Auteur de près d'une cinquantaine de livres et d'une quarantaine de scénarios pour le cinéma et la télévision, membre de l'Académie de Marine, président des Écrivains de Marine, Didier Decoin nourrit aussi une véritable passion pour la navigation. En invitant Isabelle Autissier, Isabelle Carré et un invité surprise à sa carte blanche, le président de l'édition 2022 Du Livre sur la Place réunit toutes ses passions.
Isabelle Autissier, "Le Naufrage de Venise" (Stock)
Isabelle Carré, "Le jeu des si" (Grasset)
Didier Decoin, "Le Sang des Valois, tome 1 - L'Homme du fleuve" (Glénat)
Une rencontre animée par Françoise Rossinot, le 9 septembre 2022 à l'Opéra national de Lorraine.
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Le groupe des disciples est loin d'être aussi consensuel et homogène qu'on a tendance à l'imaginer. C'est tout sauf un club figé, feutré et ronronnant. On s'y contredit, on s’y invective. Car le Juif de Palestine est un homme a sang très chaud et à neurones hyperactifs, qui n'aime rien tant que décortiquer les mots et les idées. C'est pourquoi il trouve si savoureuse l'étude infinie de sa chère Torah, à laquelle il ne cesse de découvrir de nouvelles interprétations.
Mais un jardin rendu aux campagnols et aux lézards, aux herbes folles et aux plantes rudérales, un jardin même saccagé par le temps qui passe, peut-il être qualifié de ruine ?
Métamorphose n'est pas mort. Et je crois bien que le dernier mot d'un jardin, celui-ci fût-il esquinté, défiguré au dernier degré, sera toujours le mot éternité.
En plus de ses serpents des neiges, la petite fille abrite dans une boîte à biscuits quelques objets inspirés de ceux qu'elle a vus aux mains des hommes-médecine et auxquels elle prête les mêmes pouvoirs magiques : des plumes, des crottes de chat-huant exposées à la lumière de la lune pour les charger de fluides bénéfiques, des cailloux (elle les respecte parce qu'elle sait qu'ils lui survivront même si elle devient une très vieille femme), des herbes nouées, des brins de laine et des tiges d'orties qu'elle fait sécher pour se confectionner un attrapeur de rêves.
Les Romains, qui sont pourtant des gens assez légers et superficiels, deviennent presque sombres quand ils font la fête. Et même lugubres quelquefois.
Les Juifs, c'est le contraire : plutôt graves le reste du temps, on croirait des enfants quand ils se mettent tous ensemble pour faire une fête. C'est, disent les Romains, le seule chose un peu positive qu'on trouve dans ce pays.
Sinon, la Palestine, comme c'est aride ! La terre est aride, les mentalités sont arides.
"[...] on ne peut s'empêcher d'aimer rageusement ce que l'on sait appelé à disparaître bientôt."

C'était à lui, Jean, que le Rabbi, au moment de mourir, avait confié le soin de veiller sur elle.
Il lui a dit qu'elle ferait mieux d'aller dormir un peu, mais elle a secoué la tête. Depuis la mort de Jésus, elle ne dort plus. C'est comme ça, Jean, je suis sa mère, je l'ai tellement, oh ! tellement aimé. Oui, je comprends, a dit Jean, moi non plus, je n'arrive pas à dormir.
Marie a dit qu'en plus de la mort de son fils, il y avait la mort de Judas qui lui faisait beaucoup de peine. Jean s'est offusqué : Judas n'avait eu que ce qu'il méritait, et son châtiment devait se poursuivre en pire là où il était à présent - dans la géhenne. Là-dessus, Jean croyait se rappeler que Jésus avait été on ne peut plus clair. Marie a dit que oui, bien sûr, mais qu’on ne savait pas ce qu'avait été le désespoir de Judas, ni ce qui avait envahi son cœur à l'instant où il s'était pendu.
Jean a protesté qu'il y avait quand même des limites à ce que Dieu pouvait pardonner, et Marie a chuchoté que, justement, il n'y en avait peut-être pas, des limites. Et ils n'en ont plus parlé.
Le vent tombé, le ciel redevenu clair, le fleuve clapotait doucement contre les flancs de la barque que le courant d'aval emportait au milieu d'une flottille de bateaux chargés de longues gerbes d'avoines, ou lestés des ordures ménagères ramassées entre les pilotis des maisons et que de vieux mariniers conduisaient vers l'aval, vers la baie de Naniwa où elles seraient jetées à la mer.
Car, à force d'être échangées dans le seul but de flatter, répétées toujours avec la même grandiloquence, à force, en somme, de n'être fécondées que par elles-mêmes, les louanges s'appauvrissaient, elles perdaient leur fonction de surprendre, d'exalter et de dilater, elles n'étaient plus qu'un bruit de fond comme celui de la pluie du matin sur les toits.
Gareki glissait ses deux mains de part et d'autre de la lune, ouvrait grand la bouche et faisait mine de mordre à belles dents dans le halo bleuté comme dans un gâteau.
- Si vous appelez fantôme la survie de l’esprit et sa capacité à se manifester spontanément ou par l’intermédiaire d’un medium, alors oui j’y crois, affirma Doyle.
Parce que c’est une réalité qui a été prouvée.
Et je ne comprendrais pas que la science dédaigne plus longtemps de s’y intéresser.