Citations de Oriana Fallaci (57)
C’est le mot Inchallah. Le fait est que je le déteste, ce mot. Je le hais comme le mot destin : les deux, symboles d’une impuissance et d’une résignation qui annulent l’idée de liberté et de responsabilité.
‘La vie n’est pas un problème à résoudre. C’est un mystère à vivre’ (…) Donc la formule existe. Elle tient en un mot. Un simple mot qu’ici on prononce sous n’importe quel prétexte, qui ne promet rien, qui explique tout, et qui de toute façon aide beaucoup : Inchallah. Comme Dieu veut, comme Dieu voudra, comme à Dieu il plaît, comme à Dieu il plaira : Inchallah.
Quelque chose qui rappelle la précarité de la vie, son unicité sans retour, son but inévitable et inéluctable.
De toute façon cet amour aussi était mort, et il fallait l’ensevelir en se disant qu’aucun ne résiste au manque d’amour : on ne peut pas donner de l’amour à qui ne nous en donne pas.
La mort d’un amour est comme la mort d’une personne bien-aimée. Elle laisse le même chagrin, le même vide, le même refus de se résigner à ce vide. Même si on l’a attendue, causée, voulue par autodéfense ou bon sens ou besoin de liberté, lorsqu’elle arrive on se sent invalide. Mutilé. Il nous semble être resté avec un seul œil, une seule oreille, un seul bras, une seule jambe, un seul poumon, un demi-cerveau, et nous ne faisons rien d’autre qu’invoquer la moitié perdue de nous-mêmes : celui ou celle avec qui on se sentait entier.
Il ne comprenait pas (il le comprendrait un jour) que le progrès ne change pas les hommes, que l’opulence les affaiblit, que loin d’être des pauvres types ses arrières grands-pères étaient mieux que lui. C’est à dire, plus intelligents et plus valables que les types convaincus de penser avec leur tête parce qu’ils vont à l’université et lisent des livres ou des journaux.
La poésie est un éternuement de Dieu. Si on ne l’attrape pas au vol pour l’épingler sur une feuille, il se dissout dans l’air.
(…) qui a dit qu’être beau veut dire avoir de jolis traits ? Parfois être beau signifie avoir de l’esprit, de l’élégance, de la dignité.
(…) l’Histoire ne change pas. L’éternelle histoire, l’éternel roman de l’Homme qui à la guerre se manifeste dans toute sa vérité. Car rien ne révèle l’Homme autant que la guerre, hélas. Rien n’exaspère avec autant de force la beauté et la laideur, l’intelligence et la stupidité, la bestialité et l’humanité, le courage et la couardise, l’énigme.
(…)[L’uniforme] ne m’interdit pas d’aimer la culture, de lire Platon, Érasme et Kant. Surtout il ne m’empêche pas d’être du côté de l’Homme, de comprendre que malgré sa perfidie et sa crétinerie l’Homme reste la mesure de toutes choses, en tout cas la seule balance dont nous disposions pour évaluer la vie, la seule référence pour tenter de l’expliquer.
Tu sais que le roman m’a toujours séduit parce que c’est un récipient dans lequel on peut verser en même temps de la réalité et de la fantaisie, de la dialectique et de la poésie, des idées et des sentiments. Tu sais qu’il me séduit parce que la combinaison de tous ces éléments permet d’obtenir une vérité plus vraie que la vérité vraie. Une vérité réinventée parce que la combinaison de tous ces éléments permet d’obtenir une vérité plus vraie que la vérité vraie. Une vérité réinventée, devenue universelle, à laquelle chacun s’identifie et dans laquelle chacun s’identifie et dans laquelle chacun se reconnaît.
« Tu es un intellectuel, et un intellectuel ne peut pas se permettre les partialités dictées par la foi, la passion ou la morale. Un intellectuel doit s’identifier avec tous, comprendre tout et tous. » D’accord. Mais celui qui pardonne tout et tous ne croit en rien. Et qui ne croit en rien, ma chère, est un cynique.
C’est de mauvais goût, commander, et très déplaisant. Parce que ça vous met en contact avec les malotrus et les imbéciles, vous contraint à recourir à la vulgarité du pouvoir, limite la liberté de celui qui commande comme de celui qui est commandé, et enivre les présomptueux.
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Cent ans plus tôt Ludwig Boltzmann, un physicien autrichien qui en introduisant dans la thermodynamique les méthodes de la statistique avait réussi à traduire en termes mathématiques le concept d’entropie c’est-à-dire de chaos, l’avait bien dit. Le chaos, avait-il dit, est la tendance inéluctable et irréversible de toute les choses : de l’atome à la molécule, des planètes aux galaxies, de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Son but est exclusivement destructeur et gare à qui le combat pour mettre de l’ordre dans le désordre, donner un sens à ce qui n’en a pas : au lieu de diminuer ou de s’affaiblir, il augmente. Parce qu’il absorbe l’énergie qu’on dépense dans l’effort de combattre : l’énergie de la vie. Il la mange, il se sert d’elle pour arriver plus vite au stade final qui est la destruction ou plutôt l’autodestruction complète de l’Univers. Et il gagne toujours. Toujours. Elle tenait en une équation de cinq lettres, l’atroce sentence : S = K ln W. Entropie égale à la constante (de Boltzmann) multipliée par le logarithme naturel des probabilités de distribution. (…) celle-là était la formule de la mort ! Car elle soutenait que la Vie est l’instrument de la Mort, l’aliment de la Mort…