Citations de Nghi Vo (34)
Un animal ? Vous le savez pourtant sans équivoque, je n'en suis pas un. Je suis une neixin des Collines-chantantes, dont vous occupez le territoire sans invitation.
La taverne n'était guère qu'une tente de toile cirée inclinée vers le sud par le vent qui devait la pente.
Ah ! Sais-tu qu'il est encore des routes dans les méandres où des pierres sont gravées de son nom ?
Sa communauté savait que la vérité apparaissait le moment venu, souvent tard, parfois de la manière la plus imprévisible.
En revanche, tu sais que les convives qui posent trop de questions importunes peuvent vite se transformer en un savoureux diner, n'est-ce pas ?
"Vous m'avez paru très singulière, lâchais-je enfin. Et très seule.
- Seule, je le suis dit-elle en nouant elle-même sa robe. Mais peut-être moins que je ne le pensait, euh... Lapin."
Je rougis et baissai la tête en murmurant quelques mots sur le devoir et mon honneur de la servir. Au fond, pourtant, je pensais qu'elle ne serait plus jamais seule si je pouvais l'en empêcher. Près d'elle, je sentais comme la chaleur d'un feu de joie, moi qui avais eu froid si longtemps.
Il est parfois un peu triste de se rendre compte qu'il est impossible de tout savoir d'une personne, quel que soit le temps passé avec elle ou l'amour qu'on lui voue. C'est en partie de cela que traite Entre les méandres, me semble-t-il, du nombre d'éléments qui composent un être et du fait que tous les récits portant sur lui ne donneront jamais qu'un aperçu lacunaire de son identité.
[p121]
Voilà un nouveau chapitre à insérer dans tes livres, adelphe. Veille à bien le prendre en note pour que tes semblables le retrouvent après que nous t'aurons mangée. Continue, s'il te plait.
"Les gens changent, à en croire notre Céleste, tu as
oublié ? Personne n'est identique à celui qu'il était il y a cinq ans, ni même deux ans, une semaine ou un instant. Si tu aimes quelqu'un, il faut accepter qu'il change. [...]"
Ni l'une ni l'autre ne parvinrent à se regarder dans les yeux. C'était nouveau, mais supportable. Elles changeaient, et, comme l'avait toujours soutenu l'adelphe Thien, changer faisait mal. Néanmoins, cette douleur demeurait supportable si l'on prenait la peine de l'observer, de l'accepter, de reconnaître son inéluctabilité.
Je me suis mise à méditer sur l'amour et notre propension à en conserver des traces dans des cachettes insolites, où d'autres les découvriront peut-être. Une partie de cette réflexion a trouvé son chemin dans la composition de ces Mammouths à la porte. J'espère que cela vous plaira.
Mais comprends-le bien, dis-je à l'adelphe Thien, quel que soit le récit adopté, nous ne sommes pas des bêtes. Et même sans ces récits, qui nous disent ce que nous sommes et ce que nous pourrions être, nous n'en serions jamais. Avoir connaissance d'êtres capables de parler, d'aimer et de raisonner, et toujours les tenir pour des bêtes... eh bien, seul un homme en serait capable.
La tigresse s’étendit par terre à l’entrée de la grange, aussi à l’aise qu’une reine en son palais. Au bout d’un moment, ses deux sœurs s’allongèrent de part et d’autre et elle s’étira entre elles en calant ses pieds contre le ventre de l’une tandis qu’elle passait un bras autour du cou de l’autre.
« Je suis Ho Sinh Loan. Voici mes sœurs Sinh Hoa et Sinh Cam. Je suis la reine des Dos-de-Sangliers et des contreforts de la montagne Verte. Dites-moi comment vous vous appelez. »
Le peuple de Si-yu ne nommait pas Dos-de-Sangliers les présents reliefs, mais ce n’était pas la première fois que Chih avait affaire à une toponymie divergente. Si elle comprenait bien, la tigresse revendiquait l’ensemble de la chaîne montagneuse et la majorité du territoire que l’on désignait dans le Nord sous le nom d’Ogaï. Les Ogaïens seraient stupéfaits de se découvrir sujets d’une tigresse, mais ce n’était pas comme si elle exigeait d’eux taxes et soldats.
« Votre Majesté, je suis Si-yu, fille de Ha-lan, descendante de la Grue d’Isai. Voici Piluk, de Kiean, elle-même de Lotuk. »
La tigresse opina et tourna vers Chih un regard attentif.
« Madame, je suis l’adelphe Chih de l’abbaye des Collines-Chantantes. Je suis ici…
— Pour servir de dîner, je crois, l’interrompit la tigresse avec chaleur. Vous le constituerez tous les trois. Le mammouth peut rentrer chez lui s’il le désire.
— Le mammouth… commença Si-yu avec colère, mais Chih lui assena un coup de coude et elle finit par se taire.
— Nos lois nous l’interdisent, je le crains, répéta Chih. Madame, j’ai fait tout ce chemin vers le nord pour entendre vos récits et glorifier votre nom.
— Ce ne sont là que viles flatteries, adelphe, rétorqua la tigresse. Elles n’ont rien de bien savoureux et n’ont jamais suffi à remplir un estomac.
Les mères révoltées élèvent des filles assez féroces pour combattre des loups.
L'histoire retiendra qu'elle était laide, mais ce n'était pas vrai. Elle avait la beauté d'une étrangère, celle d'une langue qu'on ne sait pas lire.
L’abbaye des Collines-Chantantes le dirait, si un témoignage ne peut être parfait, il se doit au moins d’exister. Mieux vaut qu’il prenne place dans le monde plutôt qu’il n’accède à la perfection dans la seule imagination de son auteur.
Conserve cette colère. Les mères révoltées élèvent des filles assez féroces pour combattre des loups.
Pour se souvenir des nobles, il faut aussi se souvenir des humbles.
si un témoignage ne peut être parfait, il se doit au moins d'exister. Mieux vaut qu'il prenne place dans le monde plutôt qu'il n'accède à la perfection dans la seule imagination de son auteur
Elle disparut [...] comme bien des femmes au fil des ans, sans plus attirer l'attention dans le trépas que dans leur existence. Un soir d'ivresse, au bout de nombreuses années, In-yo déclarerait que la guerre avait été gagnée par des femmes anonymes réduites au silence. Il serait difficile d'en disconvenir.
L'honneur est une lumière annonciatrice d'ennuis. L'ombre est bien plus sûre.