Adolf se tenait sur le gaillard d'avant du plus grand des navires de guerre. Fiérement son regard se portait vers l'horizon. Il se dit que les Vikings, c'est bons Aryens, avaient dû vivre de pareils moments.
Sam griffait désespérément les bords friables de l'abîme. Terrifié, il sentit la crampe gagner, lentement mais sûrement, l’extrémité de ses doigts. Il tomba.
Et...
Pour être tout à fait franc, Sam n'était nullement suspendu au-dessus d'un abîme, et il n'avait pas la moindre crampe au bout des doigts. À des lieux à la ronde, pas trace d'un abîme dont on pourrait désespérément griffer les bords. Mais un éditeur rencontré récemment m'a confié qu'en jugeant un manuscrit, il ne se fiait qu'à la première phrase. Il doit donc être sur des charbons ardents !
D'ailleurs, je ne suis pas très sûr de ce qui va arriver à Sam. Il s'agit ici d'une chronique, et il n'est donc pas exclu qu'au chapitre XXXVI, par exemple, Sam soit bel et bien en train de griffer désespérément le bord effrité d'un abîme.
- Je m'appelle Adolf dit l'homme à la drôle de petite moustache et aux cheveux gris coiffés à la limande.
Son regard était à la fois pénétrant et étrange. Un homme qu'il valait mieux avoir pour ami que pour ennemi pensa Bill, tout en lui serrant la main.
Adolf libéra sa main, la leva, et cria violemment «Heil !»
- Heil à vous, répondit poliment Bill, que son impression première ne mettait pas en confiance.
Vous êtes mon compagnon de job ?
- Tout juste répondit l'autre.
Il avait un épouvantable accent autrichien. Et il paraissait incapable de prononcer autre chose que des mots presque aboyés, tout comme si le sort d'une élection en dépendait.