Citations de Paul B. Preciado (156)
La masculintié et la féminité normatives, l'hétérosexualité et l'homosexualité, telles qu'elles furent imaginées au XIXe siècle, sont entrées dans un processus qu'à défaut d'appeler effondrement, on devrait au moins qualifier de déconstruction, par euphémisme ou par conviction philosophique.
Ce n'est pas la transsexualité qui est effrayante et dangereuse, mais le régime de la différence sexuelle.
Je suis le lecteur dont le corps devient un livre.
Je suis Frankenstein qui essaie de trouver quelqu'un qui l'aime en se promenant avec une fleur à la main, alors que tous ceux qui passent le fuient.
La psychologie clinique et la médecine participent à une guerre pour l'imposition et la normalisation des organes du corps trans.
Je préfère ma nouvelle condition de monstre à celle d'homme ou de femme, car cette condition est omme un pied qui avance dans le vide en indiquant la voie vers un autre monde.
En réalité, tout ce que je suis devenu, je le dois peut-être à cette indifférence pour la santé mentale qui s'est développée en moi pendant l'adolescence, soutenue par des livres, dans cette ville espagnole où mon avenir semblait avoir été écrit par Dieu lui-même et plus tard traduit en plusieurs langues par les médecins et les psychanalystes.
Je ne suis pas du tout ce que vous imaginez; Je ne sais même pas ce que je suis. Il n'est pas plus facile de savoir ce que chacun est que de déterminer la position exacte d'un électron dans un accélérateur de particules.
La psychanalyse est ethnocentrisme qui ne reconnaît pas sa position politiquement située. Et je ne dis pas cela pour m'incliner devant l'ethnopsychiatrie : ses hypothèses sont également patriarco-coloniales et ne diffèrent pas de celles de la psychanalyse en termes de naturalisation de la différence sexuelle.
Il n'y a pas d'universalité dans les récits psychanalytiques dont vous parlez. LEs récits mythiques, psychologiques repris par Freud et élevés au rang de science par Lacan ne sont que des histoires locales, des histoires de l'esprit patriarcal-colonial européen, des histoires qui permettent de légitimer la position encore souveraine du père lanc sur tout autre corps.
Être marqué d'une identité signifie simplement ne pas avoir le pouvoir de nommer sa position identitaire comme étant universelle.
Ou bien nous avons tous une identité. Ou alors, il n'y a pas d'identité.
Mais la chose la plus importante que j'ai comprise, c'est qu'en tant que soi-disant "homme" et soidisant "blanc", dans un monde patriarcal-colonial, je povuais accéder pour la première fois au provilège d l'universalité. Un lieu anonyme et paisible où l'on vous fout sacrément la paix. Je ne m'étais jamais sentie universelle. J'ai été une femme, j'ai été lesbienne, j'ai été migrante. J'avais connu l'altérité, pas l'universalité. Si je renonçais à m'affirmer publiquement comme "trans" et acceptais d'être reconnue comme un homme, je pourrais abandonner une fois pour toutes le poids de l'identité.
Derrière les masques de la féminité et de la masculinité dominantes, derrière l'hétérosexualité normative, se cachent en fait de multiples formes de résistance et de déviance.
Lorsque j'ai entamé ce processus de transition, il m'a fallu un certain temps pour comprendre les codes de la masculinité dominante. Et, croyez-le ou non, rien n'a été aussi difficile que de s'habituer à la puanteur et à la saleté des toilettes des hommes. J'étais tourmenté par l'odeur, par les jets d'urine répartis sur et tout autour des lieux d'aisances et, malgré mes bonnes intentions, il m'a fallu des semaines avant de parvenir à surmonter cette répulsion. Jusqu'à ce que je réalise que ctte saleté et cette puanteur correspondaient à une forme de relaion sttrictement homo-sociale les hommes avaient créé un cercle fétide pour chasser les ffemmes.
Disons que je n'avais pas d'autre voie, toujours à supposer qu'il ne s'agissait pas de choisir la liberté, mais de la fabriquer.
Avec un effort qui semblait excessif, compte tenu de mon état supposé de malade et de dysphorique, j'ai atteint la culture académique d'un bourgeois occidental.
Si le régime de la différence sexuelle peut être figuré comme un réseau sémio-technique et cognitif qui limite notre perception, notre façon de ressentir et d'aimer, le parcours de la transsexualtié, aussi tortueux et inégal qu'il puisse paraître, m'a permis de faire l'expérience de la vie hors de ces limites.
Assigné au genre féminin à ma naissance, et vivant comme uen femme supposément libre, j'ai commencé à creuser un tunnel, j'ai accepté le joug de m'identifier comme transsexuel et, par conséquent, j'ai accepté que ma condition, mon corps, ma psyché soitn considérés, selon les connaissances que vous professez et défende, comme pathologiques.
Quand j'ai compris que quitter le régime de la différence sexuelle signifiait quitter la sphère de l'humain et entrer dans un espace subalterne, de violence et de contrôle, j'ai fait - comme Galilée à son époque quand il a rétracté ses hypothèses héliocentriques - tout ce qui était nécessaire pour pouvoir continuer à vivre le mieux possible et j'ai exigé une place dans le régime du genre binaire.