Citations de Oya Baydar (57)
Je ne sais pas si tu as déjà entendu cette expression mais on dit que c'est de l'Est que naît la lumière. Il y a encore quelque chose qui frémit à l'Est, un signe de vie sous les décombres, un espoir de changement. C'est du moins mon impression.
Si trop d'ambition est néfaste, son absence vous rend passif, paresseux et vous ôte toute velléité de réussir", disait Elif. Je n'ai jamais eu d'ambition ni de passion, je n'ai jamais cherché à être meilleur que les autres. Peut-être parce que je savais que j'étais incapable de l'être, peut être parce que je n'avais ni l'envie ni l'énergie de me forcer. Je désirais non pas être le meilleur mais le plus aimé. Je voulais être entouré d'amis, sincères, fidèles et dévoués, je voulais que les filles m'accordent de l'attention. Je voulais mener une vie peinarde, riche de bonheur et d'affection.
Toujours les mêmes questions, les mêmes problématiques que nous ruminons depuis des générations, comme la vieille rengaine de nos vies dénuées de sens, sans pouvoir y apporter de réponse ou de solution!
Comprends-moi : nous sommes fatigués d’attendre, fatigués d’espérer, fatigués es souffrances, des morts, des destructions transmisses de génération en génération
Les morts sont parfois plus dangereux que les vivants. Voilà des jours qu’on se démène pour récupérer les corps, qu’on fait le siège des bureaux du préfet, du commandant militaire, des organisations de la société civile, des autorités religieuses
Les droits et les libertés ne sont pas offerts aux peuples comme un bouquet de fleur. Il faut hélas se battre pour les obtenir, et il n’existe pas de guerre sans crimes, sans violence et sans meurtres
Le Cizre que tu as vu datait du temps de l’innocence. Maintenant, si je t’enjoignais d’y aller, tu ne pourrais même pas y entrer. Si tu voyais, si tu savais les atrocités commises là-bas, la balance de la conscience à laquelle tu te fies tant se déréglerait de nouveau. Tu n’as rien vu à Cizre
Le Renard a raison, nous pleurerons bien sûr, mais toutes deux nous y avons gagné. Nous avons gagné de rêver ensemble à un monde nouveau que nous ne verrons sans doute pas nous-mêmes, mais que nos enfants et nos petits-enfants construiront en commun
Tu n’as jamais pris la main d’aucun d’eux dans la tienne, tu ne les as jamais regardés au fond des yeux, tu n’as pas pleuré avec eux, tu n’as pas partagé leur pain
C'est avec les briques du nationalisme turc et le ciment de l'islam que les architectes de l’État-nation turc ont érigé ces murs. Chaque gouvernement les a un peu plus rehaussés et renforcés. Nous qui vivons de l'autre côté de ce mur, pendant longtemps nous ne nous sommes même pas rendu compte de son existence. Alors pour ce qui est de vouloir le détruire...
Peut-être que les paroles les plus sincères et les plus naturelles sont encore celles des dialogues ordinaires que l'on entend de la bouche des gens ordinaires de ces séries que nous nous plaisons à mépriser. Toujours cette incurable maladie de nous autres intellectuels : critique tout, parle différemment, gargarise-toi de grandes phrases, assène de profondes assertions afin de te démarque du commun et de paraître supérieur !
Les héros doivent mourir jeunes afin que leur souvenir reste éternellement beau et vivant !
Ne t'avise surtout pas d'atteindre la réalité des beautés que tu contemples. Même les visions paradisiaques peuvent être créées à partir de débris. Regarde, prends plaisir, savoure ton bonheur. La réalité est-elle toujours vraie ? Est-il possible de bouleverser l'enchaînement "réalité-vérité-émotion-réaction" ? A notre époque où le virtuel règne en maître, quel est le sens de ces questions ?
Les femmes face à la vie ? Les mères sont-elles plus résistantes à la douleur ? Est-ce le reflet de la physiologie reproductive sur le cerveau ?
Notre slogan c'était "ouvrier-jeunesse main dans la main". C'est ce slogan qu'on scandait, c'est ce qu'on écrivait sur les pancartes quand on participait aux grèves et aux actions ouvrières. En réalité, je n'ai jamais crié. Dans les meetings, dans les défilés, je n'étais pas de ceux qui s'époumonent. J'avais beau lever le poing droit en l'air pour faire comme les autres et ne pas me faire remarquer, je n'étais pas très douée. J'avais l'air empruntée. Quand à l'avant-gardisme révolutionnaire des cadres de la bureaucratie civile et militaire, je n'y ai jamais cru, je n'ai jamais dévié de l'avant-garde ouvrière.
Il n’y a plus ni Est ni Ouest depuis la réunification. Mais tu verras que l’Est et l’Ouest existent encore, même à Berlin. Le mur a été détruit, mais les murs dans la tête et la mémoire des gens ne tombent pas si facilement. Il faudra encore des années pour que les souffrances s’estompent.
(p. 317-318)
Ma vie n’était que devoir. D’abord envers ma famille, ma mère, ma sœur, l’école, mes professeurs, la nation, la patrie ; ensuite envers le peuple, la classe ouvrière, la révolution, le parti, le monde. À croire que j’avais une dette de naissance envers tout et tout le monde.
(p. 19-20)