Nick Sagan

-Nymphomane ? C'est quoi ?

Plusieurs grenouilles voyagent ensemble, et deux d'entre elles tombent dans un trou. Les autres se précipitent au bord pour en mesurer la profondeur et comprennent bien vite que leurs amies ne pourront jamais en sortir. Pas la peine de vous fatiguer, coassent-elles, mais les deux grenouilles piégées sautent quand même. Elles sautent, sautent et sautent, sans jamais atteindre la surface. Et pendant ce temps, les autres ne cessent de leur dire de laisser tomber, d'abandonner, de s'allonger et de mourir. Au bout d'un moment, l'une des deux grenouilles abdique et se laisse mourir. Mais l'autre ignore les conseils des autres et continue de sauter de toutes ses forces. Et finalement, elle réussit à sortir.

Les autres sont sidérées. Pourquoi as-tu continué ? demandent-elles. Tu ne nous as pas entendues te crier d'abandonner ? Ah, c'était ça, dit la grenouille stupéfaite. Avec l'âge, je deviens dure d'oreille, je croyais que vous m'encouragiez.

Pourquoi ne sommes-nous pas tous des ordinateurs ? Ce serait tellement plus facile, je crois. Pas de problème. Pas de doute. Pas d'interaction. Nous serions tous programmés.

Maintenant, si j'étais programmeur RVI, pourquoi créer un monde où l'on peut se blesser, mais pas mourir ? Si j'avais la possibilité de créer quelque chose, pourquoi ne pas créer le paradis ?
Et d'après Camus : "Il faut imaginer Sisyphe heureux."

Souple et noire, avec un mélange nigériano-srilankais dans son génome et une silhouette désarmante de top model, tout en jambes. Elle avait l’âge de s’intéresser aux garçons, mais n’avait que récemment découvert l’effet qu’elle produisait sur eux. La plupart du temps, elle savait se défendre. Sauf quand elle buvait.

Il existait une certaine quantité « d’opulence discrète » dans notre petit monde, et il en détenait apparemment une bonne part. En attendant, il était toujours à l’hôpital – à récupérer de ses hématomes, dilacérations et multiples fractures. Il marcherait bizarrement jusqu’à la fin de ses jours.

Les gentils. Ni obsédés par leur fortune et leur ancien statut social, ni trop paralysés par le chagrin pour participer à la reconstruction. Une personne de moins à gérer me simplifierait grandement le travail.

On peut posséder tout ce qu’on veut sur le papier, mais qui va faire tourner les usines ? Qui va vendre la marchandise ? Et qui va l’acheter ?

On passe à la philosophie, quelque chose de solide sur quoi s’appuyer. Ce monde est collectif. C’est maintenant, et nous sommes tous ensemble. Inventons une nouvelle façon de vivre et occupons-nous les uns des autres. L’avenir est vierge, immense et radieux – explorons-le ensemble.

Les décongelés ne sont ni plus vieux ni plus gris qu’au moment de leur cryogénisation. Leur fierté reste intacte. Deux, le temps qu’ils ont perdu – tous les étés et les hivers que j’ai vécus et pas eux – eh bien, ils n’ont rien raté, vraiment. À part toutes les embrouilles qu’on a subies, mes amis et moi… Mais on était qui, hein ? Tous ceux qu’ils connaissaient – amis, ennemis, rivaux, politiciens, journalistes, lanceurs de mode – étaient soit morts, soit en stase cryogénique, tout comme eux. Pas de jaloux.

Il faut relancer le métabolisme, bien sûr, mais avec précaution. Et mieux vaut protéger le cerveau avec tout ce qu’on a sous la main, parce que la reprise de la circulation risque vraiment de tout niquer. Radicaux libres et métabolites peuvent sérieusement endommager la cervelle lors du « reboot » ; il ne faut pas aller trop vite, mais pas trop lentement non plus, à cause du problème de dégénérescence cellulaire. La très redoutée lettre « I », ischémie, l’atrophie du cerveau qui ne reçoit plus l’oxygène et les autres nutriments dont il a besoin. Virer les cryoprotecteurs avant d’inonder le corps de ciseaux moléculaires – le mélange spécial de Vashti, qui sépare le Black Ep du génome comme la paille du blé – relève de l’équilibrisme. Cette première étape « détourne le fleuve », certes, mais il reste encore les « dégâts des eaux » à réparer, ces myriades de dégénérescences que le fléau a fait subir à l’organisme pendant son séjour.

Pour être honnête, je n’ai jamais eu beaucoup d’estime pour les politiciens. Je suis d’accord avec le type qui a dit la politique est l’art de chercher les ennuis, de les trouver partout, de mal les évaluer, et d’appliquer les mauvaises solutions. Marx, sans doute.
Groucho, pas Karl.