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Citations de Paul Greveillac (186)


Jesse Owens: quatre médailles d'or quant à lui, mais toujours pas de droit de vote à l'horizon (l'athlète ne recevra même pas un télégramme de félicitations de la part du président Roosevelt, très soucieux de ne pas laisser penser aUx sudistes qu'il est un nigger lover).
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En tant que Noir, il aura le droit de remporter deux médailles d'or pour son pays, mais pas celui de voter pour son président.
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À travers tout le Reich, c'était désormais la fuite en avant. Mais, face à la débandade qui s'annonçait, Aldor Elkân vacillait. Il y avait en lui un nain bourru qui voulait même freiner des quatre fers. Accepter le totalitarisme, c'était au contraire accélérer le mouvement. Et le PDG, n'y parvenait plus. Pour s'épanouir dans le totalitarisme, il fallait pouvoir courir quand on vous demandait de marcher.
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Reinhard Heydrich contint son énervement. Il allait prendre un malin plaisir à cribler son adversaire de touches. Le duel fut bref. À la régulière, sans esbroufe ni botte secrète, l'avocat battit le vice-gouvemeur par cinq touches à trois. Puis il partit enfiler sa robe, avant de retrouver le palais de justice.

Le SS-Obergruppenfûhrer fût froidement vexé. Pendant le vol de retour vers Prague, il refit mentalement le combat. Que s'était-il passé ? Ètait-il si rouillé ? S'était-il déconcentré ? Il n'avait plus perdu depuis tant d'années... Afin de la comprendre, il savait devoir analyser sa contre-performance avec pragmatisme et objectivité. Revoyant l'insupportable insolence du Français, il en était cependant bien incapable. De rage, il brisa la visière du képi qu'il tenait entre ses mains.

Le sabreur ignorait qu'il venait d'avoir affaire à René Bondoux. Ce dernier, s'il était bel et bien avocat, avait tout de même remporté l'or par équipes aux Jeux olympiques de Los Angeles. Puis l'argent, quatre ans plus tard, à Berlin.
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Tous les chiffres du protectorat étaient au vert : presque plus du tout de Juifs, mais toujours davantage d'avions et de tanks.

Et quels tanks. Le verdict du général de Lattre, dont les forces furent pourtant équipées des légendaires Sherman américains, fut sans appel : « Nos engins sont nettement surclassés par les Jagdpanther et les Tigre. »
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Winston Churchill avait besoin de pouvoir s'écouter penser. Il n'avait rien tant en horreur que le sifflotement trivial qui fait dérailler le raisonnement mieux que les bombes. Il exigeait le silence. D'un bout à l'autre de son bunker, on tapait les comptes rendus, les ordres, les rapports secrets, sur des Remington spécialement conçues dont les cliquetis étaient étouffés.

Dans un réceptacle verni de la taille d'une boîte à chaussures, une main glissa silencieusement un petit écriteau de bois sur lequel se détachaient cinq lettres noires. Windy. On attendait du vent. C'était ainsi qu'on annonçait les bombardements des Allemands. A Londres moins qu'ailleurs on n'oubliait que l'humour est le dernier rempart de la civilisation.
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Bientôt, dans un hangar sous étroite surveillance auquel n'avait accès qu'un club fermé d'individus, l'avion de la traversée fut prêt. C'était un monoplan à ailes hautes, petit mais puissant, un bimoteur court sur pattes à l’allure de bouledogue. Il se distinguait par sa rusticité. Son train d'atterrissage escamotable. L'habitacle était minimaliste, étroit : une banquette sur laquelle on tenait à peine à deux. Pour la navigation : un altimètre, un anémomètre, un compas magnétique à la fiabilité éprouvée. Bref, de l'indispensable uniquement. Pour seule coquetterie, de chaque côté du fuselage, on avait peint au pochoir un insigne représentant le même visage de femme au regard intransigeant, entouré de deux ailes touffues, qui agrémentait le pommeau de la canne de Viktor Jelinek. L’Alkonost, déité slave, donnait son nom à l'avion Fernak. Les semaines qui suivirent, les deux pilotes testèrent l'appareil. Ils le poussèrent jusque dans ses retranchements. L’Alkonost était solide. Rien à redire. Ou presque.
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Le réalisme socialiste tenait son chef-d’œuvre. Et son chef-d’œuvre, le transcendant, déjà le niait.
La fin de la projection fut suivie d’un long silence. Tous se mordirent la lèvre d’émotion.
Tarkovski était né.
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La faillite d'un régime est avant tout celle de ses élites. Les raisons, les prémices de la chute d'un empire, sont peut-être à chercher dans ses salons mondains.
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Les sociétés ne se délitent pas sous la charge des sollicitations égoïstes. Elles pourrissent sur pied, faute d'avoir su faire bourgeonner le mystère. Nous avons faim de tabous. Nous nous mourons de la pauvreté de nos rêves. En leur absence, nous sommes de grands orphelins à l'ombre de nos désastres intimes. Nous achoppons à nous construire, parce que nous le voulons trop. Nous avons voulu nous convaincre qu'il n'est rien de valeur qui ne soit tangible. Parce que c'était facile. Parce que c'était idiot. Parce que nous manquons, peut-être, de courage. De désir. Nous étions, déjà, pomme, plutôt qu'Adam, ou Ève. Fruit vert, ou blet, dont la gratuité est absurde.
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Carcasse solide, yeux noirs, visage grêlé, crâne enrubanné du matin au soir, Bouchtara est homme de peu de mots. Il a pourtant des délicatesses à faire pleurer les pierres.
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En marchant, on comprend beaucoup. Les situations s'éclairent d'une lumière nouvelle. C'est comme si, en dévoilant un coin de rue, on ouvrait sur soi une nouvelle perspective.
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Tout finit. Dans la grande impermanence, nous virevoltons. Il ne faudrait pas en concevoir de la tristesse ou du désespoir, plutôt une forme de nostalgie que nous tâcherions d'accueillir. Elle croît avec l'âge jusqu'à régner sans partage. Aimer souvent la nostalgie, regretter peu de ce que l'on a pu faire ou au contraire manqué de faire : là réside sans doute la félicité; l'équilibre est précaire. (p. 178)
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On les enrôle, F.F.I., F.T.P., maquisards dépenaillés aux manches retroussées et aux allures de mauvais garçons qui ne sont pas non plus systématiquement des patriotes de la première heure. René récupère ce faisant la compagnie F.F.I. Conti. Mettre au pas, intégrer tout ce beau monde, n'est pas une mince affaire. C'est même peut-être le plus dur : faire que la France ne boude pas la France.

Avec l'addition de toutes ces bonnes volontés, on pourrait s'attendre à ce que les effectifs de la 1re armée française explosent. Il n'en est rien. Force est en effet de constater que les troupes changent dans le même temps de couleur de peau. C'est-à-dire qu'on va devoir monter vers le nord et que les Noirs et les Arabes, semble-t-il, en frissonnent. C'est en tout cas la version officielle qui prévaut encore aujourd'hui. En conséquence de quoi, de Lattre « blanchit » ses régiments. Le mot, comme vous, nous a fait sursauter. Il faut se rappeler que l'armée américaine, dont dépend la française, est alors ségréguée. Les Blancs d'un côté. Les Colorés de l'autre. De Lattre écrit : « Des batailIons entiers de Sénégalais [sont], du jour au lendemain, remplacés par des bataillons F.F.I. » Les régiments de tirailleurs sénégalais sont même rebaptisés « régiments d'infanterie coloniale ».
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Le type est jeune. Long. Immanquablement, on pense à une asperge. Ses parents sont plutôt courts sur pattes, lui non. Il a les oreilles décollées. L’air de s'en vouloir de quelque chose, de ne pas avoir aidé à débarrasser la table par exemple. C'est un bon gars. Mais il n’a que seize ans. Bernard de Lattre de Tassigny ne ressemble pas à son père et pourtant comme on dit, sur l'essentiel, bon sang ne saurait mentir : il a obtenu de la main de De Gaulle une dérogation pour avoir le droit de combattre.

Et c'est, le 2e Dragons qui va devoir l'accueillir. René a envie de demander pourquoi moi, il s'abstient. Le colonel Demetz veut-il tester I'officier de réserve qu'il est ? Est-ce une marque de confiance de sa part, voire de celle du roi Jean en personne ? René s'éloigne du P.C. d'un pas ample aux côtés de son nouveau subordonné, pas bien sûr de savoir quelle attitude adopter avec lui. Par exemple, doit-il lui proposer une cigarette ? Il se dit qu'à seize ans, lui-même déjà fumait. Raté. Le petit de Lattre ne fume pas.

Un rapide examen permet à René de jauger les qualités du jeune homme qui, s'il a du cœur, est encore loin de maîtriser le métier de soldat. Le capitaine Bondoux se gratte la tête. Place sa nouvelle recrue sous les ordres d'un « voltigeur » prénommé Mohamed.
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En garde, petit bonhomme ! Au Cercle des officiers, il croise un type énorme. Crinière abondante et ébouriffée. Arcades sourcilières de boxeur. Lippe pantagruélique. L'ours de la taïga s'est bien acclimaté. Hâbleur, conteur, « en sa tenue d'aviateur buvant sec avant de briser sa coupe », celui qu'on appelle Jeff est impossible à arrêter. René s'en envoie quelques-uns derrière la cravate en sa compagnie. Il s'éclipse alors que Joseph Kessel monte en puissance et propose d'enchaîner au bar du Saint-Georges. Tout sauf une ombre.
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Février. Neuf mois de captivité se résolvent pour René dans le mouvement du train. L'impatience le taraude. L’espoir de revoir sa femme et son fils tiraille. Le capitaine Bondoux est relâché en même temps qu'un certain Louis Poirier, alias Julien Gracq. On entre en littérature comme on entre en résistance. On va parfois jusqu'à se choisir un nom de guerre. Paris est très loin. Le voyage est sans fin. Louis et René sont pareillement vêtus de l'uniformie français. Tous deux sont originaires d'Anjou. Ils auraient sans doute des choses à se dire. Pourtant, ils n'échangent pas un not. René est un homme gai, au contact facile. Le genre le type dont Louis Poirier se méfie. D'ailleurs, au camp, il n’a jamais été tenté par l'escrime du capitaine Bondoux. ll a vu, au mieux, dans le jeu de jambes du champion olympique des entrechats maladroits. Il s'est demandé avec anxiété si les passoires avaient pu être remplacées en cuisine. Il a préféré écrire. Dans le train, lors des haltes, le résistant Gracq garde son quant-à-soi. Il lit en fumant doucement. Il pense peut-être qu’« il vaudrait mieux n'importe quoi que cette lente, graduelle et passive imprégnation de la défaite ». II a dans sa sacoche des bribes de textes sur la guerre qu'il n'estimera pas dignes d'être données à lire.
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C'est un homme du monde. C'est d'ailleurs, si l'on veut, la raison de sa présence ici. A Paris, on vient de lui refuser la défense du dénommé Gorgulov. L'assassin du président de la République. L'affaire aurait pu lancer sa carrière d'avocat. Mais parce que ses parents sont des proches de la famille Doumer, on a estimé qu'il ne serait pas en mesure de défendre le Russe. Il est ici presque à contrecœur. Pendant la traversée de l'Atlantique, pendant les entraînements sur le pont, il a longuement ressassé. Cela ne s'est pas vu. En société, il est l'homme le plus souriant, le plus charmant qui soit. Il est champion de fleuret. C'est seulement lorsqu'il est seul qu'il se permet de baisser la garde.
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La seule guerre vraiment sainte consiste à ne pas la faire.
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On entre en littérature comme on entre en résistance. On va parfois jusqu’à se choisir un nom de guerre.
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