Les Innocentes d'Anne Fontaine - Bande-Annonce
Le véritable tombeaux des morts , c'est le cœur des vivants
C'était une présence invisible : dans les mots, dans les souvenirs, dans un temps qui n'était pas le mien, j'entendais parler de cette femme, qui n'était pas là. Enfant, j'écoutais les adultes évoquer ce fantôme, comme si sa présence était évidente, palpable, souveraine. Je ne connaissais rien de Madeleine Pauliac, sinon qu'elle était ma tante, et qu'elle était une héroïne. Dès que son nom était mentionné, une atmosphère de respect s'installait et, dans la maison familiale, soudain on conjurait le sort, Madeleine traversait les conversations avec dignité. Je reprenais mes jeux, sans me préoccuper plus avant de cette femme : pour un petit garçon, le passé n'est qu'une chose sans pesanteur, et la guerre, qui était encore sur toutes les lèvres, me semblait loin, située dans un univers dont je sentais, vaguement, qu'il avait pu exister avant ma naissance.
Les Russes, ayant traversé les marais de Pripet et franchi les plaines de Prusse, sont arrivés avec leurs tanks, leurs orgues de Staline, leurs canons, à Varsovie-Prage: le peuple polonais, dans un élan d'espoir, a dressé des barricades, a récupéré quelques fusils pour reprendre sa liberté. Les Russes allaient bouger, évidemment... Ils n'ont pas bougé. Ils ont attendu. Pendant vingt jours, ils ont contemplé, à la jumelle le spectacle d'une ville qui se transformait en tombeau pour ses derniers habitants.
Tres grande dame avec un courage exemplaire et un grand dévouement.
Je ne connaissais rien de Madeleine Pauliac, sinon qu'elle était ma tante, et qu'elle était une héroïne.
Sainto notera plus tard, après son retour : "Toute cette époque de la libération des camps fut un temps fort où la misère nous est apparue, à Petit Bob et moi, comme insoutenable. Serons-nous marquées à vie ?... C'est possible. Ces fours qui fumaient, cette odeur pestilentielle et ces hommes surtout, tous pareils, impossible de les reconnaître, même un ami."
Le train avance lentement dans une campagne monotone. Des gares en ruines, avalées par une plaine infinie qui sombre dans l'obscurité, disparaissent une à une. On devine des villages, mais aucune aspérité, aucune colline, aucune hauteur ne vient marquer l'horizon, qui se noie dans une grissaille permanente.
Dans le groupe, il y a deux grosses femmes, scandalisées d'être raflée pour des travaux de nettoyage. On sent, chez elles, la conviction d'être dans leur bon droit. La race des seigneur... Quand elles parviennent devant la pile de cadavres elles pâlissent. L'une d'elles s'évanouit.
Quel contraste entre la France qui fête sa libération et la Pologne qui n'en finit pas de souffrir ! Et tous ces français encore ballotés sur les mauvaises routes, sur le point de disparaître dans les steppes glacées de l'URSS...
Je creuse dans les fonds historiques et je me remémore certaines confidences de ma mère: Madeleine Pauliac a créée un orphelinat pour aider les enfants perdus, les enfants abandonnés, des bébés nés du viol des religieuses.