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Critiques de Pia Petersen (112)
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Instinct primaire

Je ferme le livre, ou plutôt cette longue lettre, avec un profond sentiment de malaise. Pire, je suis énervée. Non pas à cause de la forme. Je n'ai absolument rien à dire, à part quelques petites répétitions, sur le style, vif, mordant, incisif qui facilite la rapidité de la lecture. Mais le fond... Comment aurais-je pu réagir autrement face à l'apologie de l'adultère ? J'aurais dû m'en douter vu le titre. Mais c'est une fois le bouquin fini que l'on prend en pleine figure l'ampleur de sa signification.



La narratrice assume pleinement son rôle de maîtresse. Elle le dit sans ambages : "C'est là où l'on voit l'importance exagérée du mariage. La maîtresse est toujours considérée comme l'intruse, la créature qui s'immisce dans le couple dit sacré puisque tenu par un contrat de mariage. C'est n'importe quoi. Moi, je dis qu'il faut libérer les maîtresses de leur clandestinité forcée" (P 44-45). Discours égoïste auquel je ne peux adhérer et croyez-moi, je mesure mes propos. Qu'elle l'assume, c'est une chose. Mais un mot pour l'épouse peut-être, non ? Ah, oui, j'oubliais... si elle est trompée, c'est que ça doit être sa faute ! Bref... je ne m'énerverai pas... mais j'ose seulement espérer que Pia Petersen a seulement voulu choquer. Pour le coup, c'est une réussite !



Il n'y a qu'une idée à laquelle j'adhère : à un moment donné, la narratrice évoque le fait qu'une femme sans enfant subisse les réflexions / conseils des autres, sans que ces derniers ne cherchent à comprendre pourquoi elle n'en a pas. Il est vrai que ce sont sans cesse les mêmes questions : "Alors, ces enfants, c'est pour quand ?" avec la variante : "Tu n'as jamais pensé à avoir des enfants ?" Puis, le coup de grâce : "Tu as fait des examens ?" Et si jamais la personne a l'outrecuidance de dire qu'elle n'en veut pas, on ne la croit pas. Oui, voilà la seule chose que je n'ai pas rejetée !



Allez, je m'arrête là, vous avez bien compris mon ressenti sur le sujet. Ceci dit, ce n'est que mon simple avis (pour paraphraser Nastasia). A chacun de se faire sa propre idée.


Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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La vengeance des perroquets

« Dans la Silicon Valley, on ne tue pas l'ennemi, on l'achète et on l'absorbe et on l'efface ».

Le ton est pris pour ce roman efficace et glaçant au coeur du réacteur des datas données et des algorithmes. C'est une oeuvre de fiction mais sa lecture fait froid dans le dos car son contexte très réaliste est celui que nous vivons actuellement.

Emma artiste peintre s'est laissée convaincre de dessiner le portrait de Henry Palantin, le dirigeant unique, un dictateur de la technologie qui a toute emprise sur ses employés et dont le pouvoir s'étend dans le monde politique. Les réticences d'Emma à faire ce portrait redoublent quand elle rencontre Achille professeur d'Université et lanceur d'alerte sur les dérives technologiques qui enfreignent la vie privée des personnes et leur liberté à leur insu.



Je ne vous cache pas qu'après avoir lu ce roman de Pia Petersen, je ressens un petit malaise à écrire sur l'écran de mon ordinateur. Tout ce qui est écrit est enregistré et codifié dans le langage artificiel de la machine qui entasse du vocabulaire et améliore ainsi ses connaissances. C'est le perroquet stochastique (amie des oiseaux, je déplore que le perroquet soit associé à des dérives technologiques), l'arme numérique d'un futur inquiétant.

Les propos du roman sont peut-être un peu trop alarmistes et noirs mais je mesure tout de même mieux les raisons pour lesquelles internet nous demande de cocher des cases d'un feux tricolore, une voiture par exemple ou de recopier des lettres afin de pouvoir accéder à un site.



La vengeance des perroquets (la couverture du livre est révélatrice du sujet) nous fait entrer de plain-pied dans les immeubles rubiconds des géants de la technologie numérique par des descriptions précises et un scénario très proche de la réalité.

Pour tout dire, je préfère les peintures des artistes du street art qu'Emma va rejoindre pour faire entendre sa voix et celle d'Achille. Un monde très visuel et en couleurs que la machine ne peut détecter si la main de l'homme les embrouille mais qui paradoxe a besoin des réseaux sociaux pour se faire connaître.



Je remercie Babelio et les Editions les Arènes pour la découverte de l'autrice et de son livre marquant dans le cadre d'une masse critique.
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Un écrivain, un vrai

Jusqu'où un écrivain doit-il aller pour rencontrer la faveur du public?

C'est la question que pose ce livre: Un écrivain, un vrai, est-ce celui qui est prêt à accepter de nouvelles expériences en vue de développer sa renommée certes mais aussi pour faire lire des personnes qui habituellement lisent peu ou pas du tout?

Gary est un auteur réputé qui a déjà obtenu des prix littéraires.

Il vient d'être distingué par l'International Book Prize.

Il accepte de se prêter au jeu d'une émission de téléréalité qui le suit pendant qu'il écrit.

Les spectateurs sont invités à intervenir sur l'histoire de son livre en cours, le transformant ainsi en oeuvre de "storytelling".

Gary croit sincèrement au bien-fondé de cette entreprise mais l'expérience va bientôt être cruelle pour lui: il va perdre sa puissance créatrice et plonger dans une sombre dépression.

C'est un livre intéressant qui pose les vrais problèmes: peut-il y avoir vraiment une création littéraire si la pression commerciale est présente à chaque pas que fait l'écrivain?

Comment l'écrivain peut-il garder le recul nécessaire, face aux enjeux commerciaux et aux pressions des media et ce dans un environnement technologique de plus en plus performant?

Pas de réponse toute faite dans ce roman mais le problème est posé.

Les personnages manquent de charisme et de subtilité c'est un peu dommage. Ainsi la femme de Gary, Ruth, est assez caricaturale dans son ambition et sa volonté de manipuler son mari.

Le mécanisme de ce "roman participatif" des temps nouveaux aurait pu être exploré plus en détail.

C'est un livre qui fait réfléchir sur les enjeux de notre société.

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Paradigma



La révolte sourde #debout les damnés de la terre# , un flot de marcheurs, un tsunami de laissés pour compte est prêt à submergé Hollywood Boulevard. #Debout les forçats de la faim# Los Angeles métropole emblématique, la ville de tous les espoirs, de toutes les réussites se prépare à la cérémonie de la remise des Oscars.

Beverly Hills est fébrile mais c’est la rue qui est malade de pauvreté et de désespoir. # foule esclave, foule debout# Emmenée par Luna, une hackeuse que tout le monde suis sur les réseaux sociaux mais que personne ne connait, le flot silencieus de miséreux grossit, enfle, la Californie est au bord de l’implosion. # Le monde va changer de base# Ils sont tous là les ratés, les exclus, prêts à faire de leur avenir une utopie. # Nous ne sommes rien, soyons tout#...

La révolution n’est pas toujours constituée de bombes qui explosent et de bains de sang. Une révolution peut passer inaperçue. La rupture entre l’ancien et le nouveau monde a modifié la manière dont on se voit en tant qu’être humain.

Je ne suis plus un être humain, je suis une valeur économique faible. C’est là qu’a commencé la déshumanisation de la société, quand la société est devenue un système fait pour servir l’économie. La révolution se trouve dans ce séisme.”



“La peur est à l’origine de la terreur économique. Ne jamais oublier l’importance de la peur.”



“Il fut un temps où la pauvreté n’était pas considérée comme un crime. Réfléchissez, tous...”



Ces extraits du blog de Luna, la hackeuse qui dirige l’insurrection, montre que la vision de Pia Peterson est à la fois simple et assez puissante dans l’analyse politique..



Bref, ce Paradigma est une dystopie de très bonne tenue, très bien écrite, poétique et réaliste qui à la très bonne idée d’utiliser le Dolby Théâtre en période d’Oscar comme une Bastille à prendre, unité de temps unité de lieu la tragédie de Paradigma peut commencer et Pia Peterson de réussir cette fable admirable troublante et étonnante !
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un écrivain, un vrai

Lectrice attentive des publications d' Actes Sud, j'ai tout de suite été tentée par la lecture de "Un écrivain, un vrai" ! quel beau titre pour une passionnée de lecture !

Alors que le prestigieux International Book Prize est sur le point d'être attribué, le "tout New York" se presse à l'intérieur du Plaza Hôtel. Les informations, les rumeurs circulent... qui va l'emporter ? qui fait partie du jury ? Il fait chaud. Gary, écrivain déjà confirmé, étouffe, a-t-il ses chances ? Ruh, sa femme le surveille tout en s'entrenant avec son éditeur, son attaché de presse... ils ont des projets qui devraient rapporter beaucoup d'argent en plus d'un succès certain. Il va falloir bien gérer la situation !

"Un écrivain, un vrai" est le titre de l'émission de téléréalité dont le tournage doit commencer rapidement avec Gary comme acteur principal. Ruth veille à la mise en oeuvre de l'émission qui se déroule sous les yeux d'un public actif agissant sur le déroulement du roman que Gary écrit en direct. De plus, toute sa vie est désormais placée sous l'oeil des caméras qui le suivent. Plus un moment d'intimité !

Lorsqu'après un accident, coincé dans son bureau au sous sol de sa maison, sommé par Ruth d'honorer ce contrat juteux, l'inspiration lui fait défaut, que va-t-il faire ? tout le monde s'affole. Va-t-il s'enfuir ? Tantôt flatté de se voir reconnu, ou déçu de ne pas toujours l'être... peut-il refuser de se soumettre aux pressions de l'argent, du pouvoir, de la notoriété et garder la maîtrise de ce qu'il écrit ?

Ce roman nous apporte un véritable sujet de réflexion sur l'évolution de la création littéraire, sur les émissions de téléréalités qui envahissent nos écrans... que penser des spectacles qui utilisent et manipulent la crédulité du public, de ceux qui s'affichent sur les plateaux télé... Notre pensée doit-t-elle cèder le pas, allons nous devenir des moutons ? Allons nous nous borner à tout juger avec des "j'aime" ou "je n'aime pas" ? le monde va-t-il devenir un vaste plateau de télévision ?

J'aurais aimé lui décerner la note maximum tant je trouve le sujet très actuel et intéressant, voire inquiétant. C'est la rédaction, la forme qui m'ont quelque peu gènée par moments, manque de transition, de respiration, d'un passage à un autre, style un peu inégal... à mon goût.

Mais je le recommande vivement. Les écrivains ont un rôle à jouer et ce n'est pas au lecteur, au spectateur de lui dire ce qu'il doit penser et écrire.
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Un écrivain, un vrai

A paraître en 2013.



Gary Montaigu est un auteur à succès. Il est en lice pour recevoir un prestigieux prix littéraire : « S’il avait son prix, il pourrait tout faire, il serait enfin libre d’écrire tous les livres qu’il voulait. » (p. 12) Oui, ce prix serait la consécration de son talent et son billet vers les hautes aspirations littéraires de sa jeunesse. Voilà, Gary peut tout faire. Sur les conseils de Ruth, sa femme, et de son agent, il se lance dans une émission de téléréalité.



Outre le placer sous l’œil des caméras, Un écrivain, un vrai est censé le mettre en contact avec ses lecteurs en leur permettant d’interagir sur le roman qu’il est en train d’écrire. « La téléréalité marche à fond, c’est l’avenir du livre […]. On mettra la création romanesque à la portée du public, […]. On fera du storytelling. Vous serez une légende. » (p. 20) L’émission veut capter l’instant exact de la création, mais pas seulement. Gary doit se montrer, suivre les directives de la production. Si Ruth se prête avec délice à cette parodie de vie qui la place enfin sous les feux de la gloire, Gary perd rapidement pied. Écrire à la demande, être dépossédé de son texte, faire de l’émotion immédiate plutôt qu’engager la réflexion, ce n’est pas ainsi qu’il considère l’écriture et la littérature. Viendront alors l’accident, puis la longue réclusion tandis que dehors, tout le monde se demande ce qui a poussé un homme qui avait tout – la gloire, l’argent et les femmes –, à tout repousser.



Le récit se construit entre deux époques, avant et après l’accident. On voit donc la longue détresse de Gary, puis sa convalescence sous la surveillance de son épouse. Ruth est un personnage trouble, entre éminence grise et mauvais génie. « Ruth estime que c’est son devoir d’organiser sa vie. Sans elle, il n’irait pas bien loin. » (p. 33) Pour cette ambitieuse, la littérature n’est qu’un divertissement facile et rapide qui permet de prendre l’ascendant sur la foule et de se tailler sa part de gloire et de pouvoir. Elle ne partage pas les idéaux artistiques et intellectuels de son époux. Gary est seul contre tous : l’émission de téléréalité est loin de se concentrer sur son travail et préfère les petites tragédies de son quotidien. « Sois moins littéraire. Tu sais que les gens n’aiment pas ça. » (p. 47) « Ne parle surtout pas d’écriture. On s’en fout de ça. » (p. 48)



Un écrivain, un vrai pose la réflexion de l’avenir de la lecture à l’ère des réseaux sociaux et du tout écran. Dans cette société de l’immédiat, un clic vaut critique : j’aime, je partage. Le mot semble bien faible face à l’image ininterrompue. La littérature s’oppose au storytelling, cette technique de communication qui consiste à raconter des histoires. Où est la différence, me direz-vous ? C’est que le storytelling s’en tient à l’histoire. La littérature, elle, entraîne son lecteur vers des sphères plus sombres où la réflexion, la critique et la remise en question sont de rigueur. Mais voilà, faut-il écrire pour plaire ou écrire pour faire réfléchir ? Gary a manifestement choisi une posture qui ne sied pas aux exigences de la téléréalité.



La téléréalité… En scénarisant la réalité pour la rendre plus vraie et plus intéressante, c’est plus que l’intimité d’un homme qu’elle met à mal : c’est l’espace sacré de la création qui est profané sur l’autel du voyeurisme et de l’audimat. Outre l’évidente médiocrité que suggère ce genre de programme, c’est le temps qui crucifié : a-t-on encore le temps de prendre le temps de réfléchir ? NON, nous hurlent les mille écrans qui renvoient les images glacées d’un monde passé sous la lame de la chirurgie télévisuelle. Et c’est précisément ce qui ronge Gary : en invitant les télélecteurs à rendre un avis en temps réel sur son écriture, la production a dépossédé l’écrivain de sa liberté et de sa créativité. « Ce n’était pas son roman, c’était le roman des autres. Le roman ne lui parlait plus. » (p. 71)



Je pourrai en dire encore beaucoup sur cet époustouflant roman. Mais je vous laisse le grand plaisir d’être happé par ses pages. À vous de voir si vous plongerez dans la détresse et la solitude de Gary ou si vous préférerez la voie pavée de bons intérêts que suit Ruth. Le style est fluide et dense et le roman est difficile à lâcher. Pia Petersen vous offre un roman, un vrai. Alors, éteignez votre télé.

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Un écrivain, un vrai

Gary Montaigu a tout pour être heureux: le succès, la célébrité, un prestigieux prix littéraire, une belle épouse et un grand projet. En effet, il vient de signer pour participer à Un écrivain, un vrai la première émission de téléréalité consacrée à la littérature. Le principe en est simple : des caméras le filmeront 24 heures sur 24, les téléspectateurs suivront en direct son travail d'écriture et pourront intervenir directement sur son nouveau roman en cliquant sur "J'aime, Je partage" ou en changeant le cours de l'histoire si elle ne leur convient pas. Pour Gary, c'est une façon de se mettre au goût du jour et de faire connaitre la littérature au plus grand nombre. Mais entre un beau projet et sa réalité concrète, il y a un gouffre dans lequel l'écrivain tombe lentement. Alors que sa femme Ruth s'épanouit sous les caméras, Gary s'éteint, se tarit, ne supportant pas cette intrusion de chaque instant dans son intimité et dans son travail de création.

Un an plus tard, il vit reclus dans son bureau au sous-sol, cloué sur une chaise roulante après un accident. Il écrit encore mais sans conviction, seulement sous l'autorité de Ruth qui le presse d'ailleurs de reprendre le tournage bien qu'il s'y refuse obstinément.





A une époque où tout le monde twitte et partage des informations sur facebook, où devant leurs écrans de télévision, les spectateurs suivent les pseudo-aventures de pseudo-vedettes dans la jungle, sur une île ou à Las Vegas, dans un monde où tout doit aller vite où les foules adorent et oublient dans la foulée, la littérature n'est-elle pas devenue has-been? Pour Gary Montaigu, être le héros d'une émission de téléréalité, c'est faire entrer la littérature dans chaque foyer, c'est permettre à tous de s'investir dans une oeuvre mais il ne se doute pas que la réalité de ce genre de programme porte un nom trompeur. Il ne s'agit pas de montrer la réalité telle qu'elle est mais de la scénariser pour qu'elle intéresse, émeuve, énerve, passionne le plus grand nombre. Très vite, Gary perd pied, la production s'immisce dans sa vie privée, décide de qui il doit voir, écouter, aimer, de ce qu'il doit dire et surtout de ce qu'il doit écrire. Son roman ne lui appartient plus, la littérature est reléguée au second plan, ce qui compte c'est plaire au public et le public ne veut pas réfléchir, il veut des cris, des larmes, du sexe, de l'action.

Saine réflexion sur l'avenir de la littérature à l'ère des réseaux sociaux, de la consommation kleenex et du voyeurisme, Un écrivain, un vrai est un roman élégant et passionnant qui fait frémir. Espérons que jamais la littérature ne se fourvoiera dans ce genre de programme et qu'il restera toujours suffisamment de lecteurs avides de rêver, d'apprendre et de réfléchir grâce au talent d'un écrivain libre et créatif!

Un roman, un vrai....et si j'osais je dirais ...J'aime, je partage!
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Paradigma

À Los Angeles, le quartier ultra défavorisé de Skid Row s'oppose au luxe clinquant de Beverly Hills. Et la fracture entre ces deux univers est d'autant plus marquée que se prépare la cérémonie des Oscars, avec ce qu'elle suppose de paillettes et de démesure. Derrière son blog, Lila dénonce ce monde où être pauvre revient à être coupable : coupable de sa propre misère, coupable du poids que cela fait porter sur la société, coupable de l'image que cela renvoie de la société. Bref, coupable. Et Lila veut que les mentalités prennent conscience. C'est essentiel pour briser le paradigme erroné sur lequel repose le monde moderne capitaliste. « Les pauvres doivent être vus. En rendant les chiffres visibles, on rend aussi visibles l'aperçu de ce qu'est le monde et les choix que les hommes ont faits. Elle est persuadée que le problème du monde est une question de choix et non pas de fatalité et elle sait ce qu'elle veut faire. Il suffit d'une personne pour changer le monde. » (p. 48 & 49) Lila n'est pas une idéaliste : c'est une hacktiviste, une révolutionnaire informatique. À coup de hashtags, elle organise une grande marche silencieuse.



Ce roman arrive dans une période socialement lourde en France. Le fait que l'intrigue se déroule aux États-Unis n'a pas d'importance : elle est vraisemblable et légitime partout où l'injustice sociale règne. Il n'est plus temps que les gens aient peur de devenir ou d'être pauvres, angoisse qui a pour corollaire insupportable la toute-puissance de l'argent. Les richesses doivent être partagées entre tous et ne plus rester à la main des multinationales qui privatisent les ressources naturelles et amputent d'autant les droits fondamentaux de l'être humain. « Être riche est devenu une vertu. Pas question de partager ses biens. Ce n'est plus considéré comme un mal mais comme un droit. » (p. 134) Finalement, le Big One que Los Angeles redoute tant, ce terrible séisme qui doit détruire la ville construite sur une faille, c'est une marée humaine qui va le créer. Cependant, une question demeure : qu'advient-il après la révolution ? « Se battre pour un monde qui n'est plus, c'est se battre contre un monde qui est. » (p. 62)



J'avais déjà beaucoup apprécié Instinct primaire et Un écrivain, un vrai de Pia Petersen. Cette autrice a un vrai talent pour tailler des portraits précis et pertinents. Mon seul regret avec Paradigma est le triangle amoureux : je n'ai pas trouvé qu'il nourrissait le propos de façon pertinente. Mais c'est un détail. Avec son nouveau roman, Pia Petersen pose quelques questions brûlantes d'actualité sur la valeur du monde. « C'est impératif de retrouver le sens des mots et le sens des choses et de créer le modèle qui corresponde à la réalité que l'on veut. » (p. 307)
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Un écrivain, un vrai

Gary Montaigu a fait l’erreur de sa vie quand il a accepté d’écrire son nouveau roman sous forme de téléréalité. Écrivain à succès, il s’imagine que d’étaler le processus de création face au public lui permettra de défendre la cause de la littérature. « L’essentiel c’est que la littérature retrouve un peu de vitalité, qu’elle se montre vraiment sur la place publique, dit Gary avec de l’espoir dans la voix. » Malheureusement, ça ne va pas tout à fait se passer comme prévu … Lorsqu’il veut tout arrêter, stopper ces caméras qui s’immiscent chez lui 24h/24, il est déjà trop tard. Et il est seul face au reste du monde qui ne comprend pas qu’il refuse les revenus extraordinaires que la chaîne de télévision est prête à payer … « Tout le monde veut accéder à l’immortalité. »



Plus largement, le roman offre une très belle illustration de ce que les médias peuvent faire de la littérature. La personne qui le représente le plus ces dérives est la femme même de Gary, bassement opportuniste, qui ne pense qu’à la gloire que peut amener une telle série télévisée. Pour cela, elle pousse son mari au-delà de ce qui est supportable, relisant ses textes, les réduisant, les amputant sans vergogne quand cela devient trop compliqué pour elle.



« Il s’interroge trop. Elle s’arrête pour y penser. [...] les mots s’agrippent à son cerveau, elle a beau secouer la tête, ils s’agrippent et elle n’arrive plus à s’en débarrasser des pensées et des questions affluent malgré elle. Elle trouve insupportable cette intrusion qu’elle ne contrôle pas et qui ne correspond pas à ce qu’elle désire. Un roman qui s’impose de cette manière ne marchera jamais. Un livre doit être rapide, il ne faut surtout pas s’arrêter pour réfléchir ou revenir en arrière, il faut foncer droit devant, il faut le lire vite pour être sûr de ne pas perdre le fil. Un livre doit être consommé avec impatience. »



C’est l’apologie de la vitesse, d’un monde de médias où l’on ne prend plus le temps de rien, où on a plus besoin de mots, puisque l’image suffit à montrer ce qui est important. Un monde où l’on s’intéresse plus aux histoires qu’à la maîtrise de la langue, ce qui explique le succès de certains best-sellers, basés sur une histoire plus ou moins brillante, mais qui massacrent la langue française, ou la rendent moyenne, approximative.



Gary est donc littéralement broyé par cette société des médias, où l’on doit dire oui à tout, ne pas montrer de franche opposition car elle ne serait pas comprise : comment pourrait-il refuser l’argent, la vie, tout ce dont tout le monde rêve ? Comment peut-il refuser une vie plus facile pour sa femme, l’avantage de ne plus s’inquiéter de l’équilibre de ses comptes ? C’est incompréhensible pour le milieu dans lequel évolue Gary depuis qu’il est un écrivain à succès, d’abord encensé par les critiques et puis porté par le grand public.



« L’homme ordinaire était le nouveau héros, le type même de la téléréalité. C’était lui maintenant qui définissait la norme de ce qui était bien ou mal. Obéissant, il disait toujours oui, il était l’homme positif, celui qui pouvait être sympa tout en était lâche. L’acceptation était hissée au rang de l’héroïsme. Dire non poussait au débat, dire non condamnait à la marge, dire non excluait de la norme, dire non était négatif. »



Le principe de la téléréalité est pointé ici comme le déclencheur de dérapages. Et à la TV plus qu’ailleurs, il n’est pas de bon ton de ne pas aimer :



« Le roman doit être annoncé comme un roman participatif. Les téléspectateurs voteront comme sur les réseaux sociaux, « j’aime je partage ». Et ceux qui n’aiment pas ? Il n’y a pas de boutons pour eux ? On ne veut pas savoir. On aime ou on se tait. »



Et en réalité, on comprend que les gens ne s’intéressent pas vraiment au roman, ils se concentrent rapidement sur les relations entre Gary et sa femme, demandant même l’introduction d’une autre femme pour mettre un peu de piment dans la série … Et l’écrivain se rend compte qu’il est en train de vendre sa morale, ses valeurs et son âme …



« Pourtant il trouvait toujours l’idée d’une téléréalité intéressante. Il parlait de livres, de romans, il rendait accessible la capacité des écrivains à transformer leur vision du monde en réflexion, en fiction. La littérature était enfin à la portée de tous et reflétait la société. Mais cette intrusion systématique dans son travail était insupportable. »



Ce fut donc une lecture extrêmement agréable, surprenante dans sa manière de pointer du doigt, impitoyablement, les errements et les défauts d’une société des médias qui ne s’inquiète plus de qualité ou de contenu, mais d’audience et de revenus …



Un très bon roman qui fait réfléchir à la place réelle de la littérature aujourd’hui dans cette même société : quelle évolution cette dernière est-elle en train de subir de force ? se simplifier, être accessible, être distrayante, voilà ce qu’on lui demande. Mais n’avons-nous pas perdu son essence même ?



Je laisse la question ouverte …
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Un écrivain, un vrai

"Il avait reçu l'International Book Prize. Et maintenant?"

Et maintenant, Gary Montaigu, "le golden boy de la littérature" fier de l'être, le naïf homme à femmes manipulé par Ruth, son épouse arriviste, va se trouver pieds, poings et plume liés par le contrat de téléréalité du cupide producteur Miles.

Peut-on écrire sous l'oeil inquisiteur des caméras? Reste-t-on libre de ses faits et gestes? N'est-on pas dépossédé de son écriture lorsque les spectateurs s'en mêlent en cliquant des "j'aime" et des "je partage", en donnant leur avis sur tout? Ce pauvre Gary, mis à nu par les médias et dans le "confessionnal" où il est obligé de déballer ses émotions, soumis à sa femme mi sangsue- mi mante religieuse aux dents longues, devient le pur produit d'une société de consommation dont les voyeurs sont aux antipodes de la vraie littérature.

Cet excellent roman; Un écrivain, un vrai; ce drame pitoyable, évoque le statut d'écrivain et soulève des questions annexes et pertinentes. Qu'est-ce que la littérature, à l'époque des scénarios télévisés où l'amour, la gloire et la beauté rapportent gros? On pense alors à Saga de Benito Benacquista. Comment peut-on écrire (encore) du bon sur commande? Qu'est-ce que l'élan créateur? L'écriture permet-elle la survie? L'écriture peut-elle "changer le monde" en le rendant plus humain?

Mais ce roman aborde également la lutte pouvoir dans un couple dont l'un vit à travers l'autre, n'est rien sans lui, mais s'imagine être sa muse (comme ici) ou son mentor.

L'abus de pouvoir évoque Le bonheur conjugal de Tahar Ben Jelloun et le "J'aime, je partage" qui revient en vrille se vomit alors comme un dégoût de vivre. Et là on passe à La Nausée de Jean-Paul Sartre, où Roquentin se rend compte de la gratuité des êtres, des choses et de lui-même et refuse les "cons". A moins qu'un autre plus nauséeux... s'engage et l'engage vers d'autres cieux!

Pia Petersen, à l'écriture alerte et incisive, plusieurs fois primée a déjà écrit sur les phénomènes d'intrusion et leurs répercussions.Je recommande l'excellent: Une fenêtre au hasard (dans lequel une anonyme épie son voisin qui se sent devenir paranoïaque), Le chien de Don Quichotte (un policier sanglant avec intrusion dans des fichiers informatiques).
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Instinct primaire

Dans cette longue lettre, Pia Petersen s’adresse à l’homme qu’elle aime toujours, mais qu’elle a quitté au pied de l’autel. Elle essaie de reprendre la conversation interrompue par sa fuite et par l’incompréhension hostile de son ancien fiancé. « Il fallait laisser à l’autre la possibilité de changer d’avis mais ça, tu l’as oublié, n’est-ce pas ? » (p. 12) Alors qu’elle occupait depuis longtemps la place de la maîtresse, Pia Petersen s’accommodait parfaitement de la situation et n’avait pas demandé à son amant de quitter son épouse. « Je prenais goût à ne plus être hantée par le désir de possession. » (p. 22) Elle affirme n’avoir jamais eu besoin du mariage pour aimer, et encore moins le désir de formaliser des sentiments qui sont surtout beaux quand ils sont libres. « Jamais je ne soumettrai l’amour à un contrat. » (p. 25) Au fil de sa lettre, elle rappelle à l’homme qu’elle aime qu’elle refuse de se définir en tant que femme-épouse ou femme-mère et qu’elle a trouvé d’autres façons de se réaliser, loin du couple contresigné et de la maternité. « Toutes les femmes n’ont pas l’instinct maternel mais elles ont toutes une amie qui dit tu vas le regretter un jour. » (p. 77) Outre la lettre adressée à son ancien amant, Pia Petersen écrit une réflexion profonde sur l’économie, la natalité mondiale, l’état de la société, le féminisme et la place des femmes. « Moi, je dis que la femme devrait penser plus avec son cerveau qu’avec son utérus. » (p. 102)



Ce livre m’a été mis dans les mains par une amie qui ne me veut toujours que du bien. Mais pour cette lecture, je ne suis pas certaine de pouvoir la remercier. L’histoire et les expériences de Pia Petersen rejoignent trop brutalement les miennes pour que je reste indifférente. Cette lecture m’a heurtée, voire blessée par certains aspects. Je reconnais la pertinence des positions que défend l’auteure et ne suis pas de celles qui considèrent la femme comme un ventre en devenir. Mais certains des propos de l’auteure sont terriblement violents envers les femmes et certains de leurs désirs.



Je vais continuer à lire des livres de Pia Petersen, mais uniquement ses romans. Et je vous recommande chaudement Un écrivain, un vrai qui vous plongera dans l’enfer des médias et de la télé-réalité.

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La vengeance des perroquets

Lorsque l’algorithme sera monté à la tête du surpuissant ultra-riche, que faudra-il pour l’en faire redescendre ? Un thriller acéré et artistique dans un monde de nouveaux paradigmes qui s’essaient au triomphe.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/09/28/note-de-lecture-la-vengeance-des-perroquets-pia-petersen/



Quel est le lien entre ce prisonnier au secret, manipulé dans quelque Guantanamo qui ne dirait pas tout de suite son nom, évoluant désormais au bord de la folie, et cette artiste peintre franco-scandinave devenue en quelques années le must portraitiste des rois de la Silicon Valley ? Y aurait-il par là l’ombre du puissantissime Henry Palantir, multi-milliardaire propriétaire de Vision Technologies, idéalement située au confluent du numérique et de la sécurité, incontournable interlocuteur des gouvernements (surtout américain) comme des investisseurs financiers, et dernier client en date – à la commande encore en cours – de l’artiste Emma ? Dans un monde contemporain brutalement ramené à ses dimensions les plus étroites par la pandémie qui s’abat, recréant instantanément des frontières « en dur » là où tout était si soft, monde où peuvent s’évanouir dans la nature des professeurs de Stanford spécialisés en éthique numérique, monde où peuvent aussi ployer les résistances juridiques face à de nouveaux monarques absolus, monde où les algorithmes voient dissimulée leur nature profonde de perroquets stochastiques dans d’insondables boîtes noires (ce que les titres des chapitres nous rappellent avec élégance et malice), il faudra peut-être que des solidarités artistiques et réticulaires inattendues voient le jour, pour qu’une colère indispensable s’exprime.



Publié en août 2022 dans la collection Equinox des Arènes, trois ans après « Paradigma » (dans la même collection) qu’il prolonge et amplifie par bien des aspects, le douzième ouvrage de Pia Petersen appuie en beauté là où cela fait bien mal. Jouant à la perfection des motifs ultérieurs et psychotiques des ultra-riches, à l’image du « L’invention des corps » de Pierre Ducrozet ou du « Agora zéro » d’Éric Arlix et Frédéric Dumoulin (voire, dans une tonalité plus « insider », ouverte au regard initial d’artiste mis en scène ici, du « Ada » d’Antoine Bello), ce thriller policier à la composition technique largement inhabituelle pénètre l’environnement des algorithmes et du langage qu’est le code à la manière d’un Hugues Leroy ou d’un Neal Stephenson, mais y traque avant tout la mutation (incarnée dans les fantasmes d’un dominateur – figure actualisée du vampire tout juste métaphorique qui hantait déjà le « Jack Barron et l’éternité » de Norman Spinrad en 1969) d’un complexe militaro-industriel qui n’est plus celui projeté avec ironie par le jeune Kim Stanley Robinson de « La Côte Dorée », mais bien celui qui se nourrit désormais de surveillance généralisée, de deep learning, de mass recognition, de sociétés militaires privées et de sécurités intérieures gangrenées. Dans cet envers du décor principal, en jus de goyave à volonté et en espace agencé perpétuellement convivial, de la Silicon Valley, ce sont bien les motifs de l’Alain Damasio des « Furtifs », du Benjamin Fogel de « La transparence selon Irina » Oou du Stéphane Vanderhaeghe de « P.R.O.T.O.C.O.L. » qui triomphent : comme le rappelle fort justement Wu Ming 1 dans son tout récent « Q comme Qomplot », il n’y a nul besoin de conspiration et de conspirationnisme pour qu’un changement de paradigme se produise. Le techno-capitalisme y est prêt, quasiment en permanence, n’attendant que d’exercer son véritable métier de saisie d’occasions profitables pour les actionnaires : les véritables résistances face à cet état de fait sont encore largement à inventer, comme le souligne le Slavoj Žižek de « Dans la tempête virale », et Pia Petersen nous y offre une foudroyante incursion par les street artists et les hackers numériques, désabusés mais pas dupes, combattants depuis le pied de la colline, certes, mais néanmoins parfaitement déterminés.
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Instinct primaire

Bilan mitigé pour ce roman, peut-etre que j'en attendais bien plus et au final je suis déçue. C'est surtout la narratrice qui m'a déplu. Si elle a des idées bien précises sur certains sujets de société, elle est pour autant incapable de mener sa vie, de prendre des décisions...... "Il existe une nouvelle forme de politiquement correct féminin qu’il ne faut pas contredire, surtout pas et elle est redoutable. La fierté d’être mère est désormais la suprême mission, sacrée qui plus est, de la femme et cette mère là a tous les droits."

Elle est effacée, revendique son statut de maitresse et s'en contente bref j'ai adoré la détester.



L’écriture de Pia Petersen n'en reste pas moins agréable ce qui donne un peu d’intérêt a ce court roman.


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Marseille Noir

Cela faisait un moment que l’on attendait le premier inédit français d’Asphalte. C’est chose faite avec, qui plus est, un recueil de nouvelles dans la collection emblématique de la maison d’édition. Et, pour ne rien gâcher, le livre est vraiment bon.



En effet, de tous les volumes des « Villes noires » parus jusqu’à présent, Marseille Noir est certainement celui dans lequel on sent le mieux battre le cœur de la ville. Ici, elle ne sert pas seulement de décor mais est dans la quasi-totalité des quatorze nouvelles du recueil un personnage à part entière, bienveillant et menaçant, aimé et détesté. Car ce que disent ces récits, c’est que si les habitants de Marseille, du cru depuis plusieurs générations ou nouveaux arrivants, font la ville, la ville a aussi une réelle emprise sur eux.



Cela commence par une partie consacrée aux « mythologies » marseillaises, en particulier la tradition du crime plus ou moins – et quand même souvent moins – organisé. Cela continue avec un bouquet de nouvelles regroupées dans un chapitre « Errances » qui voit des personnages comme perdus dans une ville qui tient au moins autant du refuge que du cul-de-sac, avant de passer à l’inévitable « Sale et rebelle » dans lequel les récits montrent bien comment la ville, entité supérieure douée de [dé]raison, façonne ceux qui y vivent, y compris, nous dit la quatrième et ultime partie, « Toujours en partance », lorsqu’ils ne font qu’y passer.



C’est le jeu, bien entendu, on ne peut mettre sur un pied d’égalité toutes les nouvelles réunies par Cédric Fabre. Certaines apparaissent plus accrocheuses et/ou plus profondes que d’autres, mais il n’en demeure pas moins que l’on se trouve là face à un ensemble extrêmement cohérent. Les éditrices ont eu le nez fin en optant pour Marseille à l’occasion de ce premier recueil totalement inédit, la ville la plus susceptible de leur fournir une matière d’une telle qualité en terme de noir.


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Un écrivain, un vrai

Gary Montaigu vient d’obtenir un prestigieux prix littéraire qu’il fête avec détachement dans un hôtel huppé de New York. Sa femme Ruth est elle tout à son affaire, ce qu’elle avait rêvé s’accomplit et elle s’enthousiasme immédiatement à l’idée d’un producteur de faire participer Gary à une émission de téléréalité. « Un écrivain, un vrai » est le nom de cette émission où Gary écrira en direct sous l’oeil des caméras. Il suivra également les suggestions des spectateurs quant au déroulement de l’intrigue, au caractère des personnages, et fera évoluer son texte dans les directions suggérées. Tout d’abord persuadé de rendre ainsi visible et populaire la littérature, Gary, quelques mois plus tard, est reclus chez lui, dans son sous-sol et refuse toute reprise du tournage. Que s’est-il passé, qu’est-ce qui l’a fait ainsi souhaiter reprendre sa liberté ? Ruth ne voit pas les choses comme lui, elle a pris goût à la célébrité et œuvre de toutes manières possibles pour que le tournage reprenne…

Après avoir éprouvé un peu de difficultés à entrer dans le roman, j’ai ensuite suivi avec plaisir et intérêt le cheminement de Gary



La suite :
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Instinct primaire

J’ai lu beaucoup d’avis positifs, voire très positifs sur ce livre. Je m’attendais à éprouver un coup de coeur pour lui. Ce n’est pas le cas. Je l’ai bien aimé, sans plus. Pourquoi ?

La narratrice se veut une femme libre. Libre d’écrire, de se consacrer à la littérature. Mariage et enfants ne font pas partie de son projet de vie. Ceci ne me pose pas de problème, loin de là, j’ai toujours su que le bonheur, l’accomplissement de soi ne passait pas nécessairement par la maternité, quoi qu’en dise une génération de soi-disant féministe. Ce qui me dérange est cette thèse comme quoi un écrivain ne peut aussi être mère, avoir une vie personnelle, jongler entre des obligations mais ne peut exister qu’en se consacrant uniquement à son oeuvre. Elle n’est pas neuve, quoi qu’en dise l’auteur, – voir Simone de Beauvoir, Karen Blixen entre autre, qui soutenaient déjà cette thèse. Et si elle a le désir de voir le monde, de s’ouvrir au monde pour écrire, d’autres désirs ne sont pas incompatibles avec la volonté d’écrire.

Je regrette aussi qu’elle ne retienne que deux domaines d’écriture : l’autofiction et les harlequinades. A mes yeux, cette classification est très réductrice, et laisse de côté maintes auteurs. Je pense à Doris Lessing, qui vient de nous quitter, à Jeanne Benameur, Nancy Huston, et j’en oublie beaucoup.

Au fur et à mesure que je rédige cette critique, je me dis d’ailleurs que je me laisse envahir par les souvenirs négatifs, plutôt que les positifs, ce qui serait très réducteur. Je me rappelle aussi cette sensation d’étouffement qui m’avait saisi lorsque, entourée par des femmes/mariées/mère, elle ne trouve personne pour la comprendre, et toutes pour la plaindre. Et là, elle pousse à s’interroger sur les raisons pour lesquelles une femme se marie, a des enfants. [Note : j'en connais qui sont très fières de dire qu'elles ont mis le grappin sur leur mari très tôt, et que maintenant, elles sont tranquilles. Ah, bon ? Drôle d'idée du bonheur]. On interroge toujours une célibataire sans enfant, on calque sur elle des schémas de pensée pré-établis, et même l’homme qu’elle aimait n’y a pas échappé, lui qui pensait qu’elle voulait forcément le mariage, pour forcément avoir des enfants après. On ne demande jamais pourquoi une femme veut des enfants alors que les femmes sans enfant sont priés de se justifier, ou de trouver une cause à leur "incomplétude".

Puis, comme l’auteur, je ne pense pas que la femme soit meilleure que l’homme, que le monde se porterait mieux si elle le dirigeait. Je ne pense pas non plus que la femme qui a enfanté soit seule capable de générosité. Combien de fois m’a-t-on ressassé qu’une femme devenait "meilleure" quand elle était mère, qu’elle acquérait une meilleure compréhension du monde (pas dans ma famille, je vous rassure tout de suite), et j’ai été heureuse de lire enfin quelqu’un qui ose défendre des thèses bien différentes.

Instinct primaire est un livre qui fait réfléchir, par les thèses qu’il défend. C’est un livre dont j’ai beaucoup parlé autour de moi, et que je compte bien faire découvrir à d’autres lecteurs. A ce titre, il est l’un des livres les plus intéressants que j’ai lus lors de la rentrée littéraire 2013.
Lien : http://deslivresetsharon.wor..
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Paradigma

Dans Paradigma, on suit Luna, une jeune hackeuse qui lance un mouvement social, sous une nouvelle forme. Elle invite les invisibles des Etats-Unis à se lever et à se montrer en préambule de la cérémonie des Oscars, et qu'enfin, deux mondes économiquement opposés se croisent.

Ce livre fait partie de ceux qui vous permettent de porter un regard neuf sur le monde. En le refermant, j'avais l'impression d'avoir compris certaines choses sur le mouvement des Gilets jaunes que je n'arrivais pas à verbaliser. L'idée du changement de paradigme, des codes anciens qui ne sont plus les bons à une époque où notre humanité n'est plus la pierre angulaire à la différence de notre valeur économique individuelle.

C'est un roman urgent, mais contrairement à beaucoup, il ne traite pas un sujet politique au détriment du style. Il y a des passages que j'ai lu à voix haute parce qu'il y a une vraie langue et qu'il faut l'entendre.

Je suis bluffée par l'acuité sociale de Pia Petersen, sa vision des Etats-Unis, sa prise en compte des invisibles à un moment où en France ils commencent justement à se rendre visibles.

Et si je vous dis qu'en plus il y a une belle histoire d'amour...
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Un écrivain, un vrai

Heureux gagnant de l’International Book Prize, Gary Montaigu accepte de participer à une émission de télé-réalité. Il sera filmé en train d'écrire un roman dont les téléspectateurs décideront du sort des personnages.



Ironique et terriblement réaliste, Pia Petersen nous offre une brillante réflexion sur l'essence même du processus d'écriture. Les pages fourmillent d'idées originales voire carrément géniales. La manipulation des médias, la relation que l'auteur entretient avec son roman et son écriture, les excès de la télé réalité, les doutes provoqués par le succès, l'amalgame entre la vulgarisation et le nivellement par le bas. Une ode à la lecture créatrice de réflexion. Une satyre vive, juste, subtile et pleine de résonance.



Malgré ces qualités, j'ai eu quelques baisses de régime durant ma lecture. J'ai décroché à quelques reprises mais je n'ai pas regretté d'être allée jusqu'au bout. J'ai adoré la fin.
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Un écrivain, un vrai

Au commencement, il y a une idée simple, incroyablement généreuse même, celle de partager, universellement un savoir, une technique. Celle de l’écriture. Faire de la vie d’un écrivain une émission de téléréalité. Alors s’ouvre le champ des possibles, mais très vite, c’est un puits béant, un trou noir qui se profile.



C’est un cri de détresse, une alarme retentissante, écrit avec douceur, exactitude, perfection. Pas un mot de trop, pas un mot ne manque. Il y a tout, le sentiment de hâte, la pression de l’immédiat, de la foule, de la ville, l’oppression, la chaleur, le manque d’eau, le manque d’air. Il y a la beauté de la ville, la tristesse de l’ombre, la force du tyran et la faiblesse de l’être. La littérature est poussée à ses limites, par des innocents un peu naïfs qui veulent trop y croire.



Un orage, la foudre de deux mondes qui s’opposent et qui, non, malheureusement, ne peuvent pas se mêler. L’électricité dans l’air, le récit nous porte de voix en voix, de regard en regard, d’injustices en gestes désespérés. Le tout porté par une écriture dansante.



Entre polyphonie et cacophonie, le lecteur est lui aussi, pris au piège. C’est un roman qui se lit en un souffle. Celui de l’espoir, peut-être. Celui de l’amour des lettres, c’est certain.

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Une fenêtre au hasard

Une fenêtre au hasard est l'histoire du rendez-vous d'amour manqué de deux solitudes, chacune à l'abri de l'angoisse du dehors, qui par certains côtés fait penser au superbe roman de Delphine Le Vigan:Les heures souterraines (traitant en parallèle le mal être d'un médecin urgentiste en pleine rupture et celui d'une femme cadre divorcée harcelée par son chef).

Mais chez Pia Petersen (auteur contemporaine norvégienne résidant en France), la femme solitaire et dépressive, va connaitre peu à peu le voisin solitaire qui aménage face à sa fenêtre par une surveillance rapprochée et une interprêtant de ses faits et gestes (ce qui faussera la donne). Limite alcoolique, depuis trois ans, elle "essaie d'écrire la fenêtre d'en face" . Déstabilisée par ce nouveau locataire, voyeuse intrusive, elle imagine cet inconnu, seul sel de sa vie pitoyable de petite bureucrate,s'en amourache,le suit,ouvre son courier, lui écrit anonymement des lettres d'amour, car "écrire c'est donner de l'âme aux mots" et lui révéle son secret, un lourd secret tissé de traumatismes et de manque d'amour qui ont plombé son assurance par trop fragile.

Pas d'érotomanie,une dérive, une simple phobie sociale qui la fera démissionner de son travail, puis partir tout court pour fuir celui dont, elle le sait, par manque "de suffisance", elle ne peut être digne.

Lui, de son côté, ce "Luca Tovani, dont elle a lu le nom sur sa boite aux lettres, angoissé par la vie et la misère vécue dans ses reportages de "correspondant de guerre", seul avec sa caméra "sa vision des choses" qui "le relie au monde", seul avec sa peur de l'amour, seul avec son malaise d'être surveillé qui se transforme peu à peu en paranoïa, ne se doute que trop tard des sentiments dont il fait l'objet de la part de celle qui aurait pu....

Un roman d'amour très émouvant dans un Paris où, malgré la canicule qui sévit, les relations humaines restent froides,les gens passent à côté les uns des autres sans se voir,se comprendre,oser un geste d'amitié, un Paris tissé du vide des solitudes.

Une approche psychologique très pointue des deux personnages principaux.Une réflexion sur les rapports humains qui de nos jours manquent d'humanité et sur le poids du passé, les relations avec l'enfance qui peuvent plomber un destin.

Un livre fort qui vibre et pleure!
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