Philippe Bouvard

L’alphabet est aussi cruel que la vie. Il s’interrompt soudainement alors qu’après avoir dépassé le Néant on s’apprêtait à porter plainte contre X. Car au-delà du Z, il n’y a plus rien.

Tranquillisant.
Barbiturique qu’on donne aux malades pour permettre aux infirmières de dormir.

Peuple.
Péjoratif. Ne prend une majuscule qu’à la veille des scrutins.

Impératif.
Forme verbale désuète et asociale qu’il convient de remplacer par : « Est-ce que cela ne vous dérangerait pas s’il vous plaît de… » suivi de l’infinitif.

Grammaire.
Dépourvue de neutre, la nôtre ignore la parité. Ainsi dans une phrase au fil de laquelle six sujets sur sept sont féminins, le masculin l’emporte-t-il toujours sans qu’aucune association ne porte plainte.

Différence.
La distinction entre un sourd et un aveugle est aussi d’ordre caractériel : le premier est persuadé que tous ses contemporains souffrent de défaut d’élocution, voire d’aphasie, alors que le second ne prétend pas que le soleil a cessé de briller.

Coup (de foudre).
À bien y réfléchir, cette décharge électrique accompagnée d’une vive lumière qui soude momentanément deux êtres est encore plus mystérieuse pour le profane que la fission qui sépare les atomes.

Chimie.
Elle explique tout désormais : l’amour, le stress, le bonheur et le désespoir. La formation en biologie remplacera bientôt les diplômes de psychologie.

Chefs (de cuisine).
Tournent plus de phrases que de sauces.

Bonheur.
Les gens heureux n’ont pas d’histoire. Donc pas de films, pas de romans. Pauvres gens.

Blonde.
Ancienne brune.

Besoins.
S’agissant de leur satisfaction lorsqu’ils sont naturels, l’animal se montre à la fois moins pudique que l’homme puisqu’il les assouvit en public et plus discret car il n’en parle jamais.

Animaux.
Sont généralement de meilleure compagnie que leurs maîtres.

Il fait porter aux dames de la haute société lyonnaise des fleurs fanées avec l'étiquette d'un grand fleuriste qui se trouve ensuite assailli de réclamations. Ou bien il adresse un fer à repasser avec la carte de la mafia à des copains qui, terrorisés, cherchent vainement la signification de ce symbole ménager.

CHANT
Quand on a rien du tout à dire, il est préférable de le chanter.

La bonne santé persistante des retraités finira par tuer notre économie.

J'ai toujours fui les enterrements. Au point de faire le mort pour ne pas assister au mien.

L'idée reçue selon laquelle on revoit sa vie avant de la quitter. Une légende. On manque trop l'oxygène à ce moment-là pour s'offrir le cinéma.

Ma disparition? Mais je n'ai jamais disparu. Je ne suis même jamais resté aussi longtemps à la même place.

Pour qu'un enterrement soit réussi, il doit satisfaire d'abord à deux impératifs contradictoires : l'affluence et la désolation. Or la première s'oppose à la seconde pour la simple raison que plus de vivants se retrouvent et moins ils pensent au mort.