efforçait de compromettre la littérature, de la mettre en danger. Et ce pour mieux la réinventer ». Rien que ça



Un des seuls passages intéressants est celui des fourmis dans lequel il décrit une chaine youtube ou des gens font des moulages sur des fourmilières, et où je me suis dit que ce serait une idée de livre géniale de passer de chaine Youtube improbable en chaine Youtube improbable, où chaque chapitre en détaille le concept— mais non, un peu d’originalité, un peu de précision, ce serait trop demandé à Nathan Devers. On a l’impression qu’il a voulu dès le départ rester en surplomb, même pas prendre la peine d’essayer de comprendre ce qui peut attirer sur les réseaux, qui sont les figures importantes dans la vulgarisation, dans les sujets de société, dans la politique, je pense à Usul, à Nota Bene, les idoles des jeunes je dirais pour parler comme lui, bref, si tu veux parler de youtube ou d’internet en 2022, ça me parait chaud de rester que sur Norman. De ne pas s’intéresser à l’addiction à internet en tant que telle, en faisant des recherches sur le sujet, ou même, je sais pas, en trainant soi-même sur Twitter pour imiter correctement des tweets. D’avoir un peu d’empathie et prendre le parti adverse à sa thèse de départ : Leila Slimani compare l’auteur à l’avocat, et je pense qu’elle a raison, il doit épouser les limites de sa propre morale s’il veut faire quelque chose d’intéressant ; de juste. Parce que Devers prend les jeunes pour des cons illettrés, (les serveurs pour des cons illettrés aussi d’ailleurs, quand Monsieur commande son Ubereats, Kevin le livreur ose lui mettre trop de sauces — que voulez-vous, le petit personnel, c’est plus ce que c’était). Tout sonne faux, bon sang, rien ne parait crédible, rien ne parait psychologiquement, sociologiquement voire même scientifiquement tangible. Par exemple, si ces livreurs et ses restaurateurs lui proposent de la bouffe toujours immangeable, pourquoi il continue d’y aller ?



Ce qui me fait rire jaune, c’est de voir que des gens qui défonçaient le Despentes sur Babélio, (ou je viens de voir sur CNEWS) se prosternent devant ce livre, et c’est là qu’on voit que l’idéologie, la morale, ou quel que soit le nom que vous voulez donner à ce qui les animent les aveuglent sur l’esthétique, la valeur d’un texte. C’est pas Cher connard ou sa médiocrité qu’ils attaquent, mais la vision du monde de Despentes et elle-même. Et dans ce genre de cas, il m’arrive de me sentir un peu seule, de me dire, bon sang, personne n’essaie (car c’est impossible d’y arriver pleinement) d’être neutre, objectif, de rester sur le texte, de ne pas lui faire dire ce qu’il n’a pas dit, de ne pas adouber une œuvre juste parce qu’elle dit ce qu’on veut entendre. Et j’ai peur pour la littérature, pour son avenir, parce que c’est l’autre face de la même pièce, de celle qui valide tous ces textes moyens ou mauvais au nom de ce qu’ils disent de la société, du miroir complaisant qu’ils nous tendent, ces textes qui nous brossent dans le sens du poil, qui ne remettent jamais rien en question. Et on applaudit, on applaudit parce qu’on ne s’est pas vu, ou parce qu’on a aimé ce qu’on a vu, ce nous qu’on croit unique, alors qu’il est aux yeux de ces auteurs qu’un public-cible à contenter, un public-cible à remplir avec la même malbouffe, éternellement.



Et donc je me demandais comment ça se faisait qu’un tel livre soit édité, j’avais jamais entendu parler de l’auteur, j’étais tellement sur le cul que je me suis dit, voyons-voir — et donc Nathan Devers, profite d’une place sous l’aile bien chaude et duveteuse de BHL. BHL qui dans un humble article invoque Beckett, Modiano, Pérec, Duras et bien d’autres figures littéraires dans le sillage desquels on sent qu’il entend inscrire son poulain. Devers, aussi jeune normalien agrégé de philo. Ben pour un normalien agrégé de philo, je m’attendais quand même à mieux. J’ai même envie de dire qu’il est à la littérature ce que BHL est à la philosophie, mais ce serait mesquin.
Lien : https://www.youtube.com/watc..
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Les liens artificiels

Avec finesse et humour, l'auteur choisit, à raison, la voie du roman pour disséquer la bulle, constituée par internet et ses applications, dans laquelle s'immerge le monde. en effet, un essai aurait certainement été rébarbatif. L'écrivain monte en puissance sur le sujet puisqu'il traite du métavers, un univers parallèle, où chaque utilisateur a une autre vie, une fausse vie. Mais, tout compte fait, ne sommes-nous pas déjà entrés dans le métavers?
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Les liens artificiels

Original. Audacieux. Déroutant.



Le roman s’ouvre sur un suicide “en direct” : Julien Libérat filme son visage, porteur d’un énigmatique message, avant de sauter par la fenêtre.

La veille il avait averti ses abonnés qu’ils “se souviendraient à vie” de son “geste symbolique”.



On connaît donc la fin, avant de découvrir ce qui a conduit Julien à cet acte ultime.



Une banlieue ennuyeuse, une rupture amoureuse, un job alimentaire accompli sans passion, de vagues projets qui restent embryonnaires, une vie sans relief et des journées qui se suivent et se ressemblent. Une addiction aux écrans , qui donnent l’impression d’exister.



Et un soir, une publicité pour un jeu en ligne plein de promesses. La possibilité de se créer un double et de le faire évoluer dans un monde “miroir” où l’impossible devient possible…



L’idée est chouette, et la lecture ne manque pas de soulever des questions philosophiques, éthiques, morales et sociétales. Les réseaux sociaux ne sont-ils pas par essence anti-sociaux ? Le fait de se cacher derrière un pseudonyme exonère-t-il de toute mesure ? Jusqu’où les avancées technologiques peuvent-elles nous conduire ?



Nathan Devers dresse le portrait d’une génération désenchantée qui pour fuir une réalité morose cherche refuge et consolation dans une virtualité… résolument délétère et qui pourrait même se révéler dangereuse.
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Les liens artificiels

Julien Libérat est un puaniste talentueux mais en mal de notoriété, il n'a réellement jamais percé dans le monde de la musique...

Appaté,comme beaucoup d'autres utilisateurs des réseaux sociaux, par le metavers Heaven, il va très rapidement y prospérer à coups d'investissements judicieux dans la crypto-monnaie, son avatar Vangel y devenant une des personnes les plus influentes...

Un scénario digne d'un épisode de Black Mirror, où toute ressemblance avec l'avènement des réseaux sociaux et Méta de Facebook n'est pas fortuite...
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