Les passionnés de cinéma ont en mémoire le visage et la gouaille d'Arletty avec sa célèbre réplique :
« Atmosphère, atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ??? »
Se mettant dans la peau de Garance, l'héroïne des « Enfants du Paradis », Nicolas d'Estienne d'Orves nous raconte Arletty, dans l'ombre et dans la lumière.Coup de coeur Web TV Culture !
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Sidonie pose une main affectueuse sur celle du vieil éditeur.
~ Je sais surtout que tu adorerais chiper à Plon l'une de ses plus belles prises...
Gallimard se renfonce dans son siège, le sourire malin.
- J'avoue que je n'ai toujours pas digéré le coup de De Gaulle...
Après une heure de silence, Gabrielle tente une première incursion :
- Que s'est-il passé avec de Gaulle ?
Gallimard s'apprête à répondre, mais Sidonie rebondit, sans tenir compte de Gabrielle :
- Tu lui avais fait une superbe avance pour ses Mémoires de guerre...
Gallimard tente de rester évasif :
- Oh... si peu...
- Tout de même, cent vingt millions de francs !
L'éditeur se redresse, un peu gêné.
- Tu sais toujours tout, Sidonie.
- C'est surtout moi qui ai expliqué à Plon comment convaincre le Général.
- En jouant sur sa vanité, je sais. La meilleure des tactiques.
Pour la première fois, Sidonie se tourne vers Gabrielle, comme dans ces repas de famille où l'on adresse parfois la parole aux enfants :
- Plon était déjà l'éditeur de Churchill, de Gaulle a donc voulu le battre sur son propre terrain.
- Dont acte, dit Gallimard. Le livre a eu un succès colossal. C'est peut-être la seule fois où le «soldat de Plon» a battu le vieux bouledogue.
Certains ont trop payé, quand d'autres, bien plus coupables, sont passés entre les gouttes.
Limousin n'aime pas le raisonnement.
- Si c'est ainsi que tu vois les choses..., dit-il d'une voix sombre.
- Il y a eu trop d'injustices, Jean ! Rappelle-toi ce procureur qui a exigé ta tête, à la Libération. Deux ans plus tôt, le même homme faisait condamner des résistants à la peine capitale avec la même fougue, la même conviction, dans les mêmes tribunaux...
Limousin n'est aucunement convaincu : voilà tant d’années qu'il souffre de ces iniquités. ..
- Tu crois que j’ai oublié tout ça ? maugrée-t-il, en se hissant sur la berge pour s’allonger sur les pavés tièdes.
En prison, le pire ennemi, c'est la bêtise.
La bêtise du lieu, la bêtise des autres, votre propre bêtise : celle qui vous guette, se niche derrière chacun de vos gestes, menaçant de vous transformer en automate, en animal.
La culpabilité est l’honneur des faibles. Assumons nos actes, on en dort avec bien plus de plaisir.
"Elle est fascinée par ce qu'elle a sous les yeux: un concentré des lettres françaises contemporaines.
Toute une petite cour qui singe la sympathie, s'ébroue, glougloute, champagne en main.
Les cocktails de Gallimard sont les raouts les plus courus de l'édition et beaucoup se " damneraient" pour en être .
Est - ce bien "Françoise Sagan "qui remplit le verre de "Roger Nimier " avant de laisser tomber la bouteille sur la pelouse dans un éclat de rire ?
Et ce regard torve n'est - ce pas celui de "Jean- Paul Sartre"?
Et le vieux "François Mauriac "là- bas? Voûté comme un robinet"?
En écrivant cela, je me fais l’effet de ces condamnés de l’épuration, qui justifiaient leurs bassesses en rétorquant : « Mais j’’ai aussi sauvé des gens » J’apprendrais un jour qu’il n’y a pas d’arithmétique humaine. Une vie est une vie ; une mort, une mort.
Rien n’est impossible mais je me suis toujours interdit de penser au conditionnel : ça brouille l’esprit, ça gâte les perspectives, ça ne sert à rien. Ce qui est fait est fait, le reste n’est que sotte spéculation.
Mes aïeux butinaient des cotignacs et des négus ; mes parents croquaient des mistrals gagnants et léchaient des roudoudous ; j’ai grandi parmi les tagadas, chamallows, crocodiles et bien sûr l’incontournable petit ours gélifié qui a fait la fortune de monsieur Hans Riegel, à Bonn (HaRiBo…).
J’étais trop ambigu pour mon époque, trop inclassable. La France aime les cadres et les cases. Sortez du carcan bon-méchant, blanc-noir, affront-vengeance, et l’on vous regarde avec méfiance, comme si vous étiez plus dangereux qu’un assassin. C’est là une maladie très française, ce besoin cartésien de mettre des étiquettes, d’inventorier, de trouver une logique. Il n’y a pourtant aucune logique dans ma vie. Juste un destin. Le destin d’un homme à cheval entre deux cultures, deux mondes, deux pays, deux rives, deux aspirations, deux familles d’esprit, deux rêves de gloire, deux amours.
– Je m’exprime mal. Contrairement à vous, ce n’est pas mon métier. D’ailleurs [écrivain] ce n’est pas un métier. Si vous écrivez pour en vivre, c’est déjà foutu. Ça doit être un luxe, un snobisme, une provocation, une liberté. Jamais une nécessité. Un besoin de mots, pas de fric. Les écrivains professionnels sont des traitres vendus au système, par avance damnés. Ils finissent en enfer, c’est-à-dire au pilon.