Le cœur est un réceptacle beaucoup plus profond qu'on ne se l'imagine.
J'étais une créature des saisons de Sibrille. L'été, je m'allongeais en haut des falaises festonnées de fleurs sauvages pour lire en m'émerveillant devant l'immensité de la mer. L'automne, je voyais enfler les eaux, fuir les couleurs, s'estomper les falaises. (...) En hiver, les seize heures de nuit coupaient Sibrille du monde extérieur et rapprochaient les gens, les solidarisaient. (...) Avec mars venaient les tempêtes. C'était alors qu'Hector me manquait le plus car je nous revoyais assis côte à côte derrière la vitre épaisse, quand il était petit, à regarder la fureur de la mer, blottis l'un contre l'autre à chaque nouveau fracas des vagues, anticipant le prochain assaut venu du large dont nous suivions la progression à travers les fenêtres givrées et criant dans un charmant unisson.
Si la jeunesse va de pair avec le courage, alors la vieillesse rime avec l'effroi.
Les larmes, comme je dis toujours, ça coule pas des yeux, ça coule du cœur.
Il parlait avec les rythmes riches et graves typiques du sud-est de l'Irlande, un accent aux articulations douces et uvulaires.
Une joilie fille qui préfère un jardin solitaire à une maison pleine de monde. Il y a toutes les chances qu'elle aime la mer.
En somme, nous formions une race nouvelle, née d'implantations successives depuis les temps médiévaux, mais une race de ratés, même selon les critères les moins sélectifs. Nous n'avions pas réussi à conserver le pays que nous avions été chargé de coloniser, pas réussi à cohabiter avec les gens que nous étions censés mettre au pas.
Cette indifférence concertée faisait que la société anglo-irlandaise vivait en cercle fermé ; par nécessité, nous allions jusqu’aux confins de l’Irlande pour voir nos amis, comme si nous autres Anglo-Irlandais étions tous unis par la lignée, les mariages consanguins, la religion et, par-dessus tout, un non-irlandisme radical. C’était le point qui nous définissait par excellence. Nous savions ce que nous n’étions pas, et chacune de nos actions ou de nos attitudes découlait de ce fait. Dans l’ensemble, nous traitions l’indépendance irlandaise par le mépris. L’idée que nous ne gouvernions plus le pays dans lequel nous vivions et que notre prétention à y maintenir nos habitudes était tout au plus tolérée ne semblait avoir effleuré personne. Bien sûr, vérité plus gênante, nous n’étions pas anglais non plus. Pour les irlandais de souche, nous incarnions l’Angleterre, et ils nous le faisaient payer ; mais, quand nous allions en Angleterre ou au Pays de Galles, nous comprenions bien que, pour les Anglais et les Gallois, nous étions des Irlandais. En somme, nous formions une race nouvelle, née d'implantations successives depuis les temps médiévaux, mais une race de ratés, même selon les critères les moins sélectifs. Nous n'avions pas réussi à conserver le pays que nous avions été chargés de coloniser, pas réussi à cohabiter avec les gens que nous étions censés mettre au pas.
Tout ua fond de la rivière, on courbe son corps avec le courant, on attend que l'ombre disparaisse. C'est votre terrain de chasse, votre royaume privé, l'endroit où l'on vit, où l'on se nourrit, où l'on se reproduit. La moindre fibre de votre corps miroite. La lumière au-dessus de vous change lentement. Tôt ou tard, il va falloir remonter.
Le passé, tel un tissu délicat, perdait de sa couleur chaque fois que je l'exhumais jusqu'à ce qu'il n'en restât plus pour moi que des images isolées.