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Citations de Olivier Bordaçarre (146)


La nature avait doté Séverine Amaryllis d’un physique avantageux. Médiocre sur les bancs de la faculté, la jeune beauté avait, de son propre chef, interrompu ses études – au diable la licence de journalisme -, et était entrée dans le milieu du cinéma grâce à un oncle, producteur de séries pour la télévision française. Elle n’avait pas eu à courir les castings, ni à franchir des barrières ni à enfoncer des portes. En revanche, elle avait été invitée dans des soirées privées, avait assisté aux défilés des grands créateurs de mode et fureté dans les cocktails branchés de Paris. Elle s’était rapidement retrouvée sur le seuil du bureau d’un agent influent, pénétrant ainsi le noyau d’un système dans lequel elle avait ensuite barboté avec toute la grâce de l’innocence. Le pognon avait suivi. À hautes doses.
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Cette main appartenait à monsieur Claude Phalène, ministre quinquagénaire de la Santé et des Droits des Femmes, futur candidat aux élections présidentielles. Il portait un costume crème sur une chemise blanche ; sa cravate était roulée dans une poche de sa veste. Sa corpulence lui offrait des airs de bon vivant. Son visage rond tirait vers le rose, ses lèvres exprimaient une moue de gourmandise, ses yeux aux cils courts étaient petits et foncés, son nez large, son menton double. Ses cheveux blancs dessinaient autour de son crâne un halo vaporeux, dont il rejetait fréquemment les mèches rebelles d’un geste qui ne laissait aucun doute sur la vivacité de son esprit. Plus que l’esthétique de son corps somme toute ramassé, c’est l’assurance du ministre qui attirait l’attention et laissait ses plus redoutables détracteurs sur le carreau. Dans les sondages d’opinion, en ces périodes d’instabilité socio-économico-politique, Claude Phalène était désigné comme l’homme de la situation. D’après le panel représentatif, lui seul avait la carrure d’un homme d’État, le charisme d’un chef. Son large sourire sur ses dents blanches confirmait sa santé de fer. Lui seul saurait redresser le pays, le sortir de l’ornière, donner un coup de fouet à l’économie, relancer la croissance, mener les réformes nécessaires à l’amélioration de la compétitivité de l’industrie hexagonale, agir contre les inégalités, le chômage, l’immigration, l’insécurité, le terrorisme, redorer le blason d’une France en déclin sur l’échiquier international. Fin tacticien, homme de convictions et de talents, proche du peuple et intraitable avec les démagogues, Claude Phalène jouissait d’une popularité dont nul politicien ne pouvait s’enorgueillir. Sa nomination au poste de Premier ministre lors du prochain remaniement était acquise, comme sa victoire au prochain scrutin. En bref, pour une large majorité des électeurs, c’était lui, et seulement lui.
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Elle remercie chaque jour, en silence, la littérature de lui avoir donné la force, le courage de vivre incarcérée.
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Je savais qu'elle voyait mon visage se déformer, devenir grimaçant, mes yeux se révulser, ma bouche se tordre, mes lèvres se relever sur mes dents et mes narines se dilater. Honte de mon visage moins attrayant que quand il ne meurt pas. Aspect des choses fort désagréables. J'ai été comme surprise dans mon intimité. mourir est quand même une occupation privée!
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La grisaille, leur avenir plus lugubre qu'une salle polyvalente, leur haine du familialisme traditionnel avaient cimenté leur complicité. Du Nord au Centre de la France en passant par Paris et sa banlieue, ils n'avaient jamais cessé de fuir jusqu'à la paisible écluse de Neuilly. Que fuyait donc le voisin ?
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Pour l'insomniaque qu'il était, la nuit n'avait pas de limite. Ses pensées voyageaient plus aisément qu'en journée, se multipliaient, frayaient en silence dans le noir, parcouraient cet espace sans distance ni point d'accroche, voile opaque sur les fragilités du monde.La nuit, la vie devenait éternelle.
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Non sans une pointe d’ironie, Sergi, fils de modestes immigrés andalous que la misère avait arrachés à leur Séville natale à l’aube des années 90 pour les replanter dans une loge de concierge de la place Dupleix (XVe arrondissement de Paris), accusa Paul, l’heureux héritier d’une grande famille tourangelle, de profiter de ses privilèges comme le pire des aristos. Paul rétorqua que la ‘grande famille’, c’était un peu exagéré, et rectifia : il s’agissait plutôt de spécimens de fin de race passablement dégénérés dont la Touraine était farcie ; on n’échappe pas à ses origines. Et, coupant court, comme il connaissait le goût immodéré de son beau-frère pour le café, il proposa un expresso et disparut sans attendre de réponse.
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Le feu a interdit à la chair de se reconstituer. Peut-on s’habituer à ce fascinant spectacle ?
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Le moi, c’est la prison du nombril. Ça empêche de construire son individualité. Ça pétrifie, ça désocialise.
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La douleur est un continent de solitude.
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–Paulo, soyons réalistes : le public de la peinture, c’est le bourgeois. Des hommes ou des cailloux, pour lui, c’est kif-kif ! Il vient dans la galerie parisienne, il mate cinq minutes, il achète un tableau de cailloux, il fout ça dans son salon pour le montrer à ses invités charmants, et après, ils bouffent comme des cochons. Voilà. Fin de l’intérêt de la bourgeoisie pour l’art. Le prolo, lui, il sait même pas que ça existe, il est trop préoccupé par sa survie.
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La famille occidentale, franchement, ça pue la folie groupale !
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On ne vit pas de la peinture. On en crève.
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Non sans une pointe d'ironie,Sergi, fils de modestes immigrés andalous que la misère avait arraché à leur Séville natale l'aube des années 90 pour les replanter dans une loge de concierge de la place Dupleix....
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On n’aime pas son visage, on l’accepte. Il n’y a pas d’alternative. Et puis, peut-être qu’il n’y a pas de visage, mais seulement des cartes en relief dont on suit les lignes, les cavités, les trous noirs, et qui rappellent un paysage, une montagne, une plage, un chemin. Ce n’est pas la matière qui importe, cette viande à orifices, mais ce qu’elle devient dans les yeux des autres.
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Le silence qui s'ensuivit transperça les tympans de Sergi.
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Les roues bloquées par la tenaille des freins, les pneus ont explosé sur le bitume. A l'instant du choc, vitres et pare-brise ont été pulvérisés, moteur déboulonné, phares exorbités. La Clio rouge, toupie de papier froissé, a valsé jusqu'au centre du carrefour quand l'autre voiture terminait sa course, encastrée dans la devanture rose et or d'un institut de beauté. Un long silence de sidération a fondu sur les passants, sur les chiens à l'arrêt au bout des laisses tendues, et sur les choses elles-mêmes, les façades aux crépis de poussière, les fenêtres écarquillées, les panneaux de signalisation, les feuilles mortes.
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L’équipe des décorateurs à laquelle Sergi avait été intégré sur décision de Rebecca André avait en charge la reconstitution en studio d’une chambre royale du château de Versailles pour la publicité d’un parfum de luxe. Aux ordres d’Oscar, le chef déco, Sergi devait peindre du faux marbre autour d’une cheminée factice, assurer la dorure du cadre d’un grand miroir, lustrer un carrelage en damier noir et blanc, patiner des encadrements de portes, des plinthes et des poutres en polystyrène, appliquer une couche de vernis brillant sur les décorations grossières de plusieurs vases chinois. Consciencieux, et oubliant le toc généralisé du système publicitaire, il ne comptait pas ses heures et restait d’une humeur égale. Oscar le félicita pour son sérieux et son efficacité.
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Les monstres ont leur repaire. Ils s’y cachent. Terriers, caves, taudis, cartons, mouroirs en tous genres. Ils vivent et meurent dans leur trou. Ils occupent la place que la norme leur octroie : souterraine, froide, isolée. Longtemps, elle s’est crue perdue.
Son père lui répétait, très calmement : « Tu n’es pas un monstre. Tu portes sur toi les cicatrices d’un drame. C’est un fait. Tu ne peux pas t’y soustraire. Cela ne fait pourtant pas de toi un monstre. Tu es toi-même. Ne te sens pas réduite à ce qui te pèse. C’est un voile, oui, et tu peux lui reprocher d’être opaque et sans pitié, mais ton identité reste entière, avec ce qui la constitue essentiellement. Tu peux souffrir de ne pas te reconnaître dans ton miroir et d’en pleurer, mais ne néglige pas toutes tes capacités à être différente à chaque instant. C’est du sérieux, ça, tu sais ? Tu te crois seule, ma fille, à ne pas toujours sourire ? Viens, viens avec moi dans la rue, tu verras. Les autres, ils ne sont pas moins tristes. Chacun porte le drame de sa vie et, souvent, le dissimule d’un masque. C’est pourquoi certaines rencontres sont des malentendus, et ce qui les fait tenir, c’est la curiosité. Crois-tu que les amours ne se déterminent qu’en fonction des normes en vigueur ? Je sais que tu penses ça, mais le pire a déjà eu lieu, ma chérie. Notre ennemi, c’est la haine que tu as de toi-même. On va s’en occuper, pas vrai ? »
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Dans le miroir du cabinet de toilette, après des semaines d’attente, la jeune femme découvre la moitié droite de son visage rendue à la lumière. Tout a été rongé par le feu. Son cœur s’emballe. Elle s’agrippe des deux mains au lavabo. Le rythme de sa respiration s’accélère. Elle tremble devant le résultat des multiples interventions chirurgicales.
Sa bouche a été refaçonnée dans le prolongement des lignes saines, mais ne recouvrera jamais ses courbes d’antan. Ses lèvres arrondies à la commissure sont boursouflées, tendues, à se fendre, et portent les stigmates des brûlures tirant vers le pourpre. La greffe de peau sur la joue a recouvert les chairs calcinées et ressemble à la carapace d’un crabe en pleine mue, humide et molle, gorgée d’une humeur blanchâtre. L’arête du nez décrit une frontière rectiligne entre la dévastation et ce qui demeure vivant. La paupière ne recouvre pas totalement l’œil figé, vitreux, sans vie ni vision, double presque parfait de l’autre mais immobile, sans larme, serti dans l’orbite.
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