J'avais onze ans lorsque j'ai rencontré pour la première fois la grue blanche d'Amérique, à son départ de Canada pour Aransas. Je me souviens de ce jour comme si c'était hier. Il y avait d'un côté la débâcle d'une rivière en furie et de l'autre le vol majestueux, hors du temps, irréel, de trois oiseaux en route pour une migration de trois mille cinq cents kilomètres jusque sur les terres qui accueillent aujourd'hui notre réunion. Depuis cette date, je n'ai cessé de lutter pour la conservation de cette espèce. Vous le savez tous. Ce que vous ignorez pour beaucoup, c'est que derrière ce combat, nous étions deux. Deux femmes. Ou plutôt une femme et une femelle. (p. 233)
Au fil des ans, Wilma s'était tellement focalisée sur son oiseau qu'elle ne l'avait pas vu changer. Elle fit un lien avec le monde des humains: on ne prend conscience du vieillissement de ses proches et amis que lorsqu'on est séparé d'eux pendant de longues périodes ou lorsque leur fin approche.
Le visible ouvre nos regards sur l'invisible.