Ophélie Chavaroche

La fosse des Mariannes, située dans le Pacifique nord-ouest, est le point le plus profond jamais atteint et mesuré sur la planète.

Chef-d'oeuvre de la Renaissance, le phare de Cordouan se dresse à 7 kilomètres de la côte.

Les albatros sont capables de parcourir près de 800 kilomètres par jour dans des zones battues par le vent et le froid.

Baudelaire le disait déjà dans un poème fameux : les "princes des nuées" aiment suivre les navires.

La légende du Hollandais volant a longtemps semé la terreur chez les marins, qui s'imaginaient apercevoir dans les brumes un vaisseau fantôme annonciateur de catastrophe.

Tous les ports du monde nous parlent de voyage. Toutes les cartes marines recèlent des trésors engloutis. Il n'y a qu'à se tenir sur un voilier pour voir s'ouvrir devant nous l'immensité du champ des possibles.

Aucune carte du monde n'est digne d'un regard si le pays de l'utopie n'y figure pas.
Oscar Wilde

Ils incarnent la poursuite d’un idéal et demeureront une source d’inspiration. Parce qu’ils ont dit non à l’oppression, à l’injustice, à la cruauté, à l’intolérance, oui à la liberté, à la fraternité, à la solidarité, à la connaissance. Les porteurs d’utopies sont de tous les siècles et de tous les continents, brandissant une flamme qui semble ne jamais vouloir s’éteindre, celle de la foi en l’humanité, quelles que soient ses failles. Ils nous disent « Celui qui croit en l’homme a tort un jour, mais raison à la fin ».

LA TORTUE PUNK D’AUSTRALIE

Elle a une perruque verte, elle respire par les fesses, et elle pourrait presque chanter « No future ».

Cette tortue échevelée respire par les fesses, et peut, grâce à cette physiologie insolite, rester sous l’eau près de trois jours ! Mais comment est-ce donc possible ? C’est que les parois de son cloaque – un orifice à la fois anal, urinaire et reproducteur – sont richement irrigués par de fins capillaires sanguins, qui permettent des échangent respiratoires très rares dans le monde animal. Espèce endémique du Queensland australien, cette tortue que l’on surnomme scientifiquement Elusor macrurus est la dernière d’une lignée de tortues aquatiques. Elle réside uniquement dans la rivière Mary, qui se jette dans la mer de Corail en passant par un détroit sablonneux au niveau de l’île Fraser, un lieu d’une biodiversité exceptionnelle qui lui a valu d’être inscrit comme « réserve de biosphère » à l’UNESCO. Omnivore, férue de plantes aquatiques et d’insectes, cette tortue à cou court, peau grisée et iris d’un bleu intense ne manque certainement pas de style avec les algues qui s’attachent fréquemment sur le sommet de sa tête ou au-dessus de ses mandibules. On la connaît d’ailleurs parfois sous le sobriquet « tortue aux cheveux verts ». Est-ce cet air rebelle qui lui a valu d’être la coqueluche de milliers d’Australiens pendant les années 1960 et 1970 ? Durant cette période, près de 15 000 spécimens étaient pêchés et vendus chaque année dans les animaleries. Une telle exploitation a considérablement amoindri les chances de survie de l’espèce, qui met entre 25 et 30 ans à atteindre sa maturité sexuelle. Bien qu’inscrite sur la liste de plusieurs organisations de protection des animaux, on estime qu’il n’en reste aujourd’hui guère plus de 10 000. Lorsqu’en 2018 l’actrice Cate Blanchett lui a prêté sa voix dans une campagne de sauvegarde des « animaux laids », ce fut un succès viral sur les réseaux sociaux. Mais cela suffira-t-il à sauver la tortue la plus rock n’roll de la planète ?





La coiffure punk qu’elle arbore se compose non pas de poils, mais d’algues accrochées à ses écailles.

D'abord prison pour esclaves, puis zone de quarantaine, Changuu est aujourd'hui une destination touristique de rêve.

Jadis poissonneuse et nourricière, la mer d'Aral est aujourd'hui un désert balayé par des tempêtes de sable toxique

Dernier témoin d'une époque révolue, la forêt engloutie de Dauphin Island est vouée à disparaître une deuxième fois.

En mer Baltique, pêcher peut être aussi dangereux que faire la guerre.

La baudroie abyssale de Jonhson, habitante des abysses, a un ventre extensible qui lui permet d'avaler des proies deux fois plus grosses qu'elle.

La méduse Chrysaora, endémique de la région Pacifique, est reconnaissable à son éclatante couleur mordorée . Comme bon nombre de poissons et de mammifères marins, elle trouve refuge dans les buissons de varech.

Les zones côtières cachent des forêts féeriques, profondes et inextricables, qui abritent la faune et oxygènent les océans.

Marron clair, vert forêt, vert tendre, bleu cobalt ou blanc opaque, les morceaux de verre poli de la plage de Fort Bragg ont chacun une histoire à nous raconter sur les habitudes de consommation des habitants.

Grâce aux micro-organismes bioluminescents qui viennent se répandre sur le sable, les plages de l'île de Vaadhoo semblent refléter le ciel étoilé.

"Homme libre, toujours tu chériras la mer" écrivait Baudelaire. Car quelle autre présence que celle de la mer indéfiniment nous invite au rêve et à l'aventure?

La première fois que j’ai entendu parler d’utopie, c’était dans une planche de bande dessinée, celle qui ouvrait Corto Maltese en Sibérie d’Hugo Pratt.
Corto était à Venise, installé dans un bon fauteuil, et lisait l’ouvrage de Thomas More, Utopia. Il citait une phrase : « Que faites-vous encore ? Des voleurs, pour les punir ensuite. » Je n’ai jamais su s’il s’agissait réellement d’une citation de Thomas More, mais je comprenais d’emblée une chose : l’utopie est fille de l’injustice et des désordres du monde. Corto Maltese ajoutait, à l’attention de son hôte : « Je n’ai jamais pu finir ce livre. » Deuxième chose : l’utopie est un programme jamais achevé. Puis il finissait par s’endormir, son livre sur les genoux. Troisième chose : l’utopie est un rêve.
Il est des rêves, cependant, qui se réalisent. Certes, aucun ne parvient jamais à égaler en beauté, en pureté, en justice, le songe dont il est issu, mais il a sur celui-ci un double avantage : le goût du réel et celui du paradoxe. Quoi de plus stupéfiant, en effet, qu’une utopie réalisée ?
Quoi de plus dangereux aussi ?
Les hommes rêvent d’un monde meilleur et, parfois, au prix d’efforts inouïs, l’accomplissent, pour un temps. Puis le rêve se dissipe, soit qu’il tourne au cauchemar, soit qu’il se désagrège comme du sable.
Que reste-t-il de la fac libre de Vincennes ? De l’équipe autogérée des Corinthians de Sao Paulo ? De la constitution de 1793 ? Du Flower Power de San Francisco et des hippies de Woodstock ? De la République des Conseils confisquée par Staline ?
Des douze articles de la paysannerie souabe en 1525 ? Des entreprises de libération de Bolivar et de Che Guevara ? Du programme du Conseil National de la Résistance en 1944 ? D’Ellis Island et des kibboutz ? De la sauvage liberté des débuts d’internet ?
Il reste la poussière des rêves, qui est l’autre nom de la mémoire.
Il suffit de considérer la longueur du sommaire de ce livre, en ayant à l’esprit que la liste n’est pas exhaustive, pour comprendre de quoi il retourne. L’utopie est un lieu qui n’existe pas. C’est pourquoi on la trouve partout.
(Laurent Binet, « Avant-propos)