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Citations de Paul Bourget (155)


Je croyais, et par suite mes petits péchés m’apparaissaient comme de vrais crimes, et de les avouer me faisait honte. Je me repentais, et j’avais la certitude que je me relèverais pardonné, avec le délice d’une conscience lavée de ses taches. J’étais un enfant imaginatif et nerveux, il y avait donc pour moi, dans le décor du sacrement, dans le silence froid de l’église, dans cette odeur de caveau et d’encens qui la remplissait, dans le balbutiement de ma propre voix disant « mon père », dans le chuchotement de la voix du prêtre répondant « mon fils », par derrière le grillage, une poésie de mystère que je percevais sans la comprendre encore.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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Les influences diverses que je viens de résumer un peu abstraitement, mais dans des termes que vous comprendrez, vous, mon cher maître, eurent ce premier résultat, inattendu, de faire de moi, entre ma onzième et ma quinzième année, un enfant très pieux. (...) j’étais le à toutes les pratiques de la religion la plus sévère. Je trouve une preuve de ce que je vous ai raconté sur mon goût précoce de la dissection intime dans ce fait que je me sentis, au rebours de mes compagnons du catéchisme, séduit d’une manière presque passionnée par la confession. Oui, je peux dire que durant les quatre années de ma crise mystique d’adolescent, de 1876 à 1880, les grands événements de ma vie furent ces longues séances dans l’étroite guérite en bois de l’église des Minimes, notre paroisse, où j’allais, tous les quinze jours, m’agenouiller et parler à voix basse, le cœur battant, de ce qui se passait en moi.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. II. Mon milieu
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J’étais, à cette époque déjà, passionné de lecture, et le hasard m’avait mis entre les mains des volumes très différents de ceux qui se donnaient en prix dans les distributions. Voici comment : quoique mon père, en sa qualité de mathématicien, eût peu de lettres, il aimait quelques auteurs, qu’il comprenait à sa manière ; (...) Entre autres ouvrages, mon père possédait dans sa bibliothèque une traduction de Shakespeare en deux volumes sur lesquels on m’asseyait pour hausser ma chaise devant la table quand le temps fut venu de quitter mon siège de bébé. On me laissait ensuite, et sans y prendre garde, manier ces volumes, illustrés de gravures qui incitèrent bientôt ma curiosité à lire des morceaux du texte. C’était une lady Macbeth se frottant les doigts sous le regard terrifié du médecin et d’une servante, un Othello entrant le poignard à la main dans la chambre de Desdémone et penchant sa face noire sur la blanche forme endormie, un roi Lear déchirant ses vêtements sous les zigzags des éclairs, un Richard III couché dans sa tente et environné de spectres. Et, du texte qui accompagnait ces gravures, je lus tant et tant de fragments que je finis par me familiariser avant ma dixième année avec ces drames qui exaltaient mon imagination dans ce que j’en pouvais saisir, sans doute parce qu’ils ont été composés pour des spectateurs populaires et qu’ils comportent un élément de poésie primitive et un grossissement enfantin.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. I. Mes hérédités
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C’est aujourd’hui que je regrette vraiment mon père, que je comprends ce que j’ai perdu en le perdant. Je crois vous avoir nettement marqué ce que je lui dois : le goût et la facilité de l’abstraction, l’amour de la vie intellectuelle, la foi dans la science, le précoce maniement de la bonne méthode : voilà pour l’esprit (...).

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. I. Mes hérédités
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Il en était de même des fleurs qu’il me dressait à ranger dans un herbier, des cailloux que je cassais sous sa direction avec un petit marteau en fer, des insectes que je nourrissais ou que je piquais, suivant les cas. Bien avant que l’on ne pratiquât dans les collèges les leçons de choses, mon père appliquait à mon éducation première sa grande maxime : « Ne rien rencontrer que l’on ne s’en rende compte scientifiquement, » conciliant ainsi la paysannerie de ses premières impressions avec la précision acquise dans ses études mathématiques. J’attribue à cet enseignement le précoce esprit d’analyse qui se développa en moi dès cette première adolescence, et qui se serait sans doute tourné vers les études positives, si mon père avait vécu.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. I. Mes hérédités
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Mon père aimait la campagne, naturellement, parce qu’il avait été élevé dans un village, que tout petit il avait passé des journées entières au bord des ruisseaux, parmi les insectes et les fleurs. Au lieu de s’abandonner à ses goûts d’une manière simple, il y mélangeait ses préoccupations actuelles de savant. Il ne se serait point pardonné d’aller dans la montagne sans y étudier la formation du terrain ; de regarder une fleur sans en déterminer les caractères et sans en découvrir le nom ; de ramasser un insecte sans se rappeler sa famille et ses mœurs. Grâce à la rigueur de sa méthode en tout travail, il était arrivé ainsi à une connaissance très complète de la contrée ; et, quand nous marchions ensemble, cette connaissance faisait la matière unique de notre entretien. Le paysage des montagnes lui devenait un prétexte pour m’expliquer les révolutions de la terre. Il passait de là, sans efforts, avec une clarté de parole qui me rendait de telles idées perceptibles, à l’hypothèse de Laplace sur la nébuleuse, et j’apercevais distinctement en imagination les protubérances planétaires s’échappant du noyau enflammé, de ce torride soleil en rotation. Le ciel de la nuit, par les beaux mois d’été, devenait une espèce de carte qu’il déchiffrait pour mes yeux de dix ans, et où je distinguais l’Étoile polaire, les sept étoiles du Chariot, Véga de la Lyre, Sirius, tous ces univers inaccessibles et formidables dont la science connaît le volume, la position et jusqu’aux métaux.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. I. Mes hérédités
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Parmi les circonstances qui agirent sur moi durant mon enfance, je crois que voici une des plus importantes : chaque dimanche matin, et aussitôt que je pus lire, ma mère commença de m’emmener avec elle à la messe. Cette messe se célébrait à huit heures dans l’église des Capucins, assez nouvellement bâtie sur un boulevard planté de platanes, qui monte du cours Sablon à la place du Taureau, en longeant le jardin des Plantes. À la porte de cette église se tenait assise, devant une boutique volante, une marchande de gâteaux, appelée la mère Girard, que je connaissais bien, pour lui acheter au printemps de petits bâtons auxquels quatre ou cinq cerises pendaient, attachées par du fil blanc. C’étaient les premiers de ces fruits que je mangeasse dans la saison. Cette friandise aigre et fraîche fut une des sensualités de ces jours d’enfance.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. I. Mes hérédités
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J’ai constamment éprouvé, par exemple, une horreur singulière pour l’action, si faible fût-elle, au point que de faire une simple visite me causait autrefois un battement de cœur, que les plus légers exercices physiques m’étaient intolérables, que d’entrer en lutte ouverte avec une autre personne, même pour discuter mes idées les plus chères, m’apparaît, encore aujourd’hui, chose presque impossible. Cette horreur d’agir s’explique par l’excès du travail cérébral qui, trop poussé, isole l’homme au milieu des réalités.

Chapitre IV. Confession d'un jeune homme
&. I. Mes hérédités
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Mes réflexions postérieures m’ont fait reconnaître dans plusieurs traits de mon caractère le résultat, transmis sous forme instinctive, de l’existence en études abstraites menée par mon père.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. I. Mes hérédités
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(...) j’évoque à mon gré ces menus détails où tout n’était que pensée, et ces images m’aident à comprendre comment dès ma lointaine enfance le rêve d’une existence purement idéale et contemplative s’élabora en moi, favorisé sans doute par l’hérédité.

Chapitre IV. Confession d'un homme
&. I. Mes hérédités
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Car mon véritable moi n’est, à proprement parler, ni celui qui souffre, ni celui qui regarde. Il est composé des deux, et j’ai eu de cette dualité une perception très nette, bien que je ne fusse pas capable alors de comprendre cette disposition psychologique exagérée jusqu’à l’anomalie, dès mon enfance, – cette enfance que je veux évoquer d’abord en essayant de tout abolir de l’heure présente et avec l’impartialité d’un historien désintéressé.

Chapitre IV. Confession d'un homme d'aujourd'hui
& I. Mes hérédités
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Aussi loin que je remonte en arrière dans mon passé, je constate que ma faculté dominante, celle qui s’est trouvée présente à travers toutes les crises de ma vie, petites ou grandes, comme elle se retrouve présente aujourd’hui, a été la faculté, j’entends le pouvoir et le besoin du dédoublement. Il y a toujours eu en moi deux personnes distinctes : une qui allait, venait, agissait, sentait, et une autre qui regardait la première aller, venir, agir, sentir, avec une impassible curiosité. À l’heure actuelle, et tout en sachant que je suis là en prison, accusé d’un crime capital, perdu d’honneur et aussi accablé de tristesse, que c’est bien moi, Robert Greslou, né à Clermont le 5 septembre 1864… et non pas un autre, – je pense à cette situation comme à un spectacle auquel je demeure étranger.

Chapitre IV. Confession d'un homme d'aujourd'hui
& I. Mes hérédités
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J’ai appris, par vos livres, le remède contre de telles épreuves, et en opposant à l’image de la mort prochaine le sentiment de l’inéluctable nécessité, en diminuant la vision de la douleur de ma mère par le rappel précis des lois psychologiques qui gouvernent les consolations, j’arriverais au calme relatif. Certaines phrases de vous y suffiraient, celle par exemple du cinquième chapitre du second livre dans votre Anatomie de la volonté, que je sais par cœur : « L’universel entrelacement des phénomènes fait que sur chacun d’eux porte le poids de tous les autres, en sorte que chaque parcelle de l’univers et à chaque seconde peut être considérée comme un résumé de tout ce qui fut, de tout ce qui est, de tout ce qui sera. C’est en ce sens qu’il est permis de dire que le monde est éternel dans son détail aussi bien que dans son ensemble. » Quelle phrase, et comme elle enveloppe, comme elle affirme et démontre l’idée que tout est nécessaire, en nous comme autour de nous, puisque nous sommes, nous aussi, une parcelle et un moment de ce monde éternel !…

Chapitre IV. Confession d'un jeune homme d'aujourd'hui
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Le souvenir de l’Allemagne subitement rappelé changea pour une seconde le cours de sa pensée. Il évoqua presque malgré lui Hegel, puis la doctrine de l’identité des contradictoires, puis la théorie de l’évolution qui en est sortie.

Chapitre III. Simple douleur
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Comme on voit, le philosophe était arrivé, semblable sur ce point aux autres systématiques, à faire de ses doctrines le centre du monde. Il raisonnait à peu près ainsi : Étant donné un fait historique, quelle en est la cause principale ? Un état général des esprits. Cet état des esprits dérive lui-même des idées en cours. La Révolution française, par exemple, procède tout entière d’une conception fausse de l’homme qui découle de la philosophie cartésienne. Il en concluait que, pour modifier la marche des événements, il fallait d’abord modifier les notions reçues sur l’âme humaine, et installer à leur place des données précises d’où résulteraient une éducation et une politique nouvelles. Le plus curieux était que cette théorie avait fait de cet athée un monarchiste aussi passionné qu’un Bonald ou un Joseph de Maistre.

Chapitre III. Simple douleur
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Le célèbre philosophe était, en toute chose, d’une ponctualité méthodique. Parmi les maximes adoptées, à l’imitation de Descartes, dans le début de sa vie, se trouvait celle-ci : « L’ordre affranchit la pensée. »

Chapitre 2. L'affaire Greslou
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Peut-être M. Sixte avait-il aimé sa mère. A coup sûr, là s’était bornée son existence sentimentale. S’il était doux et indulgent pour tous les hommes, c’était par le même instinct qui lui faisait, lorsqu’il déplaçait une chaise dans son bureau, prendre ce meuble sans violence. Mais il n’avait jamais éprouvé le besoin d’avoir auprès de lui une chaude et ardente tendresse, une famille, un dévouement, un amour, pas même une amitié. Les quelques savants avec lesquels il était lié lui représentaient des conversations professionnelles, celui-ci sur la chimie, cet autre sur les hautes mathématiques, un troisième sur les maladies du système nerveux. Que ces gens-là fussent mariés, occupés d’élever leurs enfants, soucieux de se pousser dans une carrière, il n’en tenait aucun compte dans ses rapports avec eux. Et si bizarre que doive paraître une telle conclusion après une telle esquisse, il était heureux.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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Dans ces deux livres se trouvait précisée la doctrine de M. Sixte, qu’il est indispensable de résumer ici, en quelques traits généraux, pour l’intelligence du drame auquel cette courte biographie sert de prologue. Avec l’école critique issue de Kant, l’auteur de ces trois traités admet que l’esprit est impuissant à connaître des causes et des substances, et qu’il doit seulement coordonner des phénomènes. Avec les psychologues anglais, il admet qu’un groupe parmi ces phénomènes, celui qui est étiqueté sous le nom d’âme, peut être l’objet d’une connaissance scientifique, à la condition d’être étudié d’après une méthode scientifique. Jusqu’ici, comme on voit, il n’y a rien dans ces théories qui les distingue de celles que MM. Taine, Ribot et leurs disciples ont développées dans leurs principaux travaux. Les deux caractères originaux des recherches de M. Sixte sont ailleurs. Le premier réside dans une analyse négative de ce qu’Herbert Spencer appelle l’Inconnaissable. On sait que le grand penseur anglais admet que toute réalité repose sur un arrière-fonds qu’il est impossible de pénétrer ; par suite, il faut, pour employer la formule de Fichte, comprendre cet arrière-fonds comme incompréhensible. Mais, comme l’atteste fortement le début des Premiers Principes, pour M. Spencer cet Inconnaissable est réel. Il vit, puisque nous vivons de lui. De là il n’y a qu’un pas à concevoir que cet arrière-fonds de toute réalité enveloppe une pensée, puisque notre pensée en sort ; un cœur, puisque notre cœur en dérive. Beaucoup d’excellents esprits entrevoient dès aujourd’hui une réconciliation probable de la Science et de la Religion sur ce terrain de l’Inconnaissable. Pour M. Sixte, c’est là une dernière forme de l’illusion métaphysique et qu’il s’est acharné à détruire avec une énergie d’argumentation que l’on n’avait pas admirée à ce degré depuis Kant.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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Ce Saint Laïque, comme on l’eût appelé aussi justement que le vénérable Émile Littré, haïssait dans le Christianisme une maladie de l’humanité. Il en donnait ces deux raisons, d’abord que l’hypothèse d’un père céleste et d’un bonheur infini avait développé à l’excès dans l’âme le dégoût du réel et diminué la puissance d’acceptation des lois de la nature, – ensuite qu’en établissant l’ordre social sur l’amour, c’est-à-dire sur la sensibilité, cette religion avait ouvert la voie aux pires caprices des doctrines les plus personnelles. Il ne se doutait point d’ailleurs que sa fidèle domestique lui cousait des médailles bénites dans tous ses gilets, et son inadvertance à l’endroit de l’univers extérieur était si complète qu’il faisait maigre les vendredis et autres jours prescrits par l’Église, sans apercevoir cet effort caché de la vieille fille pour assurer le salut d’un maître dont elle disait quelquefois, reproduisant, sans le savoir elle-même, un mot célèbre : — « Le bon Dieu ne serait pas le bon Dieu, s’il avait le cœur de le damner. »

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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À dix heures toute lumière s’éteignait chez lui. Cette existence monastique avait son repos hebdomadaire du lundi, le philosophe ayant observé que le dimanche déverse sur la campagne un flot encombrant de promeneurs. Ces jours-là, il partait de grand matin, montait dans un train de banlieue et ne rentrait que le soir. Il ne s’était pas une fois, durant ces quinze ans, départi de cette régularité absolue. (...)
Il convient d’ajouter, pour fixer les traits principaux de cette figure singulière, qu’il avait rompu tout rapport avec sa famille, et cette rupture se fondait, comme les moindres actes de cette vie, sur une théorie. Il avait écrit dans la préface de son second livre : Anatomie de la volonté, cette phrase significative : « Les attaches sociales doivent être réduites à leur minimum pour celui qui veut connaître et dire la vérité dans le domaine des sciences psychologiques.

Chapitre 1. Un philosophe moderne
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